Le célèbre économiste bissau-guinéen, celui qui a quitté ‘‘l’ONU pour garder sa liberté de parole sur l’Afrique’’, Carlos Lopes, c’est de lui qu’il s’agit, est un des conseillers économiques du président Alpha Condé. Il était aux côtés de celui-ci au sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Xiamen (Chine). Nous avons profité de l’occasion pour lui poser quelques questions.
c’est très significatif qu’on ait invité le président Alpha Condé à ce forum
Guinee7.com : Monsieur Lopes, vous êtes conseiller du président Alpha Condé. Vous étiez à ses côtés au sommet des BRICS qui vient de finir. Vous étiez là aussi quand en marge de ce sommet, un forum a été organisé pour mieux ‘‘vendre’’ la zone économique spéciale de la région de Boké aux investisseurs chinois. Quelle leçon essentielle tirez-vous de tout cela ?
M. Carlos Lopes : D’abord c’est très significatif qu’on ait invité le président Alpha Condé à ce forum. Parce que le BRICS est quand même un groupe assez exclusif et qui représente déjà la moitié de l’économie mondiale. Donc la présence de quelques pays invités (la Guinée, le Mexique, la Thaïlande, le Tadjikistan et l’Egypte, NDLR) était significative.
Deuxièmement ça a permis au président Alpha Condé de montrer le point de vue africain, puisqu’il assure la présidence de l’Union africaine ; il a réussi à faire parler le continent d’une seule voix sur des sujets importants. Et je pense que les Chinois apprécient cela comme ça pu être exprimé par le président Xi Jinping ce matin (5 septembre, NDLR).
Et pour ce qui est des conclusions principales du BRICS, on a senti la volonté de la Chine à asseoir sa politique extérieure autour du projet ‘‘route de la soie’’ et d’inclure l’Afrique dans ce projet. Donc ça va permettre des investissements consistants. Depuis l’année dernière, la Chine est devenue le premier partenaire d’investissement du continent, il est déjà le premier partenaire commercial. Et donc il y a un agrandissement considérable des investissements.
Et comme nous savons que la plupart de ces investissements partent dans le domaine des infrastructures, ils sont porteurs des faits multiplicateurs. La discussion par exemple sur la zone économique spéciale de Guinée à Boké, est justement dans le même cadre : c’est-à-dire augmenter les possibilités d’industrialisation du continent avec les investissements dans les infrastructures, par exemple, le transport.
Et je pense que les Chinois ont d’énormes expériences, cette province où s’est tenu le BRICS, a été la première zone économique spéciale. On a vu les résultats. Maintenant 30 ans passés, son PIB s’est multiplié presque 15 fois. Et donc nous sommes en présence d’un exemple typique de ce qui est possible quand on est retardateur. Des retardateurs ont beaucoup de difficultés, beaucoup de problèmes, mais aussi quelques avantages, et si on travaille sur ses avantages on peut faire des bonds en avant.
dans un espace relativement court de quelques années seulement, il y a eu presque cinq fois plus d’investissements qu’il en avait eu auparavant
En Guinée, de nombreuses personnes ne comprennent pas les voyages du président Condé. On dit qu’il assiste à énormément de forums avec peu de résultats. Qu’est-ce que vous avez à dire à propos ?
Peu de résultats, ce n’est pas vrai ! Parce qu’il suffit de voir le portefeuille d’investissement de la Guinée pour se rendre compte que dans un espace relativement court de quelques années seulement, il y a eu presque cinq fois plus d’investissements qu’il y en avait eu auparavant.
On ne peut pas le faire sans voyager, sans faire des plaidoyers nécessaires. Mais il faut ajouter à cela le rôle que le président joue en tant que président de l’Union Africaine. Donc pendant la période où l’on est président de l’Union Africaine, on parle au nom d’un continent de 54 pays. Il faut être partout pour représenter leurs intérêts. Par exemple, là le président va participer à un mini forum entre pays arabes et la Chine, à la suite du BRICS.
On pourrait dire mais la Guinée n’est pas un pays arabe ! Mais le président, est le président de tous les Africains pendant cette année. Donc la population arabe d’Afrique qui est significative, serait vraiment mécontente si on ne prête pas attention à ses intérêts aussi. Donc je pense qu’il ne faut pas vraiment tenir rigueur au président de voyager autant pendant cette période pour ces deux raisons : faire le plaidoyer des investissements et représenter les intérêts du continent.
j’espère fortement qu’à partir de l’année prochaine on va dépasser de loin les 6 pour cent de croissance
Vous êtes confiant quant à l’avenir économique radieux de la Guinée ?
Je suis confiant ! La Guinée a eu une période difficile avec Ebola, on voit qu’il y a un rétablissement du niveau de croissance qui était le sien avant Ebola, et j’espère fortement qu’à partir de l’année prochaine on va dépasser de loin les 6 pour cent de croissance.
Le problème c’est qu’on peut avoir la croissance sans la transformation, pour ça, on n’a pas besoin de beaucoup d’efforts, il suffit d’exporter plus de minerais, etc. Mais avec transformation, il faut investir dans l’énergie, dans les infrastructures, dans la production industrielle et dans la productivité agricole. Je crois que c’est ce qui est en train de se passer en Guinée.
Interview réalisée par Ibrahima S. Traoré, envoyé spécial de guinee7.com à Xiamen (Chine)
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