Ce vendredi 25 novembre 2016, la femme est à l’honneur. Le monde célèbre la Journée internationale contre les violences faites aux femmes. A cette occasion, un entretien avec Madame Moussa Yéro Bah, présidente de l’ONG Femmes Développement et Droits de l’Homme en Guinée (F2DHG). Avec nous, elle partage son constat assez profond de femme activiste et propose des solutions aux dirrigeants et à toute la société.
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Avec d’autres femmes de votre pays vous vous battez contre les VBG, dites-nous d’abord ce qui vous a motivée et comment comptez-vous faire pour inverser la tendance ?
Je vous remercie pour cette question. Les violences que subissent les femmes m’ont alertée. Le silence profond des victimes sur lesquelles pèsent le poids des pesanteurs socioculturelles m’oblige à agir pour sauver les sans voix, Dieu sait qu’il y’en a beaucoup à travers la Guinée.
Pour inverser la tendance, nous faisons des formations parce que pour parler d’un phénomène, il faut le comprendre d’abord. Ensuite, nous passons par la sensibilisation et quelquefois du porte à porte pour sortir les femmes de leur mutisme. Nous faisons du lobbying également pour amener les autorités à faire appliquer les lois qui sont souvent foulées au pied, à lutter contre l’impunité qui gangrène notre pays.
Dites-nous les cas de violences faites aux femmes les plus récurrents dans notre pays.
Ces derniers temps, les violences sexuelles sont plus récurrentes. Les viols sur mineures ont pris des proportions inquiétantes un peu partout en Guinée. A Pita par exemple, la tranche d’âge des filles et femmes violées varie de 0 à 80 ans parce que nous avons vu une vieille dame qui a été violée par son petit-fils. Les violences conjugales ne sont pas à négliger non plus. Dernièrement, nous avons traité le cas d’une petite fille de 13 ans donnée en mariage forcé à son cousin qu’elle n’aime pas. Ce dernier a frappé la fille comme un malade avec un fil électrique. La fille a eu le corps complètement balafré. C’est inadmissible dans une République qui se dit respectueuse des droits de l’homme.
Quelles explications donnez-vous à ces cas de violence ? Peut être que c’est parce que la coutume veut que l’ordre social soit ainsi et qu’il faut que les femmes s’y soumettent indéfiniment.
Quelles coutumes, arrêtons un peu de mettre sur le dos de nos coutumes les agissements des hors-la loi. Dans un pays qui a ratifié toutes les conventions internationales relatives au respect de la vie et de la dignité humaine, vous ne pouvez pas tout mettre au compte de nos valeurs qui sont d’ailleurs respectueuses de la femme. Seuls quelques indélicats pensent que la femme est une chose qu’il faut traiter selon leurs humeurs. Ceux-ci doivent passer devant le juge pour les ramener à de meilleurs sentiments
De nos jours, quel rapport faites-vous entre la situation grandissante des cas de viol, d’abandon, de privation de droits dont les femmes sont victimes et les efforts consentis par l’Etat en termes de sensibilisation, de répression et même de législation ?
Nous avons de très beaux textes de lois qui s’appliquent rarement du fait soit de l’impunité, de la corruption ou des pesanteurs socioculturelles. Mais où est la justice dans tout cela, c’est quoi son rôle régalien ? Quand l’Etat est trop fort il nous écrase, quand il est trop faible nous périssons. Il doit prendre le juste milieu je crois pour sauver le peuple.
A l’occasion de cette journée, que compte faire votre ONG pour marquer votre attachement à la lutte pour l’épanouissement de la femme dans un environnement sans violence à son égard ?
Dans le cadre de l’information/sensibilisation nous organisons une journée porte ouverte à l’office de Protection du genre de l’Enfance et des Mœurs de la police et à la Direction de l’Intervention Judiciaire de la gendarmerie, deux services qui reçoivent les femmes victimes de violences de tous ordres.
Pour vous, qu’est ce qu’il faut pour mettre fin ou alors diminuer le nombre des cas de violences faites aux femmes ?
Les autorités doivent sévir. Des auteurs doivent servir d’exemple en étant jugés et condamnés à la hauteur de leur forfaiture. Les ONG doivent agir, être plus présentes au près des victimes qui ont besoin d’être guidées et soutenues. Qui ne savent souvent pas où donner de la tête.
Auriez-vous des messages particuliers à lancer aux femmes, aux hommes et aux décideurs ?
Comme le dit le secrétaire Général des Nations-Unies, nous devons tous être unis pour lutter contre les violences faites aux femmes pour atteindre les objectifs de la planète 50/50 d’ici 2030. C’est un défi que nous devons tous relever et c’est un combat de longue haleine.
Thierno Amadou M’Bonet Camara