La démocratie ne se bâtit pas sur l’intimidation des innocents !
Il est un principe fondamental, intangible et universel : la responsabilité politique est individuelle. En démocratie, on peut contester une idée, s’opposer à un programme, combattre une gouvernance, mais jamais instrumentaliser la famille des acteurs publics à des fins de pression ou de vengeance. Ce qui se trame depuis quelque temps contre les proches des membres du gouvernement guinéen est non seulement une dérive grave, mais aussi une atteinte intolérable aux valeurs les plus élémentaires de la République.
Le colonel Mamadi Doumbouya, lorsqu’il faisait son coup d’État le 5 septembre 2021, n’a ni sollicité, ni impliqué sa famille et ses parents dans sa décision. Il ne les consulte pas davantage pour diriger la transition. Ses choix politiques, ses orientations, ses actions relèvent de sa seule conscience et de son devoir envers la nation. Il en va de même pour chaque membre de son gouvernement.
Dès lors, comment comprendre – et surtout tolérer – que des activistes autoproclamés, adossés à des blogeurs en quête de sensationnalisme et à certains agitateurs de la société civile, en viennent à désigner comme cibles les familles des responsables publics ? Pire encore, que ces appels à la délation et à la violence s’organisent avec méthode : localisation des domiciles au Sénégal, en Europe et aux États-Unis, identification de leurs familles, menaces proférées en ligne, sous le prétexte d’une traque des biens mal acquis.
Ce terrorisme numérique qui prend les atours d’un militantisme vertueux n’est rien d’autre qu’une forme de lâcheté absolue, une violence morale d’un autre âge, qui vise à faire pression là où la démocratie devrait, au contraire, offrir un cadre de débat apaisé et respectueux.
Il ne s’agit plus ici d’alerter l’opinion sur une gouvernance que l’on conteste ; il s’agit de fabriquer des boucs émissaires, de désigner des innocents à la vindicte populaire, de saper les fondements mêmes du vivre-ensemble. Or, ce n’est ni par la peur, ni par les menaces, ni par l’intimidation des familles que l’on construira la démocratie inclusive, responsable et équitable à laquelle aspirent les peuples africains.
La démocratie n’est pas un champ de vengeance personnelle, ni un théâtre pour pyromanes du clavier. Elle se nourrit de principes, de justice et d’éthique. Il est donc urgent que cessent ces dérives ignobles. Que chacun se rappelle : s’attaquer aux familles, c’est trahir la cause même que l’on prétend défendre.
Abdoulaye SANKARA