Retour sur cinq albums qui ont fait un malheur au Nigéria dans les années 80.
Christy Essien Igbokwe
Ever Liked My Person?
Lagos International Records (1981)
Produit par Lemmy Jackson, Ever Liked My Person? est le sixième album de la diva nigériane. Cet album, dont les titres sont chantés en plusieurs langues recelait un tube, Seun Rere, qu’on entendit dans toutes les maisons et toutes les radios des années 80 jusqu’à la fin de la décennie suivante. Christy fut révélée pour la première fois en 1976 au cours d’une émission de télé satirique baptisée The New Masquerade (la Nouvelle Maescarade) sur la chaine NTA TV. Un an plus tard, elle n’avait que 17 ans, sa carrière était lancée. Ever Liked My Person? en fut l’un des sommets.
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Fela Kuti
Beast of No Nation
Kalakuta Records (1989)
Outre qu’il brille par son titre, Beast of No Nation (Monstre Apatride) est la première chanson que Fela fit paraître après avoir purgé deux ans en prison sur les cinq dont il avait écopé. Le titre est, après Teacher don’t teach me nonsense, le second produit par Wally Badaru. Une chanson qui signe le retour rageur d’Egypt 80 dans l’arène politique. « Qui est prêt à s’unir pour les Nations Unies ? » demande Fela qui voyait en l’ONU une organisation malade, une « union des nations désunies ».
Beast of No Nation est sans doute le disque le plus politique que Fela signe après la période Africa’70. Après voir joué près d’une décennie avec Egypt 80, ses mélodies sont plus affutées que jamais et ouvrent sur un son différent tout en conservant l’ampleur de sa formation d’antan. Sur la pochette de Beast of no Nation, Margaret Thatcher, Ronald Reagan et Mikhail Gorbachev sont représentés en diables. Du Fela tout craché !
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King Sunny Ade
Juju Music
Mango Records (1982)
Juju Music est l’album qui a fait de Sunny Ade le « King » Sunny Ade. Il faut dire que cette année 1982 fut déterminante pour la reconnaissance internationale de l’afropop et de la musique juju du Nigeria (la juju music est un style populaire inspiré des rythmes traditionnels yorouba). L’album Juju Music pointa à la 111ème place du classement des albums pop établi par le magazine américain Billboard, et le New York Times le décrivit alors comme l’album le plus original de l’année. Un peu plus tard, dans les années 90, le journal en parlerait comme le détonateur de l’explosion de la World aux États-Unis.
Avant de sortir ce disque, Sunny Ade avait tourné aux États-Unis et en Europe et son jeu de scène comme ses pas de dance revigorants lui avaient donné l’ascendant sur son rival en matière de juju, Ebenezer Obey (qui lui se disait « Chief »). À l’international en tout cas, c’était bien Sunny le roi du juju et son album suivant, Syncro System, fut sélectionné aux Grammy Awards. Mais Juju Music avait donné l’impulsion : Syncro System n’avait plus qu’à surfer sur la vague.
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Shina Peters & His International Stars
Ace (Afro-Juju Series 1)
CBS Records (1989)
Ace (Afro-Juju Series 1) est l’un des inoubliables doubles disques de platine (600.000 exemplaires) au Nigeria. Publié chez CBS et produit par Laolu Akins, Ace fit un tabac en fusionnant les sons dominants de cette époque. Afrobeat, Juju et des rythmes Fuji venus du Nord se retrouvèrent mêlés dans ce cocktail orchestré par Sir Shina Peters (SSP) et son band, les International Stars.
Le tube de l’album, Afro Juju régna sur les pistes de dance et dans les fêtes et cérémonies jusqu’à la fin des années 90. Avec son savant mélange de percussions, de guitares, de sax et de claviers, Ace (Afro-Juju Series 1) est le premier album de Shina Peters avec cette formation, et demeure certainement son meilleur. D’ailleurs, en plus d’être double disque de platine, Shina fut adoubé « artiste de l’année » et Ace récompensé comme l’ « album de l’année » aux Nigerian Music Awards, les grands prix de la musique au Nigeria.
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Majek Fashek
Prisoner Of Conscience
Tabansi Records (1989)
Peu après avoir quitté le groupe Jastix en 1988, Majek Fashek démarrait sa carrière solo en signant avec le label Tabansi Record pour cet album désormais fameux, Prisoner of conscience (prisonnier de conscience), paru en 1989. Issue de l’album, la chanson « Send Down the Rain« (littéralement « envoyez la pluie »), un reggae inspiré par un épisode de sécheresse, fit un carton et devint certainement la chanson la plus populaire de l’année. Ce premier album fut un coup de maître, vendu à 200.000 exemplaires pour le seul Nigeria, et reçut une flopée de prix.
Marek Fashek embraya sur une tournée africaine et joua un peu partout les chansons de Prisoner Of Conscience, faisant oublier Ziggy pour se poser en véritable successeur de Bob Marley. Le label Tabansi Recods fut dépassé par le succès et, battant le fer tant qu’il était chaud – sans doute un peu trop vite- Fashek enregistra dans la foulée (la même année) un nouvel album, I&I Experience, mais le succès ne fut pas à la hauteur du précédent. Au demeurant, aucun des disques ultérieurs du reggaeman ne connut le succès de son tout premier. Sa chanson « Send Down the Rain », par contre, perdura, au point d’être reprise en 2013 par Timi Dakolo. Après une polémique, Marek Fashek accusant son cadet de lui avoir volé la chanson, les choses semblaient s’être tassées puisqu’en 2016 ils se retrouvaient sur scène pour la chanter ensemble.
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