Six personnes dont un sapeur-pompier décédées, une concession familiale, un immeuble et plus de trois cents boutiques et magasins partis en fumée. C’est du moins le triste bilan de trois grands cas d’incendie enregistrés récemment dans la capitale guinéenne.
L’incendie d’un immeuble à la Minière, celui survenu dans la nuit du 20 au 21 mars 2018 à Fofanaya où cinq membres d’une famille ont laissé leur vie, les flammes qui ont emporté des centaines de boutiques et magasins à Madina dimanche dernier, ont eu l’avantage de ramener la question de la sécurité des personnes et de leurs biens au centre du débat public.
La rédaction de Mosaiqueguinee.com a tendu son micro à M. Mamadou Dian Diallo qui n’est pas novice sur les questions sécuritaires.
Grand journaliste à la télévision nationale, il est aussi à la tête d’une entreprise appelée Galaxy Communication.
Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il ne livre pas seulement sa lecture de ces incendies, notre interlocuteur préconise également des pistes de solution.
Lisez !
D’abord sur le cas de Madina
Je n’ai pas encore été à Madina après l’incendie survenu là-bas, je n’ai pas vu un rapport d’une enquête de police ou de justice pour pouvoir apprécier et dire exactement ce qu’il y a eu. Je ne peux que spéculer. Pour l’instant, ce que je peux dire à partir des informations que j’ai, c’est que je suis d’abord choqué de constater que le pays a perdu énormément parce que ce sont des opérateurs économiques, des femmes associées, des couturiers, qui ont perdu de l’argent. Moi je ne dirais même pas que c’est eux qui ont perdu, pour moi c’est le pays qui a perdu. Que cela parte en fumée au moment où on a envie de créer de la richesse dans le pays, ça me choque, ça me désole, ça me touche personnellement. Parce que je suis quand même de ce tissu social guinéen, quand un de mes compatriotes, qui qu’il soit, a un problème, c’est que j’ai un problème.
L’incendie survenu à Fofanaya
Cela m’interpelle en tant que citoyen faisant partie de l’élite de ce pays. Il y a une responsabilité collective mais il y a aussi une responsabilité des uns et des autres. La dernière fois, j’ai passé toute une nuit avec le ministre de la Sécurité, le grand frère Kabélè Camara lorsqu’il y a eu l’incendie à l’immeuble commercial à la minière. Je l’ai vu lui-même transpirer, j’ai vu que ce jour, il avait l’assistance de Laguipress Sécurité, qui est une structure privée venue assister l’Etat.
J’ai constaté qu’il y avait des difficultés énormes. Il y avait des matières inflammables qu’on avait mises là sans les faire accompagner par un dispositif sécuritaire, d’un dispositif d’alerte. Il y avait des pneus, des huiles de moteur, et même du carburant. Pour une question de sécurité, les portes étaient fermées et barricadées. Les agents ne pouvaient pas donc accéder au fond, ce qui a fait que le bâtiment a fini par exploser.
Aujourd’hui en Guinée, on pense que l’insécurité c’est seulement les bandits qui peuvent vous attaquer ou les accidents de la circulation alors que la sécurité doit être de mise à tous les niveaux. J’ai suivi ce matin le témoignage de quelqu’un sur le cas de Fofanaya. Il dit qu’hier, il y a eu l’installation d’un climatiseur. Cette installation a été faite par un électricien, est-ce qu’il a vu la puissance des charges dont le climatiseur avait besoin pour pouvoir tourner correctement ? Il a dû faire juste le branchement et il est parti. Le courant est revenu, la charge d’un climatiseur est une forte charge. Est-ce que les fils qui ont été installés supportaient cette charge ? L’installation n’a pas certainement tenu compte des règles sécuritaires. La maison a pris feu, le monsieur a perdu sa famille, sa maison, son climatiseur et tous ses biens. L’électricien va continuer à se promener.
Un exemple personnel
Pauvre journaliste que je suis, je me suis débrouillé à trouver de l’argent que j’ai donné à un électricien pour qu’il fasse l’électrification de ma maison. J’ai attendu un moment donné pour économiser et faire face à la suite des travaux. J’ai décidé à ce que l’électricien qui va faire la suite des travaux, vienne me faire un contrôle. Quand il est venu, il m’a dit que les fils que j’ai sont petits, ils peuvent prendre feu. Je lui ai dit que j’ai dépensé 15 millions de francs guinéens. Il m’a dit « grand frère tu as un choix : perdre ces 15 millions auquel cas tu corriges les installations et dans le futur tu garderas ta maison et ta vie, où tu préfères ne pas perdre tes 15 millions. Dans le futur, tu peux perdre les 15 millions et les autres millions que tu as ajoutés pour la construction de la maison. Tu peux également perdre ta vie et celles d’autres membres de ta famille. »
La même soirée, la maison de Tabra, joueur du Sily national, située non loin de chez moi, a pris feu. Je me suis rendu compte que Tabra qui évolue en Europe, a envoyé de l’argent et quelqu’un a fait ses installations à son absence. Ils ont dû mettre des petits fils. Le lendemain, c’est moi-même qui ai appelé l’électricien en question pour lui donner l’argent. J’ai préféré perdre mes 15 millions et reprendre les installations. Donc, nous mêmes nous sommes plus ou moins responsables.
Réouverture de la plage de Rogbanè
On a rouvert aujourd’hui les plages qu’on avait fermées depuis le drame de Rogbanè, alors que nulle part le rapport n’a indiqué les raisons pour lesquelles il y a eu ce drame. D’autres vont reprendre ces plages sans tenir compte de la nécessité qu’il y ait des portes d’entrée et des portes de sortie. Le même drame peut donc intervenir à tout moment.
Après l’incendie à Madina, le porte-parole de la police a vite parlé d’un court-circuit
Le gouvernement guinéen a un problème de communication. En Guinée, on néglige les aspects communicationnels y compris chez nous les journalistes. Dans beaucoup d’informations, on affirme sans avoir eu la preuve de ce qu’on affirme. C’est ce qui fait que des erreurs comme ça peuvent arriver. Sinon, on aurait mis ça au conditionnel en attendant qu’on recherche l’information. Tout le monde communique mal parce qu’on ne mesure pas la portée des informations qu’on donne. J’ai aussi suivi le communiquant d’EDG qui a dégagé toute responsabilité. Il aurait pu dire : au stade actuel, nous attendons les enquêtes. Parce que si les enquêtes incriminent EDG, qu’est-ce qu’il va dire alors qu’il avait déjà dit que ce n’est pas EDG.
Approches de solution
- Je préconise qu’EDG intègre dans son système, exige l’audit des installations de ses clients. L’audit, c’est aller vérifier que les installations répondent aux normes. Quand ce n’est pas le cas, EDG consigne ça dans un rapport et envoie une lettre au client en question avec accusé de réception. En cas de problème, devant la justice, EDG peut se prémunir de ce document pour dire nous avons attiré son attention sur des faiblesses de son installation. Comme ça, EDG peut se soustraire des griffes de la Justice. Si ce n’est pas fait, EDG ne peut pas se défendre.
- Je souhaite aussi que chaque citoyen, qui fait des installations électriques, essaye de voir des électriciens compétents. Mieux vaut payer cher en installant bien que de payer cher par sa propre peau. Qu’on exige de voir le diplôme d’un électricien avant de l’engager. Ceux qui ont perdu des milliards, leurs familles et leurs maisons, regardez le prix de ce qui leur est arrivé par rapport au coût qu’ils auraient utilisé pour aller chercher un bon technicien.
- Je demande aux électriciens dans les quartiers qui n’ont pas reçu une bonne formation, de s’associer et d’exiger du gouvernement une formation. Il y a d’ailleurs des moyens mis à la disposition des jeunes guinéens par ce qui les accompagnent dans la recherche d’emploi. Ils peuvent utiliser ça pour se former.
Entretien réalisé par Thierno Amadou M’Bonet Camara