Les membres de l’Union des Radios et Télévisions Libres de
Guinée (Urtelgui) ont manqué l’occasion de rentrer par la grande porte de l’histoire de la défense de la liberté d’expression et d’opinion en Guinée. Au sortir d’une réunion extraordinaire tenue au siège de l’institution ce lundi, ils ont décidé d’organiser une synergie sans l’intervention du syndicaliste Aboubacar Soumah, secrétaire général adjoint du Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée. Cette synergie où n’interviendront, entre autres, que des patrons de presse et juristes, sera suivie d’une journée sans radio pour 24h.
Voilà une autre manière d’amuser la galerie. Tous ceux qui étaient pour qu’on donne la parole à Aboubacar Soumah, même sous format PAD (Prêt à diffuser) pour satisfaire à ceux qui craignaient qu’il lance des propos incendiaires, ont été mis en minorité. Des arguments fallacieux ont été rabattus par des patrons de radios pour expliquer que les médias doivent ceci ou cela à l’Etat. Des considérations pécuniaires ont prédominé sur les vraies questions liées à la défense du droit qu’on tous les citoyens d’avoir la liberté d’exprimer librement leurs opinions.
Les membres de l’Urtelgui, en faisant cette synergie sans faire intervenir Aboubacar Soumah ont cautionné la fermeture de la radio Beta FM et le brouillage des ondes de Gangan FM par le pouvoir d’Alpha Condé. Désormais, les propriétaires de Beta FM et de Ganga FM n’auront que leurs yeux pour pleurer.
A bien analyser cette décision de l’Urtelgui, certains politiquement et ayant soutenu Alpha Condé durant l’élection présidentielle de 2015 attendent toujours d’être récompensés. Ceux qui n’ont pas encore reçu leurs cadeaux de la part du Président Condé sacrifient ainsi la liberté de presse et d’opinion. Pour des intérêts économiques et politiques, ils nous imposent l’autocensure concernant Aboubacar Soumah. Ils nous disent d’être aux pas du Prince Condé qui a dicté la marche à suivre. Ils nous demandent de croire que la synergie et la journée sans radio porteront fruit. Quel sacrilège !
Pourtant, au même moment où se tenue cette fameuse assemblée générale de l’Urtelgui, la Haute Autorité de la Communication( HAC) sortait un communiqué de presse invitant au respect de la loi sur la liberté de la presse. Dans ce communiqué, la HAC rappelle, entre autre, que « l’article 140 de la Loi Organique L/2010/002/CNT du 22 juin 2010 portant Liberté de la presse et l’article 51 de la Loi Organique L/2010/003/CNT du 22 juin 2010 portant Attributions, organisation, composition et fonctionnement de la Haute Autorité de la Communication confèrent à cette dernière et à elle seule la prérogative de sanctionner les médias par un avertissement, une mise en demeure, une suspension ou annulation de la licence d’autorisation ».
Plus loin, la Haute Autorité de la Communication demande aux médias guinéens de favoriser l’expression pluraliste des courants de pensées et d’opinion tout en pratiquant un journalisme au service de la paix, de la sécurité et du développement de la Guinée. Elle leur demander d’éviter de faire l’apologie des propos ou d’informations susceptibles de porter atteinte au bon fonctionnement des institutions de la République, de mettre en péril l’unité nationale et de créer des troubles sociaux.
Aujourd’hui, une fois de plus, les journalistes (ou les patrons des radios) ont fait preuve de manque de maturité. Ils auraient dû, comme Thomas Paine (journaliste anglais qui avait défendu la cause de la révolution en France, défia l’esclavage) se battre contre l’arbitraire que veut nous imposer Alpha. Ce dernier devrait bien savoir qu’en Août 1789, l’Assemblée Nationale de la révolutionnaire proclame, dans sa Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dont l’article 11 établit que « la libre communication des pensées et d’opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
Au pays de Donald Trump, d’après le Bill off Right, « le Congrès ne fera aucune loi accordant une préférence à une religion ou en interdisant le libre exercice, restreignant la liberté d’expression, la liberté de la pensée ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et d’adresser à l’Etat des pétitions pour obtenir réparation des torts subis ». Excusez du peu !
Pour terminer, paraphrasons ce célèbre journaliste qui dit, qu’aujourd’hui la liberté d’expression, la liberté de la presse et la recherche de la vérité restent des alliés naturels, notamment quand il s’agit d’affronter des ennemis communs, tels que la censure ou la propagande imposée par les Etats pour façonner à leur guise l’espace d’information public. Toutes les voix, qu’elles viennent du Tibet, du Zimbabwe ou de la Russie, ont le droit d’être entendues. Malheureusement, l’Urtelgui ne l’entend pas de cette oreille en Guinée. Dommage, mille fois dommage !
Bah Boubacar « Azoca »