De retour au bercail après un séjour à l’extérieur du pays, Dr Mamadi Kaba, président de l’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains (INIDH), a beaucoup à dire par rapport à la gestion de l’affaire 28 septembre.
Le bras de fer entre les avocats du Commandant Toumba Diakité et le ministre de la Justice, caractérisé par des attaques par médias interposés et la suspension par les avocats de leur assistance à leur client pour protester contre ce qu’ils qualifient de refus de la justice d’accéder à des demandes faites par eux, conforte davantage ceux qui ont toujours pensé comme lui, que la Guinée devrait laisser la CPI se charger de ce dossier. C’est du moins l’avis de notre interlocuteur.
Lisez !
Mosaiqueguinee.com : Vous avez dû suivre les derniers devellopements dans l’affaire du 28 septembre en général et particulièrement le cas Toumba Diakité. Ses avocats ont suspendu leur assistance, qu’elles peuvent être les conséquences de cette démarche ?
Mamadi Kaba : J’étais absent mais j’ai suivi un peu les revendications des avocats et je dois vous dire que ce sont des avocats que je connais personnellement. J’ai eu à travailler avec eux à un certain moment. Ce sont des avocats très crédibles, hautement compétents, qui ont donné la preuve de leur engagement pour l’Etat de droit en Guinée. Je vous rappelle que Me Paul Yomba Kourouma a assisté le Prof. Alpha Condé quand ce dernier était en prison. Il faut signaler qu’en ce moment, le climat sécuritaire n’était pas propice. Donc au risque de sa vie, il a choisi de défendre le Prof. Alpha Condé qui était le principal opposant au Président Lansana Conté.
Nous avons fortement apprécié le fait qu’ils soient constitués pour la défense de M. Toumba Diakité. Aujourd’hui je suis très triste d’apprendre qu’ils suspendent leur assistance à M. Toumba surtout que les revendications qui sont les leurs ne constituent pas de la mer à boire.
Je pense que cela va affecter le regard que nous portons sur la gestion du dossier du 28 septembre. Aujourd’hui il y a beaucoup de sceptiques comme moi, la présence de ce pool d’avocats est indispensable pour que la petite confiance que nous accordons au processus puisse demeurer. Ce serait catastrophique que ce pool d’avocats soit écarté de ce dossier.
Mosaiqueguinee.com : Le ministre de la Justice a un avis assez différent du vôtre. Il fait savoir que le processus pourrait bien continuer sans eux. Toumba peut avoir des avocats commis d’office et s’il refuse de parler, cela n’empêcherait pas la procédure de continuer son cours normal.
Mamadi Kaba : La loi lui donne cette possibilité mais je conseillerais à M. le ministre de ne pas le faire, de ne pas engager un bras de fer contre les avocats, de ne pas constituer des avocats commis d’office pour Toumba. Sinon il va discréditer totalement le processus.
Mosaiqueguinee.com : Que Me Cheik Sacko insunie que même avec le silence de Toumba, justice sera rendue dans cette affaire, n’y voyez-vous pas une volonté de faire taire un élément clé ?
Mamadi Kaba : Si M. le ministre tente d’agir, de jouir de toutes les prérogatives que lui donne la loi dans ce dossier, il va commettre une erreur irréparable parce qu’il y a beaucoup de suspicions. Il y a des choses qu’il peut faire mais qu’il ne doit pas faire. Pour la simple raison qu’il a besoin de travailler pour rassurer ceux qui doutent encore de la capacité ou de la volonté de la Guinée à mener à bien ce procès. C’est totalement contre-productif de travailler avec un ton dur.
Mosaiqueguinee.com : Toumba devrait bientôt être confronté à Marcel Guilavogui, un autre inculpé. Ses avocats souhaitent plutôt voir leur client être confronté à Dadis ou à une autre haute personnalité citée dans le cadre de cette affaire, qu’en dites-vous ?
Mamadi Kaba : Il appartient à la justice de décider de comment elle va procéder pour faire triompher la vérité dans ce dossier mais ce qui est important pour moi à ce stade de la procédure, je souhaite que les avocats de M. Toumba Diakité soient ramenés dans ce dossier.
Mosaiqueguinee.com : Que dites-vous de la communication faites par le ministre autour de la gestion de ce dossier du 28 septembre ? Est-ce que vous rejoignez les avocats de Toumba qui estiment que les communications que fait le ministre sont du ressort du procureur ?
Mamadi Kaba : Vous savez qu’il y a la séparation des pouvoirs, le ministre de la justice appartient à l’exécutif. Alors, à mon avis, le ministre de la Justice doit s’exprimer beaucoup plus sur ses propres efforts dans son département pour améliorer l’accès à la justice.
Mais il doit s’exprimer moins sur ce qui est des affaires pendantes devant la justice afin de laisser les magistrats et les procureurs s’exprimer de plus en plus sur ces dossiers.
Je ne souhaite pas que le ministre continue d’avoir des confrontations avec d’autres personnalités de l’Etat, qui ont un droit de regard sur ce dossier. Chacun est dans son rôle, le ministre doit faire son travail. Les confrontations entre les différentes structures de l’Etat sont contre-productives, ça affaiblit l’autorité de l’Etat.
Interview réalisée par Thierno Amadou M’Bonet Camara