Brice Oligui Nguema du Gabon : Le putschiste qui deviendra « Son Excellence » !« C’est vous qui m’apprenez que je suis candidat. Je n’en ai pas manifesté l’intention à ce jour. Mais si les Gabonais estiment que je suis digne de leur confiance et que les actions menées pendant la transition le justifient, j’aviserai. » Ces propos, tenus par le président de la transition gabonaise, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, lors d’une interview accordée à Jeune Afrique — un média notoirement proche du Quai d’Orsay — résonnent comme une mise en scène soigneusement orchestrée.
J’ai déjà écrit maintes fois sur cette page : « ce type, Brice Clotaire Oligui Nguema, qui prétend vouloir remettre le pouvoir à un civil élu, ne rassure guère ». Depuis son accueil avec tambours et trompettes à l’Élysée en tant que « président de la République du Gabon » — et non comme « chef de la junte » — les intentions réelles du général putschiste ne faisaient plus de doute. Cette reconnaissance tacite par Paris indique parfaitement l’approche à géométrie variable de la France vis-à-vis des régimes issus de coups d’État en Afrique. Lorsque ses intérêts sont en jeu, elle sait distinguer un putsch « fréquentable » (halal) d’un autre à condamner (haram). Suivez mon regard !
Ali Bongo ne servant plus les intérêts de l’ancienne puissance coloniale, il n’est guère surprenant que celle-ci ait soutenu et aidé à le « vitrifier ». Pas étonnant non plus que ses « make noise » n’aient trouvé aucun écho : qui, en Afrique francophone, allait défier la France et la toute-puissante franc-maçonnerie, sommée de garder profil bas face aux événements du 30 août 2023 au Gabon ?
D’ailleurs, les médias français avaient donné le ton dès la campagne présidentielle gabonaise, adoptant une posture critique envers Ali Bongo, signe évident de la rupture entre Libreville et Paris. À défaut de trouver un opposant calibré comme Tidjane Thiam — l’un des choix de l’Élysée pour 2025 en Côte d’Ivoire en dehors de Ouattara — Paris a opté pour la solution expéditive, à la Foccart : imposer un général qui passait par là, manipulable à souhait. La suite ? Un déjeuner républicain à l’Élysée pour légitimer le putsch, puis, inévitablement, une candidature sous couvert d’un processus démocratique factice.
Le scénario est bien rodé : demain, Brice Clotaire Oligui Nguema deviendra « Son Excellence Monsieur le Président démocratiquement élu de la République du Gabon ». Pendant ce temps, l’Alliance des États du Sahel (AES) — portée par les généraux Assimi Goïta et Abdourahmane Tiani ainsi que par le capitaine Ibrahim Traoré — restera, aux yeux de la France, une alliance de putschistes et de chefs de junte infréquentables. Mais, pour leurs peuples et l’Afrique consciente, ils resteront pour toujours les véritables symboles de la rupture avec le néocolonialisme et l’impérialisme. Des dignes fils d’une Afrique véritablement émancipée et souveraine.
Quant à Oligui Nguema, il restera dans l’histoire comme un général de circonstance, instrumentalisé pour garantir la continuité des intérêts français au Gabon. Triste destin pour un homme qui aurait pu marquer l’histoire autrement.
Abdoulaye SANKARA