Détournements et corruption en Guinée : le ministre de la Justice veut mettre tout le monde en prison !
Deux ans après avoir été dans l’incapacité totale de comprendre et de démêler l’écheveau des dossiers de détournements de deniers publics à elle confiée, voilà que la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) vient d’être bombardée par le ministre d’État, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Alphonse Charles Wright, de nouvelles affaires de la même veine pouvant atteindre trois mille personnes, et c’est peu estimer.
Ces nouveaux dossiers impliquent tous les chefs des Divisions des affaires financières (DAF) des départements ministériels, les directeurs des Établissements publics administratifs (EPA), les maires ou assurant l’intérim, de toutes les communes et collectivités décentralisées de la République de Guinée, ainsi que leurs chefs des Services des afaires financières (SAF), sans oublier, dernière trouvaille, tous les responsables de passation de marchés publics, excusez du peu, mais plus on est de fous, plus on rit.
Pour ce faire, des injonctions aux fins de poursuites judiciaires sont lancées pêle-mêle par le ministre de la Justice. Déjà, plus de 500 personnes sont frappées d’interdiction de sortie du territoire, leurs documents de voyage saisis, avec d’ailleurs des possibilités de saisine à titre conservatoire de leurs biens. Euh bien, bravo, c’est une véritable révolution que vient d’enclencher là le Garde des Sceaux de la Guinée. En attendant que les differents avocats viennent s’embrouiller eux-mêmes, et nous embrouiller par la même occasion, sur la légalité et les exceptions à soulever contre ces poursuites tous azimuts, il faut féliciter le « justicier Charles Wright » qui compte nettoyer les écuries d’Augias de l’administration publique guinéenne, conformément aux engagements pris par l’organe dirigeant au pouvoir, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) au lendemain du 5 septembre 2021, date du renversement du Professeur Alpha Condé, en se demandant toutefois s’il a les moyens de sa politique ou de sa croisade.
Primo, il est à espérer qu’il a déjà envisagé la construction de nouvelles maisons d’arrêt. Car, au moins trois mille personnes pourront y demander pension, vu le nombre impressionnant de suspects et complices élargis des différentes poursuites.
Secundo, et là réside le véritable problème, l’instance judiciaire, la CRIEF, chargée de gérer toutes ces affaires dispose-t-elle d’assez de ressources humaines en nombre, compétences et qualifications pour un tel travail gigantesque ? Déjà, l’expérience de cette CRIEF au sein de laquelle se disputent incompétence, amateurisme, manque de sérénité, fuites en avant, raccourcis judiciaires, méconnaissance totale de la chose économique et inexpérience, fait douter de sa capacité à instruire et mener à bout cette jungle de dossiers. Surtout que son empereur des poursuites (le Procureur spécial) le tristement célèbre Aly Touré, s’est emmêlé les pinceaux dans les quelques petits dossiers des anciens dignitaires et ne sait pas comment en sortir. Il est d’ailleurs le seul procureur au monde qui poursuit toujours à charge et jamais à décharge. Dans ce sens, l’État ne va-t-il pas faire des dépenses astronomiques pour assister, in fine, à des vagues de non-lieux ? Avec ce que cela comporterait comme dommages, torts et préjudices commis contre des innocents qu’une bonne instruction de départ aurait permis d’élargir. Sur ce cas, avec le Procureur Aly Touré, l’on peut bien s’attendre à tout. La preuve…
Et enfin tertio, avec la crise économique du moment, le ministre de la Justice dispose-t-il des moyens financiers nécessaires pour instruire toutes ces affaires, entretenir les magistrats commis à cet effet, nourrir la populace de mis en cause, etc. ? A-t-il déjà dégagé un budget spécial à ce propos ? Ou compte-t-il sur une improbable loi de finance rectificative pour satisfaire ses besoins en la matière ? Ou en définitive, comme dans beaucoup d’autres cas, lorgne-t-il les fonds spéciaux et de souveraineté de la Présidence ? Car, contrairement au cirque qui se déroule présentement entre le Premier ministre et le Garde des Sceaux à propos de ces poursuites tous azimuts, ce dernier a bel et bien le soutien du Général Mamadi Doumbouya, chef de l’État et premier magistrat du pays. Quelque soit l’indépendance du pouvoir judiciaire et tout le blablabla qu’il oppose au Premier ministre, il n’aurait jamais entrepris cette révolution d’envergure sans le soutien de leur patron à tous, le Général Mamadi Doumbouya. Mais ce soutien va-t-il jusqu’à ses aspects financiers ? Telle est la question ! Et de sa réponse dépendra la suite à donner à cette croisade !
Par Abdoulaye SANKARA