Ceux qui clamaient que le Sénégal est « la vitrine de la démocratie en Afrique » viennent de voir en long, en large et en travers qu’elle n’était que de façade. La réalité est tout autre. L’alternance de 2000 avec la venue au forceps du « Sopi », cachait les déformations qui sortent de la boite de Pandore. Il ne faut jamais oublier que le ‘’Lion’’ Abdoulaye Wade avait clamé sur tous les toits que s’il n’était pas élu, cette fois-là, il mettrait le Sénégal à feu et à sang. Et pour ne pas lui faire ce plaisir, la bonace ‘’Girafe’’, Abdou Diouf, avait fait exactement ce que Goodluck Jonathan vient de faire (le 31 mars dernier). Jusque là, on peut encore considérer que ce fair-play d’Abdou Diouf guidé par la peur de laisser un héritage sanglant à son pays était encore une leçon de démocratie. Seulement, les 12 ans de son successeur en diront plus sur la gestion d’une démocratie vandale et népotique. L’incarcération de Karim Wade en est une incarnation vivante.
Le grand bluff du PDS n’était pas seulement de présenter Karim Wade comme futur candidat à la présidentielle de 2017 (à deux jours du verdict de la CREI, qui lui avait collé 6 ans fermes avec un tas de confiscations) dans but d’intimider la justice et, par ricochet, le gouvernement de Macky Sall (et on ne peut pas non plus dire qu’il n’a pas tiré les ficelles dans l’ombre pour guider la justice dans le labyrinthe d’un montage financier obscur, opaque et savant), mais aussi et surtout de lui mettre le pied à l’étrier à la tête du parti, le vœu le plus ardent de son père. Normal, quand c’est un vieux briscard qui apprend à un jeune loup d’avoir les dents longues, les cachotteries sont bien faites pour brouiller les pistes, d’où les tâtonnements de la CREI. On insiste sur le mot « normal » d’autant que si les observateurs lointains ont eu vents et échos de la gabegie, les Sénégalais désabusés n’avaient pas hésité de qualifier Karim Wade de « ministre du ciel et de la terre », d’où la naissance des « Y en a marre » et certains sont même tombés « fous-malades ».
L’actuel président Macky Sall faisait partie, à un moment donné, de cette gouvernance pour en savoir un bout, c’est pourquoi ses méthodes ne sont pas tout à fait catholiques, démocratiquement. ‘’Dans la pègre, il faut être gangster ; dans la plèbe, il faut être ostrogoth’’ disait Tamba à ses amis d’enfance. Il a donc joué en fonction de l’adversaire, qui lui avait fait voir de quelques couleurs : Courte queue se paie avec courte queue. Le qu’en dira-t-on, il s’assoit dessus.
Au vu de tout cela, il faudrait tirer un peu le rideau sur cette « vitrine de la démocratie », et même sur ce qui vient de se passer au Nigéria, où, aussi, il ne faut pas se jeter d’emblée corps et âme dans des superlatifs. Le rideau ne sera levé sur l’alternance nigériane que le 29 mai, le jour de l’investiture de Muhammadu Buhari…
Aussi, le rideau qui cachait toutes les laideurs au jusqu’au sein du PDS est tombé autour de la ‘’désignation black-micmac’’ et du maintien de la candidature de Karim Wade à la présidentielle prochaine, dont la date ne sera connue qu’à l’issue du référendum proposé par Macky Sall de maintenir ou de raccourcir le mandat de 7 à 5 ans. On se doutait que Karim n’était pas le plus populaire au sein du PDS ; et s’il a été, par-dessus le plancher, désigné candidat devant tous les barons du parti, et en plus étant en taule, il y a bien quelque chose qui clochait. Quel tour de prestidigitation avait joué le père-Wade pour mystifier tout son monde du PDS ? La frime pour intimider le pouvoir sénégalais est revenue comme un boomerang au cœur du parti. A défaut de piéger le pouvoir, le vieux Lion a réussi à faire passer sous la barrière de son parti son chérubin. Un saute-droit pour un saute-ruisseau qui est loin de faire l’unanimité, tant pis, « après moi, le déluge ! » L’ancien Premier-ministre Souleymane N’diaye vient de claquer la porte du PDS pour créer une autre formation politique. D’autres suivront la même voie, on suppose. Avec cette descente aux enfers du PDS, un nouveau paysage politique se profile à l’horizon avec tous les coups-bas. Et c’est cela, encore, un exemple tant vanté de la démocratie sénégalaise ?
Voilà une déliquescence qui arrange bien les choses pour Macky Sall. Alassane Ouattara n’est plus le seul à être assuré pour les prochaines échéances.