Quand la neutralité devient une escroquerie morale !
Dans les pays où la presse a grandi dans l’honnêteté, les médias prennent parti, l’assument et l’affichent sans se cacher. À droite, à gauche, au centre ou même aux extrêmes, chacun joue carte sur table.
Fox News ne se prend pas pour CNN. Valeurs Actuelles ne feint pas d’être Libération. Et personne ne fait semblant d’être neutre pour mieux enfumer le public.
Mais sous nos tropiques, on préfère maquiller les intentions, dissimuler les inclinaisons, camoufler les accointances. On prétend informer, alors qu’on intoxique. On joue les journalistes objectifs avec le ton grave du patriote désintéressé, tout en lisant un éditorial dicté depuis une arrière-cour politique.
Le problème ici n’est pas la presse d’opinion. Elle existe, elle est légitime, et même nécessaire. Le vrai scandale, c’est la presse qui ment sur sa propre nature. Celle qui prétend informer quand elle milite. Celle qui brandit la neutralité comme un masque, pendant que la main qui tient la plume est attachée au portefeuille d’un parti.
On ne demande pas à Espace, Djoma, Évasion ou à tel site en ligne de ne pas avoir d’opinion. Ce qu’on réclame, c’est qu’ils cessent de nous prendre pour des analphabètes de l’esprit critique.
Assumez vos lignes, dites clairement pour qui vous roulez, et chacun fera son tri comme un adulte vacciné.
Même en France, on sait que Le Monde, Mediapart ou Le Figaro n’ont pas la même lecture du réel. Mais aucun d’eux ne bidonne les faits. L’opinion est libre, mais le fait est sacré.
Chez nous, hélas, les faits sont pliés, étirés, torturés jusqu’à ce qu’ils avouent ce qu’on veut leur faire dire.
Et le mal vient de loin. Des bancs d’université où l’on forme des « journalistes-communicants », comme si dire la vérité et vendre un savon étaient la même chose.
Résultat : une génération de chroniqueurs-diplômés qui confondent l’investigation avec l’animation, l’éditorial avec le spot publicitaire, et la déontologie avec la stratégie.
Et le citoyen dans tout ça ?
Il devient la première victime. Trompé, manipulé, orienté sans le savoir, il finit par perdre confiance en tout : en la presse, en la politique, en la parole publique. La démocratie devient un théâtre d’ombres, où l’électeur ne vote plus en conscience, mais sous influence.
On ne construit pas une nation sur des fondations d’illusions. Une République ne peut pas s’élever si l’information est couchée.
La presse est censée éclairer la cité. Ici, elle joue souvent les lampadaires défectueux : clignotants, vacillants, parfois totalement éteints. Et pourtant, on continue à leur donner le micro… et l’antenne.
Nos narines-là !!!
Abdoulaye SANKARA