Poursuivant son séjour aux États-Unis, le président Alpha Condé s’est adressé vendredi à la communauté guinéenne qui s’est déplacée en nombre important pour l’écouter dans un grand hôtel de Washington décorée aux couleurs de la Guinée.
C’est aux environs de 18heures locales qu’il est arrivé sur les lieux, après avoir rencontré le Secrétaire général de l’ONU Ban-Ki-Moon et eut des séances de travail à l’USAID ainsi qu’au ministère américain de la Santé, notamment.
A l’entrée de la salle, M. Condé a été salué par une foule en liesse qui a loué son rôle leader dans la lutte contre Ebola et salué sa détermination d’améliorer les conditions de vie des Guinéens.
Visiblement détendu, le président n’a pas manqué de retourner l’ascenseur. Souriant, il a fait le tour de la salle en serrant la main les uns aux autres, alors qu’un documentaire sur ses différentes réalisations dans le pays passait sur un écran géant.
C’est après le souhait de bienvenue de l’ambassadeur Mamady Condé, suivi de celui du président des Guinéens de Washington Sam Soumah, que le chef de l’Etat a pris la parole pour environ une heure devant cette foule à laquelle il s’adressait pour la première fois depuis son élection en 2010.
Essentiellement, c’était l’occasion pour le président d’expliquer en détail l’état dans lequel il a trouvé le pays et partagé ses priorités de développement quelque peu bouleversées par Ebola, avant de dégager les perspectives d’avenir.
Encore une fois, Alpha Condé a estimé qu’il a “hérité d’un pays et non d’un Etat”, c’est à dire un pays en ruine et où tout est priorité de première classe.
En cela, ni la colonisation, ni Sekou Touré, encore moins Lansana Conté est à blamer. Pour lui, le retard économique de la Guinée est surtout causé par ses anciens ministres, notamment ceux de la deuxième République et de la transition qu’il accuse de nombreuses malversations pour des intérêts personnels.
“Conté n’est nullement responsible de la ruine du pays. Ce sont ses anciens ministres comme Mady Kaba Camara qui en sont responsables. Ils ont enlevé à l’Etat ses propriétés pour donner aux privés à des prix inférieurs à leurs valeurs réelles rien que pour remplir leurs poches.”
Mady Kaba Camara
Ironiquement, Mady Kaba Camara, un des anciens ministres des finances de Conté, est présentement à Washington avec le président Condé en qualité de conseiller économique à Sèkhoutouréya
Le chef de l’État s’en est également pris à l’opposition qui, a t-il dit, a “ethnicisé les débats politiques en Guinée”.
“Ils dissent qu’Alpha Condé n’aime pas les peuls. Et pourtant j’avais marié une femme peul, Mama Kani Diallo. Pour moi, dire que je suis contre les peuls est un pretexte pour diviser le pays. En réalité, ils ne veulent pas de dialogue politique. Ils veulent un coup d’état, une violence et ils sont soutenus par des exploitants miniers qui veulent s’accaparer de nos ressources”, a martelé le chef de l’Eat.
Il a en outre déploré les conditions misérables des diplomates guinéens. Dépourvus des moyens de base, ces derniers peuvent aller des mois sans salaire et nombreux chefs de mission n’ont plus de résidence officielle.
C’est le cas du représentant de la Guinée aux Nations-unies, l’ambassadeur Mamady Touré. Nommé en 2011, celui-ci vit encore dans un appartement à New York qu’il occupait pendant qu’il était fonctionnaire à l’ONU parce que la résidence qui lui est assignée à Bronx n’est plus habitable, faute d’entretiens depuis belle lurette.
Pour un président qui veut restaurer le prestige de son pays, il était impératif de commencer par payer les arriérés de cotisation de la Guinée.
“Quand je suis arrivé au pouvoir j’ai d’abord estimé qu’il fallait payer nos cotisations aux institutions dont la Guinée est membre. Certaines de ces cotisations n’avaient pas été payées depuis 15 ans”, a t-il dit.
Revenant aux réalisations effectuées sous sa présidence, Alpha Condé a toutefois estimé que ses quatre ans et demi de pouvoir ont produit plus d’opportunités de développement au pays que les 30 ans passés.
Il a cité en exemple des routes, des fermes agricoles, des centres de santé ainsi que de nombreux projets dans le domaine de l’habitat, entre autres.
Selon lui, les réformes structurelles et macro-économiques initiées par son gouvernement et marquées par l’unicité des caisses de l’Etat auguraient de bonnes perspectives pour la croissance économique du pays.
“Mais avec Ebola tout a été bloqué et nous devons recommencer à zero”, s’est lamenté le chef de l’Etat, en invitant les Guinéens à la patience au moment où il cherche un soutien fort des partenaires internationaux pour le plan de la relance et la résilience post-Ebola dévoilé vendredi à Washington par les trois pays de la Mano River Union.
La rédaction