Artiste chanteuse, Sayon Bamba est également la directrice générale de l’Agence Guinéenne de Spectacles (AGS). En entretien avec notre rédaction, elle s’est largement exprimée sur les reformes opérées au sein de sa structure, la formation offerte aux producteurs culturels, les perspectives et les points saillants de son nouvel album intitulé Gnogué Tombo.
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Mosaiqueguinee.com : vous êtes la directrice de l’Agence Guinéenne de Spectacles (AGS), est-ce que vous pouvez dire à nos lecteurs les domaines de compétence de votre structure ?
Sayon Bamaba : L’Agence Guinéenne de Spectacles est une structure autonome, placée sous la tutelle du ministère de la Culture, des Sports et du Patrimoine Historique, en vue de règlementer le secteur de spectacle vivant guinéen.
Nous nous occupons de tous les spectacles formels et informels, gratuits ou payants. Dans tous les cas, dès qu’il y a le rassemblement des artistes qui doivent faire des prestations ou des danseurs, hommes de théâtre ou poètes, qui a le caractère d’un spectacle, nous rentrons en ligne de compte. Cela, par des règlementations, d’abord sur la façon de travailler avec des règles très strictes par une expertise sur la faisabilité.
Voilà des démarches que nous traçons pour les promoteurs d’évènements afin qu’ils puissent réussir.
Mosaiqueguinee.com : Pouvez-vous nous dire des changements que vous avez opérés depuis que vous êtes à la tête de cette agence ?
Sayon Bamaba : Au niveau de l’AGS, chacun venait réserver des dates qui étaient confirmées ou pas, il y avait une sorte de laisser-aller, nous, nous avons essayé de réglementer tout cela. Nous avons d’abord cherché à connaître les licences effectives et celles qui ne le sont pas. Nous avons aussi fait un travail de fond qui consiste à savoir par exemple s’il y a un spectacle au palais du peuple pour savoir qui y joue…
A travers cela, nous savons les conditions sécuritaires propices à imposer. C’est pourquoi d’ailleurs, certains ont pensé que je pouvais être contre eux alors que l’AGS n’est contre aucun groupe, moi-même je suis artiste. Mais souvent les gens sont organisateurs et artistes à la fois. Du coup, quand on donne des normes qui sont assez strictes aux organisateurs, les artistes ne comprennent pas, ils pensent qu’on les bloque. Celui qui a le cahier de charge de la production nous obligeons ce dernier à respecter une certaine norme. Par conséquent, nous avons un travail très difficile qui nécessite une attention. Quand on travaille en âme et conscience, on n’a pas peur des reformes.
Mosaiqueguinee.com : Est-ce qu’au niveau des promoteurs ou opérateurs culturels en général, vous initiez des fois des formations à leur intention ? Parce que la professionnalisation dans ce secteur va quand même avec la formation.
Sayon Bamaba : La formation fait partie de notre plan d’action. Cette année, nous avons commencé une première formation sur comment monter un cahier de charge de production. Elle a connu la participation d’une douzaine de promoteurs qui ont appris beaucoup de choses. Je faisais partie des intervenants et j’ai encore fait venir Koumbassa qui travaille souvent avec Tidiane World Musique.
Il a exposé sur les étapes par lesquelles on doit passer pour monter un cahier de charge de production. Et moi j’ai renforcé par la pertinence d’un budget, comment monter un budget de production et quels sont les éléments clés qui font la force d’un budget.
Cela, c’est pour favoriser la faisabilité des évènements. Certains partent pour faire des évènements mais ils n’ont aucune idée, aucun dossier, aucun texte, rien. Donc on a fait une formation par rapport à tout cela.
On a aussi prévu une formation qu’on doit faire soit avec la Croix-Rouge ou la gendarmerie. En tout cas, une structure de sécurité pour expliquer aux organisateurs la pertinence de la sécurité civile.
On insiste sur la gendarmerie pour les spectacles guinéens parce qu’il y a des endroits de spectacle qui ne sont pas toujours adaptés des spectacles vivants. Pour cela, il faut respecter un certain nombre de normes sécuritaires. La gendarmerie et la police vont nous aider à trouver le chemin de la normalité. Et puis, les guinéens ont perdu l’habitude d’aller aux spectacles, il y a un travail de civisme à faire.
Mosaiqueguinee.com : Peut-on connaître le nombre de spectacles enregistrés par mois à Conakry ?
Sayon Bamba : Il y a des spectacles déclarés et d ‘autres non déclarés. Seulement, 45 pour cent (45%) sont déclarés. Si l’on comptait à peu près, les week-ends, il y a entre 10 et 12 en moyenne. Et puis il y a la période du mois de carême ou la périodes de pluie où il y a peu d’évènements. Mais ce sont des choses qui vont évoluer.
Mais le manque de soutien de la part des entreprises fait souffrir aussi le spectacle guinéen. Ces chefs d’entreprise ne mettent pas des fonds pour soutenir les spectacles.
C’est ici que tu vois quelqu’un offrir une voiture ou 10 millions à un artiste sans aller suivre ton spectacle. Moi je préfère ta présence au spectacle que de m’offrir de l’argent après pour me présenter des excuses.
Mosaiqueguinee.com : Un mot sur votre nouvel album récemment sorti
Sayon Bamaba : Bien que je sois la directrice de l’AGS, je suis artiste, mon disque était déjà prêt avant que je ne sois à ce poste. Le titre c’est «Gnogué Tombo», qui est à l’image de notre pays aujourd’hui qui est une déchèterie. Vous avez vu les campagnes de sensibilisation, si les gens arrêtent de jeter les ordures dans les fossés, notre pays sera bien. Il y a une déchèterie sociale aussi aujourd’hui, parce que le social, ce n’est pas seulement aller au mariage et ramener du riz à la maison. Le social, c’est la sincérité dans les rapports, l’attention qu’on prête aux enfants dans la rue, c’est le civisme. Les hommes d’aujourd’hui ne rentrent pas à la maison et les femmes ont démissionné.
Mosaiqueguinee.com : Qu’est-ce que la musique a donné à Sayon Bamba ?
Sayon Bamba : La musique m’a tout donné. La musique m’a donné de l’envie et de sortir de l’anonymat. De prendre la parole en tant que femme et de m’assumer. Depuis que j’ai quitté la Guinée, je n’ai connu que de la musique, théâtre etc. La musique ne finira pas.
Interview réalisée par Hassane Kolié