Cet opérateur culturel, spécialiste en technique pharmaceutique, titulaire d’un master en business management de la Golden Gate university of San Francisco en Californie en 2012, vit depuis la fin des années 90 loin du pays natal. Mais son cœur vibre toujours pour sa Guinée et ses compatriotes les plus démunis.
Chaque année, Mohamed Fofana, Globisine pour les intimes, fait des dons à travers sa fondation qui aide à redonner le grand sourire à des élèves, des groupements à vocation coopérative de femmes et des organisations caritatives. Globisine est l’un des pionniers du showbiz guinéen. Outre-Atlantique, il compte plusieurs dizaines d’artistes africains de tous pays invités à se produire aux Etats-Unis. Pour la Guinée, en 2015, il a fait produire un groupe de 7 artistes-chanteurs pour une tournée de trois mois aux EtatsUnis. Ce sont: Ibro Diabaté, Djibrila Soumah Koumi, Djètadi Saran Daraba, Mama Diabaté la biche du Mandingue, Abraham Sonty Koundouwaka, Djéli Kaba Kouyaté le fils de Sabèrè Soumano, et Petit Kandia. Ce qui fait de lui une fierté africaine et un consultant de référence dans ce domaine. Pour Le Populaire, il revient sur sa passion pour la chose culturelle et parle volontiers de ses actions. Mohamed Fofana, vous êtes plus connu sous le nom de Globisine.
Comment vous est venu ce surnom ?
Comme vous le savez certainement, j’ai été un étudiant très actif dans le domaine culturel. J’étais le président de la Presse scolaire et en même temps le président du club Unesco du lycée Donka. C’est en ce moment-là que mes camarades m’ont collé ce petit nom. Au fait, mon père étant pharmacien, j’avais aimé porter sur ma tenue scolaire une sorte de badge sur lequel était mentionné mon nom, mais le plus apparent de loin était le nom d’un médicament, un remontant, qu’on appelait Globisine. En ma qualité de président, je parcourais les classes et les différents établissements scolaires de la capitale avec les membres du club de presse. Au début, c’est vrai, je n’aimais pas du tout ce surnom. Avec le temps, il est effectivement devenu mon identifiant dans mes activités scolaires, touristiques et culturelles. C’est vrai qu’aujourd’hui tout le monde m’appelle par ce petit nom, mais moi également, j’en suis fier puisqu’il me rend heureux. Car, lorsque durant la grève des élèves et étudiants dans les années 90, j’ai perdu deux de mes camarades dont le jeune frère direct d’Atigou Bah -le leader du mouvement de contestation-, et que moi-même, j’ai reçu une balle au niveau de la main droite, la presse a parlé de nous et moi, les médias et tout le monde m’appellaient maintenant Globisine. J’ai perdu une année sans aller en classe, parce qu’on était recherché par le régime du général Lansana Conté. Voilà, c’est comme cela que le nom est devenu célèbre et puis j’ai créé une agence qui portait ce nom : Globisine prestation. J’ai immédiatement lancé le mouvement School competition djafoule, les matinées dansantes et les excursions scolaires que j’organisais sur les sites touristiques comme le Chien qui fume à Dubréka, le Voile de la mariée, dans les villes de la périphérie de Conakry. Si je ne m’abuse, j’ai été le premier à initier les premières colonies des vacances d’élèves et étudiants guinéens en Côte d’Ivoire et au Sénégal. C’était vraiment la belle époque où j’ai eu le privilège d’être sacré meilleur manager de spectacles au niveau des lycées et collèges de Guinée, et meilleur présentateur de grands concerts. Je me souviens qu’on a lancé ensemble l’agence dénommée Glo-Kam-DD qui veut dire, Globisine, Kadija Bah et Mamadou Dian Diallo. En unissant nos forces, nous avons pu faire venir en Guinée Tina Spencer la mère de DJ Arafat, puis David Tayraut, RAS le meilleur groupe de rap de l’époque en Afrique. Toutes les opérations ont été d’un grand succès. Après cela, j’ai été approché par Papa Koly Kourouma pour la création de Magic Productions, l’agence qui a fait venir en Guinée les Trois Gos de Kotéba de Souleymane Koly. Ensuite, on a organisé un face-à-face entre le meilleur groupe de rap de Côte d’Ivoire MAM et le meilleur de la Guinée Légitime Défense. Pour le premier concert du groupe Extra-Musica en Guinée, j’ai eu le privilège d’assurer le management avec l’appui amical de mon cher ami Kerfalla Camara KPC devenu aujourd’hui un grand entrepreneur dans le domaine des BTP. Tout cela m’a permis d’acquérir une expérience à revendre, dont je me réjouis actuellement.
Vous avez aussi été le principal manager du baptême de feu de l’agence Mass productions au Palais du peuple.
Oui, effectivement ! J’ai signé un contrat de management du concert de lancement de l’agence dirigée par Maciré Camara et Isto Keira, l’ancien ministre et actuel secrétaire général du ministère en charge de la Culture. C’est vrai, tout début est difficile, mais demandez à tout le monde comment le Palais du peuple vibrait ce jour-là à la satisfaction de tous. C’était une grande première, et vous aviez comme artistes invités Grand-père ‘‘Sokhöma Sandji’’ paix à son âme, et Petitpère. Il y avait tellement de monde. Oh, c’était très beau comme concert !
Les artistes sénégalais aussi ont bénéficié de votre expertise de terrain.
Bien sûr ! Je me rappelle du concert de Baba Maal au lycée Donka avec la participation de plusieurs artistes guinéens. C’était signé Tidiane World Music, et moi j’assurais le management sur le terrain. Là aussi, ça fait du boom. A partir de là, Tidiane a signé un partenariat avec Globisine prestation. On est resté ensemble jusqu’à mon départ pour les études aux Etats-Unis en 1999. Je me rappelle encore comme si c’était aujourd’hui, de mes deux derniers concerts avec Sona Tata Condé dans son album Warassonèya, et la dédicace de l’album Affaires d’Ibro Diabaté. Ah oui, nous avons déboursé 10 millions de FG à l’époque pour racheter le contrat de dédicace ! Vous pouvez demander aux spécialistes, c’était la première fois en Guinée qu’un artiste-vedette reçoive un cachet de 10 millions pour sa dédicace. Je profite de l’occasion pour remercier une fois de plus notre soutien, notre grand-frère Touré Fontaine qui a été pendant longtemps notre mécène. C’est par exemple dans l’organisation des concerts de Salif Keita, de Yousou N’Dour et de tant d’autres grosses pointures de la musique africaine.
Vous avez commencé vos études en Guinée avant de les terminer Outre-Atlantique. Quelle profession exercez vous actuellement ?
Effectivement, j’ai débuté dans mon pays avant de partir pour les Etats-Unis où j’ai décroché un diplôme en business management. Vous-même vous le savez, on était ensemble dans la plupart de mes grands concerts. Quand je suis venu aux Etats-Unis, j’ai d’abord commencé par les cours de langue à l’université de Berkley. Ensuite, j’ai poursuivi mes études en pharmacie pour décrocher un diplôme en techniques pharmaceutiques, ce qui m’a permis d’obtenir mon premier boulot à Walgreens, puis à Ride Aide, après à CVS. Après, j’ai été formé comme agent commercial à Chevron, la maison-mère de la compagnie pétrolière du même nom. J’ai eu la chance de travailler avec les grandes stars de la musique guinéenne et les grands organisateurs d’événements culturels. Moi, c’est une passion. J’adore les rendezvous galants et j’aime partager le peu que j’ai. Et je continue à croire que le plus important chez un homme n’est pas de réussir et de posséder seul ses richesses, plutôt de donner la joie et de partager ses biens avec son entourage ainsi que ceux qui comptent pour lui.
Jeune leader bien connu en Guinée, vous décrochez un diplôme de technicien en technologie pharmaceutique, puis un certificat en marke-ting chez Chevron, et vous poursuivez vos activités d’homme d’affaires opérant dans le domaine culturel. Quelle ardeur !
Yes ! Ça, c’est avant de décrocher mon MBA en business management à la Golden Gate university de San Francisco. J’ai continué à exercer ce métier d’opérateur culturel ici aux EtatsUnis. Vous savez, c’est comme le journalisme que vous pratiquez aussi actuellement, si vous êtes passionné et que les gens sont heureux de vous voir les servir et très bien, vous êtes humainement accroché. C’est ce qui fait que ce métier-là est un métier passionnant et je suis convaincu qu’il rend un grand nombre d’artistes, d’intermittents de spectacles et le grand public toujours heureux. Vous savez, depuis que je suis là, j’ai tourné avec Sékouba Bambino Diabaté, les Ballets Africains, les Merveilles de Guinée, les artistes comme Missia Saran Diabaté, M’Balou Kanté, Yarie Touré, Djékoria Fanta, M’Mah Kouyaté l’aveugle, Alpha Yaya Diallo le guinéen vivant au Canada, Kerfalla Kanté, Abdoulaye Sawpith Camara Bras Cassé, Djély Sayon Kouyaté l’homme ambiance, Vieux Kokassaly Diabaté, Fodé Baro, et tant d’autres. Grosso modo, dans la musique, c’est tout le monde qui gagne. Ceux qui produisent, ceux qui deviennent des vedettes, les organisateurs de tournées, les spectateurs qui paient les tickets d’entrée aux concerts, tout le monde gagne. Vous rendez les gens heureux, les artistes aussi gagnent bien avec vous et grâce à vos initiatives. Donc, je ne pouvais pas abandonner parce que les artistes et les managers comptent beaucoup sur mon agence ici aux Etats-Unis. Et puis, il y a surtout la confiance qui existe entre nous. Cette crédibilité-là, j’ai le devoir de la garder. Quand les gens ont confiance en vous et que vous êtes une source intarissable de bonheur pour eux, vous ne pouvez pas les abandonner en laissant tomber ce qui vous unit. C’est tout cela qui m’encourage encore à organiser des spectacles. Je me rappelle du conseil qu’aimait à me donner feue ma grand-mère : ‘‘fais toujours du bien quand tu peux et ne t’attends jamais à ce qu’on récompense, car seule la récompense de Dieu est la meilleure’’.
Et vous avez maintenant une compétence internationale. Vous avez été élu meilleur manager de spectacle africain, deux fois sacré meilleur manager africain à San Francisco. N’est-ce pas ce qui fait de vous le concepteur et l’organisateur principal d’un des plus grands festivals africains dans cette localité ?
Oui, à travers Globisine international Product, j’ai effectivement été honoré à plusieurs reprises ici aux Etats-Unis. Je m’en tiens à ce que vous venez de citer et je dédie tout cela à notre pays. Quand j’ai reçu cet honneur à la Mairie de San Francisco, j’ai encore dédié cela à la Guinée.
Vous êtes aussi un mécène qui accorde une place considérable à ses amis, ses relations et vous dirigez d’ailleurs une fondation qui porte votre nom. C’est bien cela ?
Oui, c’est bien cela! C’est la Fondation Globisine for humanity ! Dale Carnegie, l’écrivain et conférencier américain qui a proposé une méthode de développement personnel, nous apprend que pour vivre heureux, il faut avoir l’art de se faire des amis. Moi, je suis ses conseils. J’ai évolué grâce à mes amis et les relations que je tisse et entretiens depuis la Guinée. Ils sont nombreux dans le domaine de la culture et du sport. Ils sont encore plus nombreux dans les domaines économiques, financiers et sociaux tant ici aux Etats-Unis que chez nous en Guinée. Et moi, vous me connaissez depuis des décennies, j’ai foi en l’amitié sincère et j’ai une considération pour la fraternité humaine. Je crois que l’homme a beaucoup à gagner en ouvrant son cœur et en comblant de joie les cœurs des autres. C’est la Fondation Globisine for humanity qui a d’ailleurs pris en charge les frais liés aux soins de santé du célèbre artiste Yaya Bangoura en Californie.
Vous envoyez régulièrement des dons à destination des personnes les plus défavorisées. Comment faites-vous pour réussir cette chaine de solidarité chaque année ?
C’est vrai. Merci pour cette question qui m’emmène à vous rappeler que tout jeune organisateur de spectacles en Guinée, je faisais cela et de manière plus ou moins discrète. J’accordais des places aux moins nantis dans des concerts aux tickets très chers. Quand j’ai été aux Etats-Unis, j’ai donc pensé à ces jeunes des quartiers défavorisés de mon pays. Puisque je ne pouvais plus leur accorder des places assises dans mes concerts, alors je me suis engagé à réunir un montant chaque année pour les aider sur place. Cela peut être en espèces pour payer les frais de scolarité, ou aider à approvisionner les champs en plants, à accorder des dons aux organisations des femmes ou carrément en nature. C’est ainsi qu’on achète souvent du matériel pour les écoles qui en ont besoin. Vous savez, je viens d’une famille très religieuse du Moriah. Jusqu’à présent, ce sont les Fofana qui dirigent la prière. Moi, mes deux grands pères sont tous inhumés au caveau de la plus grande mosquée de Forécariah. Donc, dans mon éducation, il m’a été enseigné que si vous aimez Dieu, il faut aussi aimer les créatures de Dieu.
Merci, Globisine pour cette interview exclusive. Mais avant de terminer, dites-nous un mot sur la Yapologie.
C’est moi qui vous remercie et j’espère vous revoir bientôt. Ah, oui, le yeap yap a pris une grande ampleur ici et même au pays. Ce n’est pas la Sapologie des congolais, mais la yapologie guinéoaméricaine. C’est un ensemble de règles de comportement et de conduite en société considérées comme impératives. L’objet de son enseignement et de sa pratique yapologique est de développer chez la personnalité, la respectabilité, le sens de la dignité, du devoir et de l’humanisme.
Réalisée par Diallo Alpha Abdoulaye
Avec LE POPULAIRE