Les violences faites aux femmes et filles en Guinée sont devenues un phénomène de plus en plus préoccupant. C’est pourquoi, certaines personnes éprises de paix et de justice, s’organisent pour agir afin de faire changer de mentalité et emmener les autorités à plus de fermeté face aux auteurs de ces violences.
Parmi cette foultitude d’organisations agissant dans ce sens, figure en bonne place l’ONG Femmes Développement des Droits Humains en Guinée (F2DHG).
Notre rédaction a choisi de rencontrer ce samedi 30 décembre 2017, Mme Moussa Yéro Bah, présidente de ladite ONG.
Avec elle, Mosaïqueguinee.com a fait le tour d’horizon de la problématique des violences faites aux femmes et aux filles en Guinée courant 2017. Elle nous dresse un tableau loin d’être reluisant.
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Mosaiqueguinée.com : vous êtes la présidente de l’ONG : Femmes Développement des Droits Humains en Guinée (F2DHG) qui se bat pour la cause des femmes et filles, notamment les violences faites à cette couche vulnérable, que peut-on retenir de ces violences au compte de cette année 2017 qui s’en va ?
Mme Moussa Yero Bah : il faut rappeler que notre combat s’est réellement basé sur ces cas de violences en 2017 parce qu’on a compris qu’il y a beaucoup de victimes et que celles-ci ne savent pas à quel saint se vouer. Généralement, elles sont complètement perdues, elles ne savent pas par où commencer. Est-ce qu’il faut porter plainte ou aller voir un médecin légiste pour ne pas que les traces disparaissent parce que 72 heures après la violence, le plus souvent si ce n’est pas une blessure qui est très grave, les traces peuvent disparaitre. Donc il faut aller porter plainte pour avoir au niveau de la gendarmerie ou sur place, un médecin qui va voir s’il y a eu viol ou pas.
Les statistiques sont très alarmantes. Que ce soit de notre côté ou du côté de la gendarmerie ou de la police, parce que rien qu’au premier semestre de l’année 2017, on a enregistré près d’une centaine de cas et les 80% étaient des mineures et généralement, ce sont des cas qui sont officiels. Et nous, au sein de notre ONG, nous enregistrons au moins deux cas de viols par semaine.
Mosaiqueguinée.com : le plus souvent on constate que des femmes ou filles qui subissent ces violences ne portent pas plainte, cela est dû à quoi ?
Mme Moussa Yero Bah : cela est dû à la pression de la société, les pesanteurs socioculturelles, par exemple les violences conjugales. On met dans la tête de la femme qu’il faut accepter de subir pour avoir des enfants bénis, alors qu’ailleurs nous voyons comment ça se passe un peu partout dans le monde, c’est une question d’éducation, de suivi et de formation. Cela n’a rien à voir avec la soumission. Imaginez par exemple quelqu’un qui vit dans la souffrance, comment celle-ci peut être heureuse et avoir même des enfants qui peuvent être heureux demain. Ces femmes ne portent pas plainte parce qu’elles ont peur d’être indexées dans le quartier.
Mosaiqueguinée.com : quels sont les cas graves que vous avez enregistrés cette année ?
Mme Moussa Yero Bah : il y a eu beaucoup plus de cas de viols sur mineurs signalés à notre niveau. Le dernier c’est cette fillette de 5 ans qui a été violée par deux de ses enseignants dans la commune de Matoto. Aussi à Banankoro où il y a eu une fillette de 11ans qui a été violée avant de se retrouver enceinte. Actuellement, nous sommes en train de gérer à notre niveau un sujet de menace de mort à Coyah. Une fille de 14 ans qui a été violée par un jeune homme, qui a menacé de la tuer si jamais elle en parlait à quelqu’un et malheureusement ce jeune homme est en cavale avec la complicité de la gendarmerie de Friguiadi. C’est vraiment regrettable qu’on laisse des criminels comme ça parce que cela entraîne la récidive
Mosaiqueguinée.com : quelle est la localité qui a enregistré plus de cas de viols cette année ?
Mme Moussa Yero Bah : nous avons enregistré beaucoup plus de cas à Conakry. C’est vrai que je n’ai pas la liste exhaustive sous les yeux, mais notre ONG a été plus souvent appelée ici pour nous parler de beaucoup de cas qui se produisent dans plusieurs quartiers.
Mosaiqueguinée.com : l’Etat fourni des efforts pour mettre un terme à ces violences dans le pays, comment est-ce que vous trouvez ces efforts ?
C’est vrai, des efforts sont en train d’être fournis, mais on a besoin de beaucoup plus d’efforts pour éviter des récidives. Pour éviter ces violences, il faut que la justice s’applique parce qu’on a souvent dit que la faiblesse de notre pays, c’est l’impunité. Nous remarquons que la justice est très laxiste, ce qui fait que nous avons des cas de viols à répétition, des femmes qui sont battues à répétition. Vous savez bien que la violence conjugale dans les pays occidentaux peut amener quelqu’un à perdre certains biens. Il faut que la loi s’applique.
Interview réalisée par Mamadou Saidou Diallo