Le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée – UFDG- était l’invité de l’émission Les Grandes Gueules de nos confrères d’Espace FM, la semaine dernière. Au menu de l’émission, le projet d’amendement du Code électoral, la gouvernance d’Alpha Condé, les mines, l’Energie, etc. Cellou Dalein Diallo, dans son costume de chef de file de l’opposition, a dépeint la situation sociopolitique et économique du pays en dénonçant par exemple la mal gouvernance caractérisée principalement par l’octroi des marchés de gré à gré à des proches du pouvoir.
Interrogé sur la gouvernance de l’actuel régime, le président de l’UFDG dira qu’il faut « se poser la question sur la qualité de la gouvernance parce que c’est à partir de là que les conditions de vie de la population peuvent s’améliorer ou se détériorer.
Je pense que j’étais là il y a juste un an pour faire le point de la mauvaise gestion du pays, révéler ses marchés de gré à gré et puis indiquer leurs impacts sur le coût de la vie pour l’ensemble des Guinéens. Ça s’est réalisé effectivement. On a passé une année difficile, il fallait faire le constat. »
Cellou Dalein solidaire de ceux qui souffrent…
« Pour lui, il faut se porter, être solidaire de ceux qui souffrent parce que ceux qui souffrent sont nombreux, je parle des jeunes. Des jeunes qui n’ont d’autres alternatives que d’affronter le dessert et la Méditerranée. Nous avons perdu tellement des compatriotes dans cette aventure.
Outre les jeunes, le chef de file de l’opposition se montre aussi solidaire des femmes. « Les femmes qui souffrent. J’ai parlé de débarcadères, des marchés hebdomadaires. Il faut dire que tout ça, c’est la conséquence d’une mauvaise politique parce qu’aujourd’hui, c’est très facile pour beaucoup de gens de renvoyer dos à dos l’opposition et le pouvoir en disant que la classe politique est ceci et cela. Mais, il y a des responsabilités. Ceux qui sont élus sont responsables de concevoir et de mettre en œuvre de bonnes politiques publiques qui peuvent impacter positivement sur le niveau de vie de la population.
Mais ce n’est pas le cas. Vous savez le niveau de corruption qui existe dans notre pays. On a parlé de marchés gré à gré qui ont permis de sortir près d’un milliard de dollars usd, pour aller dans les poches de l’entourage du Président de la République.
On a fait l’audit. L’audit fait a établi que les règles de passation de marchés n’ont pas été respectées. Il y a eu des facturations éhontées. Personne n’a été sanctionné. Le ministre des Finances qui est le gardien du code du marché qui a signé tous ces marchés, c’est lui qu’on nomme le président de la Cour des Comptes. Il va être le dernier recours à se prononcer sur la moralité et la régularité de ces dépenses.
Le rapport a été déposé au gouvernement mettant en évidence de manière indéniable ces malversations, aucune sanction. Donc, il faut quand même revenir sur ça. Il y a la qualité des politiques publiques. On peut passer ça. C’est un élément, il y a d’autres. Il y a les secteurs miniers, sociaux, de l’économie et des finances. Tout ça, rien ne se passe comme il faut, et on se plaint.
On dira c’est toute la classe politique, non ! Il y a les responsabilités. Il faut tirer les conséquences, les leçons, et dire que le gouvernement n’assume pas ses responsabilités, et utilise plutôt les ressources publiques à d’autres fins que le développement du pays et l’amélioration des conditions de vie de la population. »
Dalein fait-il preuve de naïveté vis-à-vis du pouvoir
« D’abord, traité Cellou Dalein de naïf est devenu courant. L’autrefois, il n’y a pas une semaine, j’ai reçu une délégation de la casse. Ils étaient là fort nombreux, lorsqu’ils ont prononcé leurs discours. Je leur ai dit que j’étais fier parce que ça c’est la victoire de la patience. Ils étaient complètement hostiles, haineux à l’égard de l’UFDG et de son président. Ils traitaient le parti comme un parti ethnique, et que Cellou Dalein est quelqu’un qui cherche à assoir dans ce pays le jeu de l’hégémonie peule.
Ils ont reconnu tous qu’ils ont fait de mauvais procès contre nous. Ils ont dit qu’aujourd’hui, qu’ils ont compris que l’UFDG est la seule alternative crédible de notre pays parce qu’ils ont été déçus par les politiques et les pratiques de celui qu’ils ont soutenu. J’étais content. Je dis aujourd’hui nous sommes devenus des frères, faites en sorte que ceux qui sont restés au RPG se débarrassent de la haine, chacun est libre d’adhérer au parti de son choix, mais nous avons l’obligation de vivre ensemble ; dans la fraternité, dans la solidarité.
La politique pour moi doit être le ‘’ Sanakouya’’. La haine et les violences qu’on a connues que l’UFDG a connues, on a perdu plus de 70 personnes. Vous dites qu’Alpha c’est un politicien ! Moi je le suis moins parce que ma conception de la politique c’est une conception et une définition noble ; ce n’est pas l’art de tromper les autres pour arriver au pouvoir ou pour le conserver. Pour moi vraiment la politique c’est une mission noble, on le fait pour aider et défendre la population. »
Mais vous, vous saviez qui est président Condé, vous saviez de quoi il est capable, il y’a pas eu de garde-fou El hadj ?
« Prenez d’abord le contexte. Depuis 2010 le mandat des élus locaux est dissout. Depuis 2011, on se bat pour avoir les élections locales. J’ai rappelé ici, Alhassane Ouattara est venu cinq ou six mois après le président Condé au pouvoir. Il n’a pas attendu que les Ivoiriens marchent pour organiser, et les locales et les législatives. IBK en guerre au Mali, il a organisé ses élections législatives et ses élections locales. Macky a été élu en 2012 ; les Sénégalais n’ont pas eu besoin de manifester, la Communauté Internationale n’a pas eu besoin de l’interpeler, les calendriers électoraux ont été respectés, on a organisé les élections locales et législatives.
Pour les législatives, nous on s’est battu trois ans, vous étiez là, il a fallu des manifestations pour exiger les élections qui auraient dû se tenir en mars 2011. Il a refusé, on s’est battu il y a eu 57 morts, des destructions de biens, l’intervention de la communauté Internationale pour qu’un dialogue se tienne, pour qu’on décide d’aller ensemble. Lui forcer la main pour aller à des élections.
Jusqu’à présent les élections locales, impossibles. Première décision d’un dialogue 2013. On décide qu’il faut les organiser au plus tard avant le 31 mars 2014, ce n’est pas fait. On se retrouve sous la présidence du ministre Sako en Juillet 2014. On décide d’organiser les locales avant le 31 décembre 2014, c’est la CENI qui s’engageait. Ça ne marche pas, le 20 août, on signe un autre accord politique 2015, on dit avant le 30 juin 2016, ce n’est pas fait. On se retrouve le 12 octobre on signe, un nouvel accord, c’est février, on ne fait pas, on trouve toujours un prétexte pour ne pas faire des élections. »
Maintenant après le non-respect des accords, vous ne croyez plus en lui, c’est-à-dire le président, vous prenez une autre démarche?
« Je voulais vous poser une question. A la place de l’opposition républicaine qu’est-ce que vous auriez fait. On a fait la marche du 16 août pour demander l’application de décisions des accords. Bon ! Vous avez vu ça a été une marche grandiose. Le président m’a invité à le rencontrer, le débat s’est passé, tout le monde sait que c’est un grand politicien dans le sens de la définition que j’ai donné tout à l’heure. Est-ce qu’il fallait ou pas ? Et s’il fallait continuer la manifestation ou pas. On n’est souvent devant des situations difficiles parce que malheureusement on n’a pas un autre interlocuteur ; c’est lui qui est là qui a pris la direction du pays. Qu’est-ce qu’on fait si on continuait les manifestations, on refusait d’aller au dialogue, et qu’est-ce qu’on fait dans cette condition? »
En ce qui concerne l’application des accords du 12 octobre, c’est-à-dire le projet du code électoral, à votre avis pourquoi ce projet n’a pas été voté comme prévu à la faveur de la session de l’assemblée nationale qui s’est clôturée le 4 janvier 2017. A qui la faute ?
« Ecoutez! Il faut avant de situer les responsabilités, revenir sur la chronologie des faits. Comme vous le savez, la partie du code électoral qui devait être modifiée, c’était celle relative à la désignation des bureaux de quartiers et de chefs de quartiers et districts. Dans l’accord, il était dit que les bureaux des quartiers seraient composés à la lumière du résultat obtenu dans chaque liste au niveau du quartier et que le parti arrivé en tête désignerait le chef du quartier. Ça, c’était un compromis.
La position initiale, il faut le rappeler, sans être long là-dessus de la mouvance, c’était que le code électoral actuel est inapplicable dans cette partie. L’opposition réclamait l’organisation des élections au niveau des quartiers et des districts conformément aux dispositions actuelles du code électoral.
Je viens de rappeler tout à l’heure. Il n’y a pas eu d’élection au niveau des quartiers, aux niveaux des communes depuis 2010. Alors ils ont dit que cette partie est inapplicable et que d’ailleurs qu’il faut qu’ils soient nommés par l’administration. Il faut le rappeler, les chefs des quartiers et des districts dans tout le pays, on a dit non qu’on n’est pas d’accord. Il faut appliquer le code. Voilà le débat, au départ.
Maintenant, ils ont tenu compte des contraintes financière, juridique et technique. On va faire l’économie d’une élection directe. On va se servir des résultats des élections communales pour composer les bureaux des quartiers et désigner les chefs de quartiers. Pour nous, l’essentiel était d’éviter que la nomination des chefs des quartiers et des chefs des districts soit à la discrétion de l’administration.
Nous, l’opposition républicaine, on a dit bon qu’on est d’accord. On aura évité de nommer arbitrairement un chef de quartier. On va pouvoir enfin aller aux élections locales parce que c’est l’un des obstacles, disaient-ils.
Lorsque le bon document est arrivé, je ne reviens pas sur le mauvais document qui était quand même un mauvais signal pour nous parce que c’est le gouvernement qui l’a introduit. C’est le gouvernement qui a présidé le dialogue, qui a introduit le même document qui était en contradiction avec les accords. Finalement, on s’est mis d’accord. Les deux groupes parlementaires pour transcrire exactement la décision du dialogue. Donc, sur ce point, le problème a été vite réglé. Et pratiquement, le code électoral, c’était le seul amendement qui était prévu au code électoral. Le code électoral pouvait maintenant passer à l’inter-commission et à la plénière.
C’est en ce moment que Damaro a proposé qu’on supprime dans le code électoral, les listes indépendantes, on n’a dit non ! Qu’on ne peut pas supprimer les listes indépendantes.
Les Guinéens, c’est seulement dans les élections locales que les listes indépendantes sont autorisées. Si on les supprime là, ce serait porter préjudice à notre démocratie. Finalement, il a renoncé à ça. Mais il a introduit un nouvel amendement qui disait que maintenant, il faut le scrutin majoritaire, c’est-à-dire que la liste qui arrive en tête prend tous les sièges. Donc il n’y a pas de participation des autres listes qui ont participé à l’élection communale.
On n’a dit non, ce n’est pas démocratique si le peuple te donne trois sièges, pour ton parti, il faut les occuper. Donc, on va maintenir le statu quo c’est-à-dire le scrutin proportionnel où chaque parti a un certain nombre de conseillers que le suffrage universel lui aura donné. Ceci constitue les conseils des quartiers qui élisent l’exécutif du quartier, c’est-à-dire le maire et ses adjoints.
C’est autour de cette question qu’il n’y a pas eu d’entente. Il a dit non ! C’est ça. Sinon, le code ne sera pas voté. L’opposition a dit que ce n’est pas acceptable. Ensuite, il a voulu atténuer en disant non maintenant même si les autres participent, parce que dans la première phase, aucune liste ne participe au conseil communal. Il dit maintenant, on va faire participer les autres mais le parti qui vient en tête, on va lui octroyer d’office 50 sièges plus un.
On va retirer aux autres, les autres sièges. Chacun va payer un peu pour que le parti arrivé en tête puisse avoir la majorité et donc gérer seul l’exécutif de la commune. On dit, ce n’est pas juste si le suffrage est universel, donne à un petit parti deux ou trois conseillers si tu lui enlèves un, ce n’est pas juste parce que les électeurs lui auraient déjà donné un siège, si tu enlèves ce siège pour donner à quelqu’un parce qu’il est premier, ce n’est pas démocratique. On ne peut accepter ça parce qu’on n’a pas discuté de ça au dialogue, si cela constitue un problème pour vous, il fallait le poser au dialogue pour qu’on le discute comme on l’a fait pour les élections locales. Ça n’a pas été le cas, on a refusé. Il a dit donc si vous n’acceptez pas ça on ne votera pas le code.
C’est ainsi qu’illégalement, ils ont retiré le code du circuit et il n’a pas été présenté au vote à la plénière. »
On voudrait qu’on parle de fer, d’énergie avec des perturbations déjà ?
« Vous le savez. Au niveau du fer, les multinationales attendaient la fin de la transition pour investir. On n’avait près de 40 milliards de dollars usd d’investissement dans les gros projets. Alors, le président a cherché à régler des comptes. Un Chef d’Etat ne doit pas avoir un état d’âme. Nous avions le numéro un mondial du fer, ‘’Vale’’ qui était là et qui était intéressé à la mise en valeur de Simandou 1 et Simandou 2. Nous avions Rio-Tinto, le second qui était intéressé à la mise en valeur du Simandou 3 et 4.
Tout était pratiquement prêt. Le PIB de la Guinée allait doubler. On s’est mis dans des situations, des contentieux, de régler des comptes, tout ce qui a été fait avant moi est mauvais. Bon ! Rio-Tinto, le marché mondial avait besoin d’environ cent (100) millions, 150 millions de tonnes immédiatement. C’était le Simandou dont la richesse en fer est reconnue comme la meilleure.
Alors finalement, on a obtenu d’abord les 700 millions dans des conditions opaques parce que vous avez suivi la dénonciation récente de Rio-Tinto lui-même accusée de la corruption pour 10,5millons de dollars versés à un ami du président (Alpha Condé, ndlr). Et le président a décidé de valider le permis de Rio-Tinto et d’annuler celui de BSGR, VALE, alors les deux, VALE c’est le numéro un, Rio-Tinto, c’est le numéro deux.
Et compte tenu du harcèlement dont ils ont fait l’objet en Guinée, ils ont cherché des solutions. Et VALE a ouvert une mine de 90 millions de tonnes pour compenser son expulsion de la Guinée au Brésil.
Rio-Tinto en Australie a accru ses capacités en production de 100 millions de tonnes. Le marché n’a pas besoin de 200 millions de tonnes. Le marché a besoin de 120 à 150 millions. Naturellement, les cours se sont effondrés sous l’effet conjugué de cette surproduction mais également du déclin de la croissance économique de la Chine. Donc, le Simandou est devenu hors-jeu, on n’en avait plus besoin.
Comme, on s’est rendu compte que la Guinée n’était pas dans cette dynamique de transparence, de diligence pour la mise en valeur de son immense Simandou, les gens ont trouvé des solutions, le marché ne peut pas maintenant absorber le Simandou, et qui requiert des investissements importants de 20 milliards de dollars usd. Donc, VALE a accru sa production pour prendre cette part du marché qui était visible des 90 millions de tonnes en Australie, qui a augmenté de 100 millions. Aujourd’hui le niveau de la production et des stocks est tel que les courts ont baissé et le Simandou devient de moins en moins viable puisque il est tellement loin de la mer ; qu’il faut un chemin de fer de près de 700 km, et un port en eau profonde, le tout pour un coût de 20 milliards de dollars usd. Donc, il faut attendre.
On aurait pu se saisir de cette opportunité, si on avait à la tête de la direction, des visionnaires, plus réalistes qui essayent de voir le contexte et d’agir vite. Aujourd’hui le PIB de la Guinée serait sur le point de doubler. Malheureusement là aussi les Guinéens vont attendre. »
Avec Kaléta, on a cru que la situation s’était améliorée mais déjà on remarque les perturbations par endroit. Est-ce que vous pensez que la situation pourrait s’améliorer. Qu’est-ce qui ne marche pas? Pourquoi à votre avis, ça ne marche pas?
« Je pense qu’on ne se faisait pas d’illusions. La construction de Kaléta ne pouvait pas résoudre le problème d’autant plus qu’avec l’étiage, vous savez que pendant la saison sèche, Kaléta ne peut fonctionner qu’à 50%. Si Kaléta fonctionne en plein régime, naturellement, on n’aurait pas de délestage. Comme Kaléta ne peut pas fonctionner pendant la saison sèche en plein régime, il ne peut fonctionner qu’à 50 pour cent, on aura donc des délestages. Mais le problème c’est que la mauvaise gestion, vous ne pouvez pas imaginer les ressources englouties dans l’énergie, sans aucune transparence.
Je vous ai parlé ici d’ASPERBRAS, un marché de 144 millions de dollars usd donné à une petite PME qui n’a jamais fait de l’énergie, parce que simplement elle était recommandée. On avait fait un appel d’offres, une société turque avait été adjucateur provisoire. Lorsque la recommandation est venue, on a mis cette société de côté, on a pris une petite PME au capital de 100 mille dollars usd, dont la vocation, dont le métier ce n’est pas ça.
Je ne rentre pas dans les détails. C’est que l’acte qui a été posé était illégal et contraire au Code du marché qui a fait perdre à la Guinée, à la fois du temps et beaucoup d’argent au contribuable guinéen. »
Justice
« Oui, il y a des erreurs qui arrivent mais l’origine de ces agissements, de ces actes répréhensibles, c’est qu’il y a une crise de confiance entre les citoyens et l’Etat. Ça amène les gens à vouloir se rendre justice, et puis il y a l’impunité. On a vu à Kouroussa, les gens font sortir des prisonniers pour les lapider jusqu’à ce que mort s’en suive.
On a vu ce qui s’est passé à Siguiri, mais quelles sanctions ont été réservées aux auteurs de ces crimes ? L’impunité encourage les crimes et ces comportements illégaux. »