CEDEAO-GUINÉE-AES : Les amalgames contre-productifs d’Elhadj Cellou Dalein Diallo de la Guinée !
Le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Elhadj Cellou Dalein Diallo, a fait quelques amalgames lors de son passage sur France24 sur la situation de son pays et celle de l’Alliance des États du Sahel (AES). Révolté par le fait que la CEDEAO ne prenne pas de sanctions contre son propre pays, il a déclaré qu’à l’instar de la Guinée, des États membres où il y a eu des coups d’État militaires, comme ceux de l’AES (Mali, Burkina Faso et Niger), ont tous réintégré l’organisation sous-régionale.
Soit Elhadj Cellou Dalein Diallo ne suit pas de près l’actualité, comme tout le monde, en lien avec les rapports entre l’AES et la CEDEAO, soit il est mal informé par son ami burkinabè de l’international libéral Zéphirin Diabré (à gauche avec lui sur la photo), ancien chef de file de l’opposition au Burkina, comme lui en Guinée à une certaine époque. Les trois pays cités avec un certain dédain évident par le leader de l’UFDG ont subi de lourdes sanctions et des embargos injustes, illégaux, illégitimes et inhumains de la part de la CEDEAO après les coups d’État militaires. Ses amis libéraux, en premier chef madame Emanuela Del Re, représentante spéciale de l’Union européenne pour le Sahel, sont allés jusqu’à mettre un embargo sur les médicaments essentiels et ceux liés au don de la vie, tuant des bébés et des femmes en état de famille. À la tribune des 27 de l’Union européenne, madame Emanuela Del Re s’extasiait et se réjouissait des sanctions imposées au Niger qui ont « commencé à avoir des effets », notamment une pénurie de médicaments, de nourriture et d’électricité… Quelles autres sanctions pires que cela aurait voulu monsieur Diallo pour contraindre les militaires à rendre le pouvoir à des civils, alors que les populations voulaient et manifestaient plutôt pour qu’ils restent ? Qu’une bombe nucléaire soit jetée sur l’AES afin de permettre à ces civils de venir gérer de vastes espaces de cimetières ? Non !, Monsieur Diallo, les trois pays de l’AES n’ont pas réintégré la CEDEAO, ils ont plutôt et simplement quitté cette organisation téléguidée par l’Élysée. Il y a une différence. Votre ami, Zéphirin Diabré, leader du parti libéral burkinabè UPC, celui-là qui voulait « construire un tunnel du Burkina Faso jusqu’à la mer », aurait dû vous en informer. Inutile de revenir ici sur les motivations profondes qui ont poussé les militaires de l’AES à prendre leurs responsabilités en s’accaparant du pouvoir d’État des mains des civils, incapables de faire face au terrorisme préférant des orgies dans des palais présidentiels climatisés alors qu’à l’intérieur des pays étaient massacrés quotidiennement des pauvres populations civiles sans défense, pour dire à Elhadj Cellou Dalein Diallo que le cas de l’AES est loin d’être identique à celui de la Guinée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Guinée n’est pas membre de l’AES, n’étant pas un État sahélien et ne connaissant aucun acte de terrorisme ni à l’intérieur ni à ses frontières, contrairement à ces trois pays dont les populations sont chaque jour endeuillées du fait des terroristes soutenus par l’impérialisme libéral et des pays comme la France.
Pour le cas toujours de la Guinée, il est évident qu’après avoir perdu simultanément trois pays du fait de son protocole additionnel, évoqué à plusieurs reprises par Elhadj Cellou Dalein Diallo lors de cette interview, la CEDEAO s’est vue contrainte d’aller, comme on le dit, « molo » avec ce pays, au risque de voir un autre État ayant les mêmes idées de révolte panafricaniste quitter aussi l’organisation sous-régionale. C’est la seule explication cohérente – avec également bien sûr l’appui de la France qui ne voudrait pas que le pays de Sékou Touré suive l’exemple de l’AES en mettant fin à toute forme de coopération avec elle -, qui justifie que la CEDEAO caresse jusqu’à présent la Guinée dans le sens du poil. Elle a appris de ses expériences et déconvenues et estime dès lors qu’il ne lui appartient pas, protocole additionnel ou pas, de s’ingérer dans les affaires politiques internes guinéennes pour donner le pouvoir à des civils qui ne lèvent le moindre petit doigt pour cela, préférant se morfondre dans des discours creux et le fatalisme.
Elhadj Cellou Dalein Diallo se serait mieux renseigné qu’il saurait que c’est grâce au soutien populaire indéfectible des populations de l’AES que les militaires au pouvoir dans ces pays ont pu tenir et tiennent encore tête à la CEDEAO, à l’impérialisme et au terrorisme. Et si Elhadj Cellou Dalein Diallo bénéficiait du même soutien, ce n’est pas sur une chaîne de télévision impérialiste qu’il serait allé pleurer sur son sort. Ces militants auraient eu depuis longtemps raison du Général Mamadi Doumbouya et de son CNRD. Les circonstances, les réalités et la diplomatie active dans les pays de l’AES ne sont pas les mêmes qu’en Guinée et Elhadj Cellou Dalein Diallo en quête de soutien en Afrique devrait se garder d’augmenter le nombre de ses adversaires en stigmatisant et traitant de haut les dirigeants de trois pays qui montent de plus en plus dans l’estime des masses populaires africaines. Cette posture est inopérante, inutile et contre-productive. Le savoir, c’est savoir faire la politique !
Par Abdoulaye SANKARA