L’ancien Premier ministre et président du PEDN s’exprime sur la candidature annoncée du capitaine Dadis, l’invitation du chef de l’État au chef de file de l’opposition, le départ de Soriba Sylla, son ancien candidat à l’uninominale de Kaloum pour le RPG, l’impasse politique…Autant de sujets qui alimentent aujourd’hui l’actualité politique nationale. Lisez !
Que pensez-vous de la candidature de l’ex-chef de la junte, le capitaine Dadis, rendue publique le 11 mai dernier ?
Lansana Kouyaté : Le capitaine Dadis a dirigé la junte pendant une période transitoire qui a été assez mouvementée. Bien sûr, il y a eu les évènements du stade de 28 septembre. Parce que dès qu’on pose la question sur sa candidature, on pense à cela bien sûr. Mais il y a la présomption d’innocence jusqu’à ce que la culpabilité soit prouvée. Est-ce qu’il y a eu un mandat quelconque de mise en accusation lancée contre lui, à ma connaissance, non. Peut-être que ça été fait, moi, je ne le sais pas. Toujours est-il qu’il n’a pas été jugé. Je crois qu’il s’agit d’un travail qui revient à la justice et non à une autre personne. Et dès lors qu’il n’est pas jugé, en tant que citoyen, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas candidat. Il peut l’être comme pour n’importe qui pourvu qu’il soit conforme aux conditions qui sont fixées par la loi.
Le chef de l’État vient d’inviter le chef de file de l’opposition à une concertation en vue d’une sortie de crise. Qu’est-ce que cette initiative présidentielle vous inspire ?
Lansana Kouyaté : Pour être sincère avec vous, j’avoue que je n’ai pas été informé de l’invitation, ni d’un côté ni de l’autre. Je crois que le jugement le plus important là-dessus, c’est celui du président de l’UFDG. C’est lui qui doit juger s’il faut le rencontrer ou pas. Moi, je n’ai pas à me substituer à lui.
D’après certaines informations relayées par la presse, votre retour serait probablement pour le courant de cette semaine précisément, apprend-on, le 15 mai. Est-ce que vous confirmez cette information ?
Lansana Kouyaté : Non, je ne la confirme pas. Parce qu’aucune date n’est arrêtée. Je ne sais pas d’où est venue cette information. Vous savez en Guinée maintenant, ce n’est pas pour jeter un discrédit sur la presse, certains lancent des ballons d’essai de ce genre. Et à cause de cela, j’ai reçu tellement d’appels… Quand je dois venir, les militants de mon parti et mon bureau exécutif le sauront et je viendrais conséquemment.
Vu l’impasse dans laquelle se trouve plongé le pays présentement, qu’est-ce que le PEDN préconise pour une sortie de crise?
Lansana Kouyaté : Que le président de la République se mette au dessus de la mêlée et qu’il corrige les erreurs qui ont été commises. D’abord des erreurs de violation de la constitution, qu’il reconnaisse que les élections communales et communautaires doivent se tenir avant les élections présidentielles. Ce n’est pas seulement parce que l’accord du 03 juillet 2013 le dit. Je ne me réfère même pas à cet accord qui n’a pas été respecté du tout. Mais la constitution stipule que les élections municipales doivent se tenir 6 mois après les législatives. Si tel est le cas, c’est la constitution qui a été violée. Ce qui est plus grave que la signature d’un accord signé entre les partis. Je ne sais même pas pourquoi les gens font souvent référence à cet accord pour justifier que les élections communales doivent se tenir avant les présidentielles. Moi, je ne me réfère même pas à cet accord. Parce que c’est un faux débat de dire que c’est dans l’accord ou ce n’est pas dans l’accord, l’accord c’était pour les législatives… Au moins les séquences sont données dans la constitution. Et plus que cela, la Guinée a ratifié le protocole d’accord de la CEDEAO sur la prévention des conflits, la bonne gouvernance etc. J’étais à l’époque à la CEDEAO et c’est moi qui ai initié tout cela. Ce document, la Guinée l’a signé et ratifié. Dans ce protocole, il est dit clairement que les dates fixées par les lois doivent être scrupuleusement respectées en matière électorale. C’est-à-dire que chaque élection doit se tenir à la période indiquée par les lois. En matière de droit, une convention ou un protocole international prévaut même sur la Constitution nationale. Que le président respecte tout cela et qu’il reconnaisse également que l’accord du 03 juillet n’a pas été respecté. Quand vous leur dites, ils disent non, on a tenu des élections, c’était autour des élections législatives. On a tenu ces élections législatives, on le sait dans quelles conditions. C’était dans des conditions calamiteuses. S’il s’agit de dire, on a tenu mais ce n’est pas cela la question. Elles ont été tenues avec quels résultats, dans quel contexte… Là où l’Union Européenne a témoigné qu’aucune des recommandations formulées, n’a été respectée, là où des Sous-préfets sont partis prendre des PV, là où des ministres faisaient irruption dans les salles… Je ne parle pas d’ailleurs du PEDN, je parle de l’ensemble. Je suis absolument certain que le peuple a donné la majorité de son Assemblée à l’opposition.
Que dites vous du départ de votre ancien candidat uninominal de Kaloum pour le RPG-AEC ?
Lansana Kouyaté : Ce n’est pas du tout un évènement. Ce candidat… Ce sont des gens qui s’abritent derrière des circonstances saisonnières. Il a dit lui-même qu’il est parti là-bas parce que KPC lui aurait donné une victoire et de l’argent. Pensez-vous que cela est un esprit de militant? Chaque fois que cela arrivait à l’opposant qui est devenu président après, il disait que c’est une symphonie inachevée… Dieu, dégage de ma voie quelqu’un qui m’aurait causé plus de problèmes plus tard. Et demandez au PEDN, ce monsieur n’a absolument rien apporté sinon qu’à faire des gesticulations. D’ailleurs comme je le dis, qui gesticule trop, il faut s’en méfier. J’aime des gens raisonnés qui ne tombent pas dans le vice de forme mais qui sont militants de conviction. Le départ de ce monsieur…, je ne veux même pas le commenter. Parce que ce sont des gens qui ne savent même ce que c’est qu’un parti. Sinon, il aurait pris la peine d’écrire au parti pour l’informer qu’il quittait. C’est la moindre des choses. Les gens se comportent comme des esclaves, alors qu’ils sont libres. On est libre d’adhérer à un parti tout comme on est libre de le quitter. Au moment où il est parti, combien d’adhésions nous avons reçues à Kankan, Siguiri et même en Forêt, des gens qui partent du RPG AEC. Ce sont des transhumances croisées. Quiconque quitte un parti d’opposition pour aller vers le pouvoir, celui-ci n’a pas raison de te faire confiance. C’est quand tu quittes le parti au pouvoir pour venir vers l’opposition, celle-ci doit te faire confiance.
Entretien téléphonique réalisé par Camara Moro Amara en collaboration avec Christophe Tokpanan Doré