Lettre ouverte à l’état-major du RPG :
Evitez le chemin de non-retour au pouvoir
À tous ceux à qui parviendra la présente Lettre ouverte, salut et paix.
L’histoire de notre pays émaillée de partis politiques qui accèdent au pouvoir, une fois le pouvoir perdu, n’arrivent plus à le reconquérir. Quand le PDG a perdu le pouvoir, il ne s’est plus relevé. Quand le PUP l’a également perdu, il ne s’est jamais relevé. On se pose tout de même cette question quant au RPG qui vient de le perdre à l’arrachée à la faveur du coup d’état de 5 septembre 2021. Suivra-t-il le ‘’chemin de non-retour au pouvoir’’ tracé par ses illustres prédécesseurs ? Ça dépend. Il n y a pas de recettes miracles pour la reconquête du pouvoir. Mais tout stratégiste politique nous orientera sur certaines techniques observées çà et là, dans les pays où les partis ont l’habitude de partir et de revenir au pouvoir. Citons la France, où la Gauche et la droite jouent à qui perd gagnera ; les Royaumes Unis, où les Travaillistes et les Conservateurs s’alternent au pouvoir ; les Etats-Unis, où les Démocrates et les Républicains jouent un championnat à deux.
Sur le chemin du retour
Cet exposé est le résultat de l’analyse des données recueillies au cours du programme de formation en ‘’stratégie électorale’’, organisé par l’Académie du Leadership Communautaire, lors des élections présidentielles de 2020, à l’intention des organisations de jeunesse et mouvements de soutien du RPG Arc-en-ciel. C’est aussi le fruit de mes expériences, d’une part, en tant que membres du « National Black Republican Association », l’Association Nationale des Noirs membres du Parti Républicain aux USA ; et d’autre part, la somme de l’expérience professionnelle et en ma position de l’un des doyens des journalistes, compagnons de premières heures du Professeur et ancien Directeur de Bureau de Presse de la Présidence de la République. C’est également un témoignage de loyauté, fidélité et gratitude envers l’homme et son combat pour la politique de rassemblement au-delà des clivages ethniques dont je suis l’un des témoins privilégiés. Comme contribution, l’Académie du Leadership Communautaire a le plaisir d’annoncer la reprise de ses activités pour un programme en format ‘’Université d’été’’ sur les « Stratégies de reconstitution des forces, les techniques de valorisation des acquis et les principes de l’autonomisation de la base » destinées aux organisations de jeunesse et structures du parti pour aborder la Transition et préparer l’après-transition.
Le programme de formation en objet, a été réalisé grâce au mécénat d’un militant de bonne volonté. Près de 1960 jeunes leaders représentant plus de 200 organisations affiliées ou de soutien au parti ont pris part à ce programme. De cet échantillonnage, il est ressorti que 96% des participants, seraient nés après 1980. À peine âgés de 13 ans lors de la première participation du RPG aux élections présidentielles de 1993.
Donc tous petits pour scander les slogans Révolutionnaires de la Première République en 1984, trop jeunes pour voter, et peu matures pour comprendre la nature du slogan « Wofatara » des élections de la Deuxième République de 1993 ; sans repère pour apprécier à sa juste valeur le terme « Won Djètèfé » des élections de la Troisième République de 2010 ; sans autre référence que l’incertitude à la question de « Qu’est-ce que j’y gagne, ou qu’est-ce que j’y perd quoi ? » des élections de la Quatrième République de 2020. À présent, sans le pouvoir, donc plus de traces des références au parti dans les C.V pour affronter l’avenir lors des élections de la Cinquième République, inscrites aux calendres grecs. Il va falloir décortiquer un peu en détail ces étapes et faits marquants de l’histoire du parti afin d’éclairer la religion de la génération nouvelle.
Aux élections de 1993, trop jeunes pour voter et peu matures pour comprendre la nature de la doctrine de haine et de règlement de compte véhiculée par le slogan d’intolérance « WOFATARA », entendez ‘’c’est bien fait’’ de l’époque. La génération nouvelle ne sait pas qu’Alpha Condé, son parti et sa doctrine de rassemblement ont été pris en otage par des va-t-en-guerre du parti, animés à l’époque par une doctrine de haine et de soif de vengeance pour le mot « Wofatara » prononcé aux heures tumultueuses du coup d’état manqué du 5 juillet 1985. Panafricaniste convaincu, Alpha Condé savait que cette doctrine de haine de l’aile dure ne pouvait pas conduire le parti à la victoire. Pour ce principe, il renonça à la revendication d’un deuxième tour lors des présidentielles de 1993.
Aux élections de 2010, sans repères pour apprécier la valeur de la doctrine de la main tendue exprimée par le slogan de tolérance « Won Djètèfé », entendez ‘’notre cause’’.
L’esprit du « Wofatara » ne faisait plus recette auprès de la génération des nouveaux électeurs du parti. D’ailleurs cette doctrine a montré ses limites lors du premier tour des présidentielles de 2010. Un deuxième tour était alors nécessaire. Le salut vint du fief traditionnel du PUP. Par la rencontre de Frères ennemis d’hier, alliés pour une cause commune aujourd’hui, et Grace à l’esprit de pardon « Won Djètèfé », la victoire RPG a été assurée. Et l’alliance RPG arc-en-ciel est née. La politique de rassemblement du Professeur Alpha Condé triompha finalement.
Aux élections de 2020, sans autres éléments de valeur que la doctrine de « Qu’est-ce que j’y gagne, qu’est-ce que j’y perds ? ».
La génération nouvelle ignore les dessous des tractations de l’union entre « Wofatara » et « Won Djètèfé ». La lune de miel du ménage n’a guère duré. Pour les uns, la dot était trop élevée, pour les autres, trop peu. C’est dans cette atmosphère que la jeunesse RPG est allée aux élections présidentielles de 2020 avec pour seule doctrine, l’incertitude de « Qu’est-ce que j’y gagne, qu’est-ce que j’y perds ? ».
À présent sans le pouvoir, donc plus de traces des références au parti dans les C.V pour affronter l’avenir.
Les dauphins institutionnels.
Lorsqu’il y a vacance de pouvoir, le problème de succession s’impose à la tête du pays. Lorsqu’il y a empêchement, le problème d’intérim s’impose aussi bien à la tête de l’Etat, qu’à la tête du Parti détrôné. C’est là qu’entre en lice les dauphins potentiels, que nous appelons ‘’dauphins institutionnels’’. C’est à dire les têtes des trois institutions clés à travers lesquelles le pays est dirigé : le Président de l’Assemblée nationale est le ‘’Dauphin constitutionnel’’ ; le Secrétaire Général, numéro deux du parti est le ‘’Dauphin statutaire’’ et le Premier ministre, chef du gouvernement est le ‘’Dauphin désigné’’.
Le dauphin constitutionnel :
Les chances du Président de l’assemblée nationale, le dauphin constitutionnel, de succéder au Président de la République ont été balayées par les forces d’un ouragan spécial. Le ‘’Dauphinat’’ constitutionnel étant neutralisé, et par la loi des armes, et par la force spéciale des lois, l’armée a repris ce que l’armée n’a pas donné. C’est ce qu’on appelle faire d’une rafale deux coups… d’état.
Le dauphin statutaire du parti :
Au RPG, c’est le secrétaire général qui fait office de Numéro Deux du parti. Donc potentiel ‘’dauphin statutaire’’. Mais en Guinée, être Numéro Deux et être d’office ‘’dauphin statutaire’’, c’est du jamais vu dans aucun parti du coin. C’est un sujet tabou.
Le dauphin désigné :
Premier ministre, chef du gouvernement, le ‘’Dauphin Désigné’’, ainsi appelé, parce qu’étant le choix du Président de la République pour conduire sa politique gouvernementale. D’aucuns disent que ce dernier a l’obligation de présenter et de défendre le bilan du gouvernement.
Règles non écrites de la succession
Dans l’impasse statutaire, en matière d’intérim, toutes les spéculations sont permises. Notamment celles des règles non écrites. Tout parti politique a une base fortifiée qui est son fief traditionnel. En général, il y a des règles pertinentes, non écrites pour la succession à la tête du parti, qui disposent que tout successeur au Président historique soit natif ou originaire de la même région que celui-ci. Sauf si un pacte, lui aussi non écrit, fixe une alternance à la tête du parti entre des originaires de différents pôles politiques. Faute de quoi, le parti peut perdre le pouvoir à jamais. En tout cas c’est arrivé dans le passé. Ce n’est pas au PDG que l’on dira le contraire. Le RPG-Arc-en-ciel se trouve à la croisée de chemins identiques à celle où avait été le PDG, environ 36 ans au paravent. Les mêmes dilemmes pour la succession… On pourrait inventer une histoire, réécrire l’histoire. Mais on ne peut jamais faire ou refaire l’histoire. Mais seulement que l’histoire pourrait se répéter par elle-même ou par la loi de la nature. Et lorsque l’histoire se répète, l’on doit tirer les leçons des cas précédents ou faire face aux conséquences. Car les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.
La loyauté de culpabilité et la loyauté militante
L’état-major du parti et les militants ne doivent pas confondre ce que les stratégistes politiques appellent ‘’la loyauté de culpabilité’’ et ‘’la loyauté militante’’. ‘’La loyauté de culpabilité’’ c’est quand les militants pensent que choisir un intérimaire équivaut à tourner les pages de son chef historique. ‘’La loyauté militante’’ c’est quand les militants estiment que choisir un intérimaire consiste à ouvrir de nouvelles pages d’un nouveau livre sans fermer l’ancien.
Les peuples forgent les héros qui fomentent les révolutions
« Dans l’exercice de la démocratie, les peuples forgent les héros, et les héros fomentent les révolutions ».
Dans la monarchie on dit que Dieu choisit les rois pour les peuples. En démocratie on dit que Dieu laisse aux peuples le soin de choisir leurs leaders. Dans cet exercice démocratique, les peuples forgent les héros, et les héros fomentent les révolutions. Donc tout parti politique qui ne peut se forger un héros de substitution en temps raisonnable quand le besoin se présente, gardera ses militants, mais perdra son électorat qui représente les 80% des voix de tout candidat.
‘’Il n y a pas de mauvais chef pour un bon peuple’’
De deux choses, l’une « le chef est bon, parce que le peuple est bon. Le chef est mauvais parce que le peuple est mauvais. Il n y a pas de mauvais chef pour un bon peuple. Il n y a pas de bon chef pour un mauvais peuple. ». La sagesse que les chinois ont retenue de l’expérience de la révolution culturelle sous la direction de Mao Zedong doit nous inspirer à plus d’un titre. Car la révolution culturelle chinoise a inspiré la révolution culturelle guinéenne. L’expérience de l’après révolution chinoise devrait aussi inspirer l’après révolution guinéenne.
À qui la faute ?
« Que celui qui n’a jamais commis de péchés, jette le premier la pierre ». Parole d’Evangile.
À la mort du président chinois Mao Zedong en 1976, ses compatriotes ont eu la sagesse de dédouaner Mao de toute responsabilité de près ou de loin dans les erreurs et dérapages commis sous la révolution. Car selon eux, ternir l’image de grandeur de Mao c’est déshonorer l’image de grandeur du peuple chinois que Mao avait bâtie. L’image de Mao est donc indissociable de celle du peuple chinois en grandeur comme dans la déchéance. Alors, Mao étant mis hors de cause, la part de responsabilité de chacun a été établie pour découvrir que les erreurs venaient de la base. L’erreur capitale de la révolution culturelle avait été ‘’l’implication d’office de tous les citoyens dans la vie du parti’’. La solution a donc été la réduction drastique du nombre de militants en faveur d’un ‘’militantisme d’élite’’. Désormais, n’est pas militant du parti communiste qui ne le veut pas. De plus d’un milliard de militants sous Mao, le parti communiste chinois ne compte aujourd’hui qu’environ dix millions de membres sous Xi Jinping. Le parti communiste chinois est passé du statut du plus grand parti de la planète, au plus puissant parti sur terre.
Deux sagesses de l’expérience chinoise : dédouaner le chef des erreurs et rechercher les causes à partir de la base. Car un parti qui trébuche, c’est comme un arbre qui se dessèche. Il faut rechercher les causes dans la malnutrition des racines, qu’au niveau de ses feuilles qui tombent.
Le disfonctionnement
Le disfonctionnement commence au sein d’un parti lorsque le ‘’Siège National’’ est transformé en permanence par les militants des structures de base ; où, lorsque les choses qu’on prend pour des ‘’Intérêts nationaux’’ prennent le dessus sur les intérêts locaux ; ou, quand les cadres et responsables au sommet du parti sont coupés de leurs bases d’origines respectives ; ou, si les représentants au sommet ne sont pas représentatifs de la fraction de la population qu’ils sont censés représenter et défendre les intérêts ; ou, lorsque des cadres au sommet deviennent des activistes affairistes au service de la défense des intérêts de corporations douteuses ; ou, lorsque les constituancy à la base ne sont pas représentés au sommet.
Les crises qui secouent le RPG sont plus sérieuses à la base qu’au sommet. Partout des factions rivales irréconciliables du parti s’affrontent dans des guéguerres sans merci. Des délégations de sections et de sous-sections débarquaient au Palais Présidentiel, de jour comme de nuit, pour troubler le petit temps de sommeil du Président par d’interminables séances de résolutions de conflits sans solutions. Des compagnons de lutte d’hier, sont devenus des frères ennemis aujourd’hui. Jamais des délégations de la base s’invitaient à Sékhoutouréyah pour plaider, qui pour école, qui pour un centre de santé, qui pour une route, ou pour un quelconque projet en faveur des citoyens de leurs communautés respectives.
La survie et la reconquête du pouvoir par le RPG ne dépendra pas que du bilan à tout égard positif et élogieux du Gouvernement d’Alpha condé, mais de la capacité du parti à réconcilier ses bases comme à Faranah, Kankan, Kérouané, Siguiri, Beyla, Dinguiraye, Kouroussa, Mandiana, Kissidougou… pour ne citer que les cas mineurs de moindre inquiétude et taire les cas hors contrôle.
Responsabilité du chef
« Un peuple qui est incapable de pardonner et de transformer les erreurs de grandeur de ses chefs, ne mérite pas une seconde chance de grandeur et de gloire ».
Quand le parti aura dédouané le Président de toute responsabilité dans le disfonctionnement, et que chaque cadre aura assumé sa part de responsabilité dans la disfonctionnement à la base, le parti pourra repartir plus que jamais. Tant que l’on tiendra Alpha Condé, et tout au plus une poignée de proches collaborateurs, responsables du disfonctionnement, comme il est de coutume, ce sera l’arbre qui cachera la forêt. C’est pourquoi les partis ne se relèvent jamais, le pays n’apprend jamais de ses erreurs.
Ecole du parti
Tout parti politique a besoin d’un programme de formation pour les générations nouvelles et cadres, appelé sous d’autres cieux ‘’Université d’été,’’ pour assurer la conservation et la transmission des mémoires, valeurs, idéaux, principes et techniques du parti de générations à générations. Ainsi que pour servir de cadre d’études, d’analyses et de débats rationnels sans passion et sans tabous afin de « pardonner sans oublier ». Lorsque des adversaires deviennent des alliés, des actes de bravoure et de gloire d’hier des uns, deviennent de parts et d’autres, des actes d’infamie d’aujourd’hui.
Par ailleurs, l’Académie du Leadership Communautaire animera également des programmes standards en de stratégies politiques générales prévus pour les générations nouvelles des partis politiques et organisations de la société civile afin de les préparer pour la transition et l’après-transition. Car d’une manière générale, les générations nouvelles, nées après 1980, toutes configurations politiques concernées, n’ont aucune référence utile sur la Révolution de la Première République, peu d’informations sur la Deuxième République et sans repères de la Troisième République, dont elles continuent à porter les poids superflus des fardeaux des querelles des anciens.
Moussa CISSE,
Journaliste, Ancien Directeur du Bureau de Presse de la Présidence de la République