Référendum du 28 Septembre: Que proposait la France ?
Transcription
Journaliste
Lucien Reloux, vous connaissez bien le continent noir. Je voudrais vous demander de nous dire, maintenant, quelle est la situation des territoires d’outre-mer après l’approbation massive de la Constitution ?
Lucien Reloux
En effet, l’un des problèmes essentiels qui se posaient aux territoires d’Afrique, c’était la création de cette communauté, cette communauté franco-africaine, dont on a beaucoup parlé, et qui est, maintenant, une réalité. On peut sérier les questions. Tout d’abord, l’Afrique équatoriale française, et ensuite l’Afrique occidentale française. En ce qui concerne l’Afrique équatoriale, il n’y avait pas de problèmes majeurs. Il y avait sans doute quelques difficultés locales, mais des difficultés qui ont été apaisées lors du passage du général de Gaulle à Brazzaville, lorsque le général de Gaulle a prononcé son discours au stade Eboué. Donc, à partir de cet instant, l’Afrique équatoriale française était ralliée aux vues de la Communauté. Nous verrons tout à l’heure, justement, quelles sont les possibilités qui s’offrent maintenant aux quatre territoires de l’AEF (c’est-à-dire le Moyen Congo, le Gabon, l’Oubangui-Chari et le Tchad). En ce qui concerne l’Afrique occidentale, la situation était beaucoup plus complexe. Beaucoup plus complexe d’abord parce qu’il y a huit territoires, que ces territoires sont extrêmement divers, extrêmement variés, parce qu’il y a aussi des personnalités politiques sans doute plus engagées, et qu’il y avait, non seulement des rivalités de territoires, mais aussi des rivalités de personnes et des rivalités de partis. Or, vous le savez – vous avez connu, maintenant, les résultats – vous savez que seul un territoire d’AOF, la Guinée, a voté non. Et par conséquent, a fait sécession, ainsi que le général de Gaulle l’avait exposé, fort clairement, au cours de son voyage en Afrique équatoriale et en Afrique occidentale. Donc, la Guinée, elle, a voté non.
Pourquoi ?
Eh bien, le leader de Guinée, c’est monsieur Sékou Touré. Monsieur Sékou Touré appartient au Rassemblement démocratique africain. C’était un lieutenant de monsieur Houphouët-Boigny. Mais lorsqu’il s’est agi de se prononcer sur la Communauté, eh bien, tandis que monsieur Houphouët-Boigny maintenait son point de vue sur la Communauté franco-africaine, c’est-à-dire, n’est-ce pas, union absolument sincère, entre la Métropole et les territoires d’Afrique, mais sur un plan tout à fait différent, eh bien, pour la Guinée, on demandait l’indépendance pure et simple. Et, en fait – vous vous souvenez probablement des images que vous avez vues, des images que vous avez vues de Conakry, que la télévision a présentées – eh bien, il semble bien que l’on n’ait pas compris ou que l’on n’ait pas voulu comprendre ce qui avait été dit, aussi bien à Tananarive qu’à Brazzaville, puis, ensuite, dans les autres territoires. En effet, la Guinée avait la possibilité de devenir indépendante puisque c’est prévu par les règles de la Communauté. Il est facile d’entrer dans la Communauté. Il suffisait de voter oui au référendum. Il est également facile d’en sortir, puisqu’il est prévu – cela a été dit par le général de Gaulle – Il est facile d’en sortir, les territoires n’auront qu’à, à ce moment-là, en faire la demande à la Communauté et à en déterminer les formalités.
Journaliste
Quels sont les choix qui s’offrent maintenant aux différents territoires ?
Lucien Reloux
Les choix qui s’offrent. D’abord, ces choix, il appartiendra aux assemblées locales, aux assemblées qui sont élues au suffrage universel, il leur appartiendra de se prononcer. Donc, elles ont la possibilité d’opter pour un certain nombre de positions très différentes les unes des autres. La première, évidemment, c’était la sécession. Un seul territoire l’a adoptée, c’est la Guinée. Pour les autres, que ce soit en AEF ou en AOF, les possibilités qui s’offrent sont la départementalisation, c’est-à-dire devenir un département exactement comme la Seine-Maritime ou les Bouches-du-Rhône. C’est le cas actuellement des départements des Antilles. Mais d’autre part, il y a une seconde option : c’est le statut de territoire, tel qu’il existe actuellement. C’est-à-dire un territoire de la République. Enfin, il y a la possibilité d’être un Etat à l’intérieur de la Communauté. C’est-à-dire un Etat qui gère toutes ses propres affaires, mais qu’il fait délégation à la Communauté, ainsi d’ailleurs que le fait la Métropole, de plusieurs attributions. Par exemple, les affaires étrangères qui sont gérées en commun, la défense nationale, la monnaie, les affaires économiques. Enfin bref, les grands problèmes qui intéressent les grands ensembles. Voilà, je crois, les choses essentielles.
Journaliste
Merci Lucien Reloux.