La vie politique en Guinée est un voyage douloureux au pays des absurdités et une longue nuit de violences aveugles et disproportionnées d’un Etat voué à broyer ses citoyens. Voilà un pays où l’injustice n’émeut guère, la violation fréquente et délibérée des droits humains et des libertés publiques n’interpelle personne. Parce que depuis de nombreuses années le mensonge et l’oppression y règnent en maître absolu et les élites continuent de briller par leur lâcheté, leur conformisme et opportunisme légendaires. Voilà un pays où l’indignation est sélective : les excès du pouvoir sont passés sous silence tandis que l’opposition est sans cesse harcelée pour accepter le fait accompli et renoncer à la lutte pour une société plus juste et démocratique.
En vérité, c’est le sentiment chez les enfants gâtés de la République et les » privilégiés » du pouvoir d’être menacés dans les droits et avantages acquis qui mobilise une caste de démagogues subitement préoccupés par le sort du pays. L’appel à la paix, à l’unité, c’est lorsque seulement le pouvoir le sollicite pour assurer sa survie, jamais lorsque des violences physiques et morales sont exercées sur de paisibles citoyens ou lorsque l’Etat se rend coupable d’abus et d’exactions contre des communautés entières du pays. Voilà pourquoi, la parole des leaders d’opinion ou les recommandations des responsables de la société civile, ayant tous failli à leur devoir de » veille et d’alerte » ne comptent plus dans une opinion capable de discernement. Au lieu de situer avec courage et clarté les responsabilités dans les malheurs du pays, dans un exercice » d’équilibrisme », on se plaît et complaît à confondre malhonnêtement les bourreaux aux victimes. De qui veut-on se moquer ? Comment une société peut-elle avancer dans l’hypocrisie et le mensonge permanents ?
Vigilance et détermination face à Alpha Condé !
Quant au pouvoir, lui aussi, et tout le monde l’a compris désormais, il ne se montre modeste et conciliant, hélas, que lorsqu’il se trouve en danger de mort. Tant qu’il n’y a pas une crise, qui ne porte pas évidemment sur le déni des valeurs ou la violation de principes sacro-saints, mais un risque pour le pouvoir de tout perdre, les gouvernants guinéens se montrent sourds et aveugles. Ils affichent une totale indifférence face aux appels à la raison et surtout se moquent royalement de la grande souffrance des populations.
Acculé ces derniers jours par une opposition déterminée à le faire tomber, faute de parvenir à un dialogue civilisé avec lui pour relancer un processus électoral dans une impasse totale, Alpha Condé s’est résigné à rencontrer Cellou Dalein Diallo. Son gouvernement et lui avaient déclaré urbi et orbi et non sans arrogance que l’Assemblée Nationale est la seule instance du dialogue dans un mépris suprême de l’opposition. A en croire ses collaborateurs et lui, les opposants ont des revendications peu raisonnables et contraires aux lois du pays. Rétropédalage face à la démonstration de force de l’opposition à un moment où il croyait, lui Alpha Condé, l’avoir anéantie au point d’imaginer dans un conte de fée électorale se faire réélire dès le premier tour de la prochaine élection présidentielle. Sans doute rattrapé par la dure réalité que l’opposition est ultra-majoritaire dans le pays, il laisse entendre que » tout est encore négociable » , y compris le chronogramme fantaisiste de la CENI et l’ordre des élections qui semblaient jusqu’à maintenant des sujets tabous.
Après quoi ? De nombreuses manifestations dans le pays qui ont fait d’innocentes victimes encore et toujours, occasionné des dégâts matériels importants. Les marches de protestation de l’opposition chaque fois interdites et réprimées dans le sang ont entraîné aussi une vague d’arrestations et de condamnations de militants et sympathisants de l’opposition ou de citoyens démocrates et patriotes, en général.
La Guinée est devenue encore un pays à risques avec le spectre de l’instabilité qui plane et les innombrables menaces qui pèsent sur l’unité fragile du pays et la cohésion sociale fortement éprouvée. Le dialogue est plus difficile aujourd’hui encore dans le contexte de rupture de confiance entre les acteurs de la vie nationale et de défiance citoyenne à l’encontre de l’autorité publique à cause de la partialité de l’Etat et de la campagne de répression du régime dans l’impunité absolue. L’opposition qui a choisi la rue pour faire partir ou plier Alpha Condé n’en partira que si tous ses déshydratas sont pris en compte au risque de démobiliser des militants pressés d’en finir et de perdre le crédit de la fermeté ayant contribué à un regain d’espoir pour l’alternance au sommet de l’Etat. Pour cela, il faudra maintenir l’unité de l’opposition que Alpha Condé voudra mettre en mal en divisant ses leaders et maintenir et amplifier la pression dans la rue pour que l’hypothèque présidentielle soit levée sur une CENI en mal d’indépendance et de crédibilité.
En tout cas, les leaders de l’opposition connaissent Alpha Condé mieux que par le passé et ne semblent pas vouloir se laisser piéger une nouvelle fois en acceptant d’aller aux élections à ses conditions et avec une CENI à son entière dévotion.
Cellou et ses pairs si près du but, n’ont pas droit à l’erreur face à un homme qui se battra jusqu’au bout pour garder un pouvoir mal acquis et comme en 2010 s’est engagé dans une guerre d’usure avec le temps , son opposition et la démocratie , convaincu qu’il aura encore le dernier mot avec un peuple autrefois résigné mais déterminé maintenant à être l’acteur principal de son destin. Le message est clair : « On peut tromper tout le peuple une partie du temps, tromper tout le temps une partie du peuple mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ». N’est-ce pas camarade Alpha ?
Tibou Kamara