Par Thierno Amadou Camara : Monsieur le Président,
C’est après avoir réfléchi des jours durant que j’ai enfin pris l’initiative de vous écrire ces quelques lignes qui sont d’un citoyen oppressé, profondément convaincu que vous ne faites pas assez pour lui garantir un environnement propice à l’exercice de son métier.
Âgé de 27 ans et titulaire d’une Licence en Sciences politiques, je suis légalement installé à Conakry où je vis avec ma famille. Depuis près de 5 ans, je n’ai aucun autre métier que le journalisme. C’est grâce à mon salaire que je parviens à prendre en charge ma modeste famille.
La moindre des choses que tout autre citoyen de ma classe sociale attend de son Etat, c’est de lui garantir cet emploi en lui offrant un environnement de travail propice.
Or, je n’ai pas le sentiment que vous ayez conscience de ce rôle qui vous incombe en tant que Président de la République.
Monsieur le Président
Pour votre rappel, alors que j’assurais la couverture médiatique du congrès électif du PUP en 2015 au compte du site Guineematin.com, où je travaillais à l’époque, j’ai été arbitrairement et brutalement arrêté, jeté dans un véhicule de la police qui m’a conduit dans un commissariat où j’ai été illégalement détenu pendant des heures. Il a fallu l’intervention de mon patron, Nouhou Baldé et le doyen Yacine Diallo, ancien ministre de la Communication (tous vivants) pour que je sois libéré sans qu’on ne me notifie d’ailleurs clairement ce dont j’étais reproché. Qu’ils en soient remerciés !
Comme je l’ai dit, c’était en marge du dernier congrès électif du PUP où les tensions étaient vives parce qu’une des deux parties en conflit soupçonnait l’autre partie d’être supportée par vous qui auriez déployé moyens financiers et forces policières pour sponsoriser la candidature de Fodé Bangoura à la présidence dudit parti.
Quelques mois plus tard, c’est à Siguiri, votre plus grand fief électoral, que des militants de votre parti, munis d’armes blanches m’ont pris à partie en proférant à mon égard des menaces de mort et en retirant mon matériel de travail que je n’ai pu retrouver que grâce à l’implication plus tard du député Nfa Condé (lui aussi vivant). Qu’il en soit remercié !
Lorsque l’organisation de protection des journalistes Reporters Sans Frontières (RSF) a fait une déclaration publiée sur son site internet, condamnant cette agression, elle n’a pas manqué de vous inviter à envoyer un message à vos militants, pour qu’ils ne s’en prennent plus aux journalistes.
Monsieur le Président,
Vous avez mal pris cet appel légitime à prendre vos responsabilités. Vous avez estimé et dit que ce n’est pas à une organisation étrangère de vous dicter ce que vous devez faire. Pire, le message que vous avez envoyé a consisté à les encourager à frapper, à humilier et à menacer des journalistes.
Résultat, vous photographier a valu au journaliste Malick Diallo d’être malmené et séquestré par votre garde. Avant lui, une responsable de votre parti a menacé de brûler vifs des journalistes alors que nous étions encore dans le deuil suite à l’assassinat de notre confrère Mohamed Koula Diallo (Paix à son âme), devant le siège d’un parti politique.
Le samedi 17 juin 2017, c’est au siège de votre formation politique que j’ai failli de peu être lynché par des loubards qui se font appeler militants du RPG Arc-en-ciel.
Là encore, mon crime a été le fait de photographier une scène de bagarre devant le siège alors que l’assemblée générale se tenait à l’intérieur de la permanence. Une assemblée ouverte aux militants du parti et aux journalistes.
Monsieur le président,
Vous devez assumer votre rôle pour nous sortir de cette jungle dans laquelle votre gouvernance nous a si malheureusement plongés depuis des années. Nous ne pouvons pas tous fuir ce pays pour aller nous installer chez les autres juste parce que vous ne jouez pas votre rôle.
Monsieur le Président,
Condamné à contumace par l’un de vos prédécesseurs, vous avez souffert de l’exil et savez donc combien de fois c’est difficile d’être contraint de vivre hors de son pays, loin des siens.
Espérant que vous aurez la sagesse de comprendre le sens de ma lettre que j’écris avec autant de risques, je voudrais vous réitérer l’expression de la haute considération que j’éprouve pour la fonction présidentielle dont vous avez la CHARGE d’incarner.
Thierno Amadou Camara
Journaliste et Analyste Politique