Cela est désormais connu de tous et devient sans être écrit un principe de célébration en
Guinée.
En effet, tous ceux qui par leurs contributions à la communauté ou à la nation auront fait la différence, hommes et femmes, jeunes et plus âgés vivent dans un anonymat obscur une fois qu’ils auront quitté sous les feux de la rampe. A leur mort, ils sont soudainement auréolés de tous les substantifs. Très souvent d’ailleurs, leurs décès surviennent les trouvant hélas dans un état de précarité certaine, oubliés ou méconnus de la nation ingrate, dans l’ignorance totale ou l’indifférence coupable de l’État ou plutôt de ce qui lui ressemble.
Hadja Rabiatou Serah Diallo qui en est l’exemple illustratif le plus récent n’aura malheureusement pas échappé au principe des célébrités. Oubliées comme si le fil de notre temps égrène son cours et efface leurs marques d’abord et puis soudainement
Depuis l’annonce de son rappel à Dieu, çà et là, on lit les messages de condoléances et
d’hommages à la mémoire de « l’illustre disparue », de « la dame de fer », de « la Jeanne d’Arc des tropiques ». Si à un individu on peut concéder ce déficit de mémoire et qui n’ait que ce moyen pour témoigner sa reconnaissance à Hadja Rabi, nous devons méditer un peu sur ce que l’appareil d’État devait ou aurait dû faire pour immortaliser la célèbre syndicaliste que fut Hadja Rabi.
Aujourd’hui, les Guinéens qui sont âgés de moins de 30 ans ne le savent certainement pas que Hadja Rabi, Dr Ibrahima FOFANA (tous rappelés à Dieu) et bien d’autres camarades syndicalistes, nourrirent le rêve d’une Guinée de bonne gouvernance et de prospérité partagée au tout début des années 2000.
Dénués de toute ambition personnelle, ces héros ont mené leur combat comme gage pour un État de droit, pour la démocratie et le développement. Ils montrèrent aux Guinéens qu’il était bien possible de se battre pour ses convictions. Ils donnèrent l’exemple que le combat pour le bonheur de tous est possible grâce à l’engagement de chacun. Depuis cette date, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts. Malheureusement, bien de gens ont que profité de ces combats sans accorder le moindre intérêt à l’idéal poursuivi par ces devanciers.
Après 17 ans que ces hommes et femmes ont mené ce combat, le changement recherché est toujours loin de la patrie qu’ils ont tant aimée et tant servie. La bonne gouvernance étant loin d’être le mode de gouvernance. L’injustice, le clientélisme, le copinage, la corruption, l’ethno-stratégie, l’exclusion, etc. sont encore le fardeau épineux que traine quotidiennement le
Guinéen.
Le changement, en tout cas le véritable changement, voulu et recherché par ces filles et fils de la Guinée, reste l’unique moyen d’honorer leurs mémoires.
Aucun symposium, aucun discours, encore moins un laconique message de condoléances ne permettrait aux plus jeunes et aux générations futures de savoir que dans l’histoire de cette nation, des compatriotes ont mené pour l’émancipation de notre peuple, emboitant ainsi le pas de nos grandes figures de résistance enseignés dans les écoles.
Donnons la chance aux plus jeunes et aux générations futures de trouver des exemples et des sources d’inspiration pour l’amour de la patrie.
Sans complexe et avec fierté, célébrons ces hommes et femmes, en baptisant certains
édifices publics en leurs noms. Organisons des journées de célébration pour que les
serviteurs de la République arrêtent de mourir dans l’anonymat sur les sentiers battus de l’oubli.
Des individus commencent à en donner des exemples. Avec l’hommage rendu au journaliste DIALLO SOULEYMANE et à l’orchestre CAMAYENNE SOFA, Isto KEIRA et Jeannot Willi, pour ne citer que ceux-là méritent notre reconnaissance et nos remerciements.
Mais l’Etat, ou son principal appareil, doit poser des actes institutionnels car il dispose d’énormes moyens pour y parvenir.
Hier c’étaient le doyen Hamidou Bangoura des Ballets africains de Guinée Jeanne Mcauley, Djibril Tamsir Niane, Italo Zambo, Altafini,,etc . Aujourd’hui c’est Hadja Rabiatou Serah Diallo, demain et plus tard, nous risquons d’enterrer d’autres célébrités sans avoir su leur retourner l’ascenseur qu’ils ont envoyé à la Nation entière.
Célébrons nous vivants car comme le dirait l’autre : « Nous sommes les héritiers de ceux qui sont morts, les contemporains de ceux qui vivent et les géniteurs de ceux qui viendront après nous. »
Repos éternel à l’âme de Hadja Rabi et de tous nos devanciers.
Mohamed Lamine Coker Bangoura