Le rebelle libyen qui avait sorti Mouammar Kadhafi du tunnel où il se cachait avant sa capture et sa mort, le 20 octobre 2011, est décédé à Paris mardi. Enlevé au mois de juillet, Omrane Shaabane a succombé aux tortures infligées pendant sa détention, pour lesquelles il était soigné en France.
Un héros de la révolution. C’est ainsi qu’était considéré Omrane Shaabane, 22 ans. Ce jeune homme, étudiant en électricité, avait rejoint la rébellion libyenne pour déloger le colonel Kadhafi du pouvoir. Il était même celui qui avait sorti le «Guide de la révolution» du tunnel dans lequel il avait trouvé refuge lors de sa fuite, le 20 octobre 2011, comme le racontait l’envoyé spécial de Paris Match à Syrte, Alfred de Montesquiou. Pour ce geste, le rebelle s’était vu promettre la somme d’un million de dinars libyens (620 000 euros) –argent que sa famille dit n’avoir jamais reçu. Le Congrès national libyen a annoncé qu’une enquête serait menée afin de découvrir qui étaient les responsables de la mort de ce «brave héros». Evacué médicalement en France après des graves blessures, l’homme qui arrêta Kadhafi est mort de ses blessures à Paris mardi.
Quand Paris Match l’a rencontré, frère d’arme de la Khatibat al-Khirane, il était encore tout surpris de sa découverte. Avec ses camarades, il exhibait fièrement le pistolet plaqué or de Kadhafi, comme pour se prouver qu’il avait capturé la veille le dictateur déchu. Omrane Shaabane et ses directs ont toujours nié avec véhémence avoir participé au lynchage de Kadhafi, décédé dans l’heure qui suivit sa capture.
Capture Kadhafi-
Omrane Shaabane fait partie de ce groupe d’hommes, responsables de la capture de Kadhafi, mais pas de son lynchage à mort. (Photo: Rémi Ochlik/IP3 Press)
Les conditions qui ont mené à la mort d’Omrane Shaabane sont pour le moins mystérieuses. Le jeune homme a été enlevé en juillet dernier, à Bani Walid, en même temps que trois de ses amis. Les quatre proches revenaient de vacances lorsqu’un groupe d’hommes armés ont ouvert le feu sur eux, ont raconté les familles des kidnappés à Al Jazeera. Malgré leur résistance, les quatre ont été enlevés. Omrane a été détenu pendant 50 jours dans cet ancien bastion des soutiens au colonel Kadhafi, au sud-est de la capitale Tripoli, explique la BBC. La semaine dernière, après 50 jours de négociations menées par Mohamed Magarief, le président du Congrès national, Omrane Shaabane avait été libéré avec deux de ses co-détenus.
Plusieurs milliers de personnes ont accueilli son corps
Les proches du jeune homme avaient retrouvé Omrane torturé, et paralysé à partir de la taille en raison d’une balle reçue dans la colonne vertébrale. «Il était clair qu’il avait été tabassé. Son torse entier avait été lacéré par des lames de rasoir. Son visage avait changé. Ce n’était plus le frère que je connaissais», a expliqué son frère Abdullah à la télévision qatarie. «Il n’avait que la peau sur les os», a-t-il ajouté. Envoyé à Paris pour recevoir des soins, le jeune homme n’a pas survécu aux sévices que lui ont infligés ses tortionnaires et est décédé mardi.
La mort d’Omrane Shaabane a plongé Misrata, sa ville d’origine, dans un tourbillon de violence. L’arrivée de son corps a été saluée par les habitants de la ville, qui réclamaient vengeance contre ses tortionnaires, qui seraient d’anciens soutiens du «Guide de la révolution» d’après les informations d’Al Jazeera. «Sa procession funéraire mardi soir était une chose impressionnante, a décrit le correspondant de la chaîne qatarie à Misrata. Le cercueil, entouré du drapeau national, a été emporté au stade de Misrata, où des milliers de personnes lui ont rendu hommage.» Une vitre de verre avait été placée afin de montrer le visage d’Omrane. Et sa mort a eu des retentissements jusqu’à Tripoli, où plusieurs centaines de manifestants ont exigé la justice de la part du gouvernement.
La situation dans la capitale était déjà tendue mardi, où des échanges de tirs ont eu lieu entre d’anciens combattants de la rébellion et les forces de sécurité. Les ex-rebelles demandaient une plus grande reconnaissance de la part des autorités, lorsque la manifestation devant le Congrès national libyen a dégénéré en échange de tirs. Le nouveau pouvoir en place cherche à rétablir son autorité après les soulèvements populaires qui ont coûté la vie à l’ambassadeur américain, à Benghazi, le 11 septembre. Dimanche, les autorités libyennes avaient annoncé leur volonté de dissoudre les milices toujours armées, près d’un an après la chute de Mouammar Kadhafi.
La rédaction