Conakry-L’affaire Vincent Bolloré –homme d’affaires français inculpé mercredi à Paris dans l’enquête sur des soupçons de corruption dans l’attribution à son groupe des concessions portuaires en Guinée et au Togo- est bien la tasse de thé des Guinéens depuis des jours. Elhadj Mamadou Sylla, opposant et PDG du groupe Futurelec a dit jeudi en savoir quelque chose pour avoir été le président du patronat guinéen et du secteur privé dans un passé récent. Confortablement assis dans sa vaste résidence à Dixinn Bora, les yeux cachés derrière ses lunettes, entouré de ses plus proches collaborateurs dont Elhadj Dembo Sylla, le richissime homme d’affaires guinéen reçoit les journalistes pour éplucher le dossier Bolloré. « J’ai condamné la façon d’attribuer le marché à Bolloré en tant qu’opérateur, surtout en tant que président du patronat à l’époque, président du secteur privé, j’ai tout suivi. J’étais à l’époque dedans. J’avais de l’intérêt dedans surtout que je représentais l’intérêt des opérateurs économiques, y compris Bolloré, Getma… J’étais leur patron en Guinée. Ce que j’ai vécu, Getma international après appel d’offres a remporté le marché. (…) En 2010, trois mois après son arrivée au pouvoir, le professeur Alpha Condé a attribué le marché au 3è soumissionnaire qu’est Bolloré par décret sans passer par l’Assemblée nationale. Là, je condamne cela, ce n’est pas normal, ça n’a pas été attribué correctement, c’est pourquoi les juges français sont entrain de vérifier. (…) », a regretté le président de l’Union démocratique de Guinée (UDG) et ancien allié du Rpg Arc-en-ciel (au pouvoir). Question. Mais, à l’époque, vous étiez quand même proche du chef de l’Etat Alpha Condé… « Oui, j’étais proche du président mais je ne sais pas dans quelle condition il a signé le décret pour Bolloré. Alpha Condé s’en fout des gens, il n’’écoute pas, il ne consulte pas. S’il m’avait consulté à l’époque, j’allais lui dire que si tu veux dénoncer le contrat, il faut d’abord appeler à l‘amiable avant de récupérer et attribuer à une autre personne. Ce n’est pas clair, c’est ça la vérité », répond-il. Non sans avouer avoir appris que pendant le second tour de la présidentielle de 2010 que Bolloré allait aider le chef de l’Etat. Interrogé sur les griefs de l’Etat contre Getma, Mamadou Sylla saute au plafond : « Mais quel contrat n’a pas été respecté ? Il (le président de la République, ndlr) devait dénoncer, avertir d’abord. Moi, je ne connais pas Getma ou autre. L’Etat devrait dénoncer les gens et leur dire de changer. C’est un contrat de 25 ans. Même à l’amiable, ils pouvaient négocier avec les gestionnaires du port à l’époque et non leur retirer de façon unilatérale ou même l’envoyer au tribunal. Le président ne devrait pas donner automatiquement le contrat à son ami Bolloré ».
Plus loin, Elhadj Sylla met les pieds dans le plat de Bolloré : « ce qui est grave, Bolloré s’est engagé à investir 20 millions d’euros par an, en tout 500 millions d’euros en 25 ans. La valeur-là, il est parti l’hypothéquer dans les banques pour envoyer l’argent, ce n’est pas investi ici, nous on garantit mais lui il va aller investir au Cameroun par exemple, dans la sous-région. L’argent de la Guinée va ailleurs. Et maintenant, pour rembourser, c’est l’argent que les hommes d’affaires paye, quand tu envoies un bateau de riz, combien ça coûte par rapport à Abidjan? Ici, on paye plus cher que là-bas, si ce sont les véhicules, ça coûte plus cher ici qu’ailleurs. Les 500 millions d’euros, ce sont les opérateurs qui paient, ce n’est pas Bolloré qui paie ». Ajoutant qu’ « aujourd’hui, Bolloré a gâté plus que Getma. Mais comme le président est son ami, il n’y a pas de contrôle, y a rien, quiconque blague avec ça, il te fait out ». A l’en croire, des proches de Bolloré avec qui, dit-il, » j’avais même déjeuné ont m’avaient demandé à l’époque de les aider à avoir le port sans appel d’offres. J’ai répondu que je ne peux pas ». Etes-vous prêt à témoigner devant la justice française si la demande vous est faite ? « Je prends mon avion ce soir et je pars pour la manifestation de la vérité, pour mon pays. Parce que si quelqu’un prend de l’argent indignement dans mon pays, je me battrai pour que l’argent-là retourne dans mon pays ».
Source : mediaguinee