Trois annonces fortes avaient marqué son arrivée à la primature : une lutte sans merci contre la corruption, la relance du dialogue social et la reprise économique avec un taux de croissance à deux chiffres. Mais ces cent premiers jours ont démontré plus sur la fatuité des méthodes Don Kass que sur l’intégrité et le souci d’être « proche du peuple ».
Personne n’attendait en Kassory Fofana un messie. Peut-être moins du fait qu’il n’aura pas laissé de traces indélébiles lors de son premier passage au gouvernement, que parce qu’un peuple aussi désabusé que le nôtre, face aux pantalonnades de ses élites indifférentes sinon complices d’une clepto-gouvernance, préfère ne plus croire aux miracles. Oui, cela aurait relevé du miracle si Don Kass avait fait autrement, lui le produit d’un système qui nous met à genoux depuis plus de trois décennies, et désormais garant de celui-ci malgré des simagrées politico-médiatiques dont il semble maîtriser si bien les ficelles.
Le 27 juin dernier, devant la représentation nationale, le tout nouveau promu n’avait pas hésité à quantifier la corruption à 600 milliards de francs des plus glissants, sans toutefois citer les sources d’une telle évaluation. Cette plate révélation n’avait amusé que les gogos, puisqu’elle était tout simplement en deçà d’une réalité beaucoup plus préoccupante, et constituait déjà sa première faute politique alors même que le discours officiel de son tout nouveau patron été jusque-là, de dire que les efforts dans la lutte contre les prévarications avaient permis de juguler la saignée. La nature cosmétique de ces déclarations n’a d’ailleurs pas mis longtemps à être mise à l’épreuve, avec la condamnation de sa ministre de l’agriculture dans une sordide affaire de corruption dans laquelle lui-même est cité par la justice belge. Non seulement Dame Mariama Camara a été maintenue à son poste, mais aucune explication officielle n’a été donnée à la population dont le chef de l’Etat rêve pourtant de reconquérir la confiance, surtout dans l’optique d’une autre odyssée. Mais cela est une autre histoire n’est-ce pas ?
Dans tous les cas, l’éviction de deux cadres de l’administration publique suivie de leur traduction en justice, en dit plus long sur les guerres intestines et règlements de compte qui minent le régime que sur une volonté réelle d’en finir avec la confusion des deniers publics aux biens laissés par n’importe quel laboureur à ses enfants. Le pharisaïsme de la pseudo nouvelle méthode devant tous exposé au cours de la crise sociale récente n’aura curieusement choqué que les prélats, puisqu’après la diffusion d’enregistrements audio qui révèlent comment Don Kass glisse nuitamment des billets de banque, que dis-je de sa banque, à des gamins déjantés aucun juge du pays n’aura osé broncher. Mais c’est cela le Kassorisme !
Parlons de cette crise sociale née de l’augmentation cavalière du prix du carburant à la pompe, sans aucune consultation des partenaires sociaux. Elle aura démenti assez rapidement la volonté du président d’avoir un gouvernement proche du peuple. Rarement une gouvernance aura atteint un tel niveau d’arrogance et de mépris pour la population qu’elle administre. Si dans un premier temps Ibrahima Kassory Fofana avait réussi à ramener syndicats et politiques autour de la table, on s’est vite aperçu que celle-ci était d’avantage une table de poker où bluffs et entourloupes se chevauchent, plutôt que celle d’un dialogue où l’intérêt national est la donnée première. Mais à la décharge du premier ministre, l’échec des discussions avec les syndicats et la nouvelle crise avec les politiques est bien plus dû aux appétits rapaces des négociateurs en face, qu’à un quelconque talent de persuasion du gouvernement. Et le grand perdant reste le bas peuple, que le nouveau parrain-danseur de la Mamaya nationale confond aux militants. C’est cela aussi le Kassorisme.
Si dans un tel climat le gouvernement espère encore naïvement obtenir une croissance à deux chiffres à la fin de l’année, c’est qu’il compte plus sur ses pouvoirs de prestidigitateurs que sur les principes de la science économique qui place les ménages, donc le peuple, au cœur de la consommation. Ce nouveau pouvoir magique qui permet d’assainir Conakry sans plan ni stratégie, de rendre suffisants 20 bus turcs recyclés et un train déglingué pour une population de trois millions d’individus, et surtout de rétrocéder le port autonome de Conakry à notre pays. Nous ignorons cependant le savoir-faire kassoriste à ce niveau.
Mais de la prestidigitation nous parlerons dans un autre numéro, quand notre master se transfigurera en doctorat d’Etat sans une seule publication scientifique à notre actif. Bonne rentrée à tous !