La scène burlesque révèle à elle seule la métamorphose de certains de nos cadres, quand ils bénéficient d’une promotion au sein du gouvernement guinéen. Se prenant pour des dieux, ils réclament encens et offrandes sur l’autel de la démagogie. Au lieu d’indigner, leur enivrement est plutôt encouragé par une société complètement déboussolée. C’est à oublier qu’un ministre, c’est avant tout un serviteur.
« Il a dit aux sages que je ne le respecte pas. Durant toutes les missions qu’il effectue dans ma préfecture, je n’organise pas de cérémonies pour l’accueillir. Que je ne lui rends pas visite chez lui durant tout le temps qu’il passe à Guéckédou. Comme vous le savez, je n’aime pas faire de la démagogie pour quelqu’un », se défend le préfet. L’accusateur lui, ne serait autre que le ministre du commerce, également remonté contre le directeur national du budget, selon le quotidien mosaiqueguinee.com.
Cette scène d’une absurdité révoltante oppose des cadres originaires d’une même préfecture, tous lancés en campagne électorale depuis plusieurs jours. Si l’on doit sérieusement blâmer le préfet et le directeur national pour leur non-respect du principe de la neutralité de l’administration, on ne peut leur reprocher leur refus de se muer en adorateurs d’un ministre qui lui, semble avoir perdu le sens véritable de ses fonctions.
Cette querelle d’égos révèle à elle seule le caractère clientéliste des nominations aux postes administratifs dans notre pays. C’est le moment désigné pour chaque haut cadre de prouver son engagement à servir le régime en place mieux que tous les autres. C’est le moment de redistribuer un peu du fruit d’une gestion calamiteuse des ressources du pays, à travers des tournées folkloriques et une scandaleuse débauche d’argent. Chacun comprend qu’il faut crever les écrans avec tee-shirts et casquettes à l’effigie du prince du moment, pour s’assurer la grâce de longtemps se repaitre encore des maigres pitances du populo.
Cette chamaillerie révèle surtout le caractère versatile de ces nouveaux dieux qui veulent régenter le quotidien et le comportement des autres, qu’ils veulent tous à leurs pieds. Le préfet et le directeur national du budget n’auraient pas compris qu’un ministre, en Guinée, mérite encens et célébrations. Ici, ils ne sont pas serviteurs de la république mais seigneurs sur leurs congénères. Ils ont déjà conquis l’Olympe et ils peuvent désormais trôner sur les destinées. Tout cela avec notre silence complice.
Au moment où notre capitale se vautre dans le top 20 des villes les plus sales du monde, nos gouvernants paradent à la tête de carnavals bruyants, et s’offrent des réceptions dans nos cités et bourgades. Cela ne dérange personne, et même, nous nous y complaisons. Comme le dit l’adage, ‘’les larmes des philistins sont le nectar des dieux’’.
Mohamed Mara sur Radio Espace