On attendait une déclaration du nouveau président du Nigeria dès mardi soir. Finalement Muhammadu Buhari a décidé d’attendre la validation officielle des résultats par la commission électorale (Inec) pour se prononcer. Il doit s’exprimer à 11 h (heure d’Abuja) ce mercredi au siège de son parti. Selon des résultats officiels, M. Buhari a remporté la présidentielle avec 2,57 millions de voix d’avance. RFI est en édition spéciale ce mercredi de 8 h à 9 h (heure de Paris).
L’élection de Muhammadu Buhari suscite énormément d’espoir, notamment chez les habitants du nord du pays, dont beaucoup se sont sentis marginalisés ces dernières années principalement à cause de Boko Haram. Les sympathisants de Muhammadu Buhariespèrent donc qu’avec son passé de général et sa connaissance du terrain, il parviendra à mettre fin aux atrocités commises par les islamistes depuis six ans. Les habitants de Lagos originaires de cette région demandent aussi des écoles, des hôpitaux, bref, des investissements dans cette zone rongée par la violence.
C’est cette image de fermeté que semblent beaucoup apprécier ceux qui ont voté Buhari, pour lutter contre la corruption bien sûr, rétablir les comptes dans ce pays censé être si riche, mais aux disparités si grandes. Notre envoyée spéciale à Lagos rapporte qu’un homme lui a aussi expliqué le plus sérieusement du monde que l’autorité naturelle du Muhammadu Buhari lui permettrait de redresser les mœurs des Nigérians, se désolant par exemple que les hommes se « soulagent » n’importe où en public.
Les soutiens de Muhammadu Buhari lui attribuent toutes les qualités du monde, ils assurent qu’il ne pratiquera pas de politique tribale, en s’appuyant sur celui qu’il a choisi comme vice-président qui est pasteur. Et même s’il ne tient pas ses promesses, notamment celle d’améliorer la distribution d’électricité, les Nigérians en sont convaincus désormais : ils pourront toujours faire un choix librement par les urnes dans quatre ans.
« Le Nigeria va devenir un modèle »
Pour ceux qui avaient si peur que leur pays sombre dans la violence sont aujourd’hui soulagés. De quoi ajouter un nouveau motif de fierté à ce peuple qui aime tant s’ériger en exemple, comme l’expliquent Azan et Nasrudin : « Le Nigeria va devenir un modèle, nous avons pu faire un choix et les électeurs ont vraiment pu exercer leur pouvoir, se réjouit Azan. On peut dire non à ce qu’on ne veut pas et oui à ce qu’on désire. Il faut oublier les manipulations, c’était une élection libre et juste ». « Il y avait cette rumeur que ceux qui sont à la tête du pays pourraient empêcher que les résultats réels soient publiés, mais on voit que cette crainte n’était pas fondée, donc nous sommes très contents ! », renchérit Nasrudin.
Reste maintenant à tenir les promesses de campagne. Les Lagotiens comme Agor supplient leur nouveau président d’améliorer la distribution d’électricité, calamiteuse dans un Nigeria pourtant si riche. « Notre économie est la meilleure du continent, nous sommes le sixième producteur de pétrole au monde, mais tout ça c’est seulement sur le papier ! Si vous regardez à la qualité de vie des citoyens du Nigeria on ne le voit pas. Beaucoup de choses doivent être changées, l’éducation, les hôpitaux, les routes. Enfin ici c’est le Nigeria, le géant de l’Afrique, regardez c’est une horreur ! »
L’heure à la fête dans chez les partisans de Buhari
Dans ce pays, le plus peuplé d’Afrique, la tâche est titanesque et les attentes immenses.
En attendant, les partisans de Buhari ont fêté sa victoire. A Obalende sur l’île d’Ikoyi à Lagos, un quartier majoritairement peuplé d’Haoussas, il y a ceux qui brandissent des balais en paille en dansant fiévreusement, d’autres qui transforment des bombes insecticides en lance-flammes ou tirent des feux d’artifices. Le quartier d’Obalende est encore plus animé qu’en temps normal pour fêter la victoire de Muhammadu Buhari, qui incarne désormais de nombreux espoirs pour ces gens modestes venant du nord du pays, comme ce vendeur de brochettes : « On a besoin que tant de choses soient changées, surtout pour les pauvres,explique-t-il. Les travailleurs informels souffrent, tu ne peux pas nourrir ta famille, tu ne peux rien faire pour toi. Beaucoup de gens dans le Nord n’ont pas de maison, les écoles ne sont pas bonnes, les enfants ne vont pas bien. Il n’y a pas d’hôpitaux, pas d’eau, rien dans le Nord, donc nous avons besoin de ce changement. »
Les Nigérians se plaignent de ne pas bénéficier dans leur vie quotidienne des avantages de vivre dans un pays qui se proclame première économie du continent. C’est pour remettre le Nigeria dans le droit chemin que certains ont voté Muhammadu Buhari, malgré son passé à la tête d’une dictature militaire. « La dictature c’est de l’histoire ancienne, maintenant il est à la tête d’un gouvernement civil, assure un de ses partisans. Il luttera sérieusement contre la corruption, vu que c’est un militaire il a cette expérience. Le gouvernement de Jonathan a échoué dans la lutte contre Boko Haram, mais nous espérons que le régime de Buhari s’occupera de cette insurrection et que ce problème de Boko Haram sera définitivement terminé. »
Les résultats officiels, selon Inec
Muhammadu Buhari a recueilli 15 424 921 voix ou 53,95% des suffrages exprimés.
Goodluck Jonathan, quant à lui, a obtenu 12 853 162 voix (44,96% des suffrages exprimés).
Avec RFI