Paul Goa Zoumanigui est le nouvel ambassadeur de Guinée en Espagne et à Malte. De passage à Madrid, nous l’avons rencontré. Volontiers, M. Zoumanigui, homme pétri de talent et d’expérience, s’est prêté à nos questions. La 39è édition de la Feria de Madrid, l’Investour, la participation guinéenne, ses priorités dans l’exercice de ses fonctions, la migration de ses compatriotes, la vie des Guinéens en Espagne et à Malte, la coopération entre la Guinée et le Royaume d’Espagne, son passage à Londres, tout a été abordé par le diplomate. Sans langue de bois…
Mediaguinee : Merci de l’attention que vous avez bien voulu accorder à la délégation guinéenne au cours de son séjour à Madrid, à l’occasion de la 39ème édition de la Foire Internationale du Tourisme de Madrid (FITUR) et de la 10ème édition du Forum Touristique sur les Investissements et les Opportunités d’Affaires en Afrique (INVESTOUR). Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur ces rencontres et particulièrement sur la participation de la Guinée à ces événements ?
Je voudrais, avant toute chose, vous dire que ça a été un plaisir de travailler avec la délégation guinéenne. La FITUR, organisée chaque année depuis 39 ans, est une occasion de rencontre mondiale des professionnels du secteur du Tourisme et de promotion de leurs potentiels touristiques. C’est une plate-forme qui présente les offres du secteur aussi bien à l’échelon national qu’international. Chaque participant saisit cette opportunité pour valoriser le potentiel touristique de son pays en présentant les offres des opérateurs locaux, en établissant des contacts susceptibles de générer de futures opportunités d’affaires et en organisant des rencontres entre institutions et professionnels du secteur. Les expositions dans les stands et les rencontres entre différents promoteurs touristiques officiels et privés ont permis de noter la volonté et l’engagement des participants d’œuvrer à la promotion du secteur touristique.
L’INVESTOUR, organisé chaque année depuis 10 ans à l’occasion de la FITUR, a pour objectif de promouvoir le tourisme durable en Afrique. Je pense que l’édition de cette année a été une occasion pour les participants, encore une fois, d’échanger substantiellement sur les possibilités d’investissements et d’affaires en Afrique. Ce qui participe de l’objectif d’offrir de nouvelles opportunités commerciales et de coopération pour le développement du tourisme en Afrique, à travers des rencontres entre entreprises et professionnels du secteur du tourisme.
La participation de la Guinée au niveau ministériel, sous la conduite de Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de l’Hôtellerie, du Tourisme et de l’Artisanat, accompagné de hauts cadres de son département, a été un motif de satisfaction pour les organisateurs, notamment le Secrétariat général de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT). Le stand de la Guinée, installé par la direction de l’Office National du Tourisme et les objets qui y étaient exposés, ont permis de donner une visibilité à la »Destination Guinée ». La présence continue de la FEPATOUR, la participation de la direction de l’Artisanat et d’autres acteurs guinéens du secteur du Tourisme et autres secteurs concourant à la promotion de la Guinée dans le domaine touristique ont été des motifs non seulement de satisfaction, mais également d’encouragement. Je fonde l’espoir que les contacts pris et les expériences acquises contribueront à une meilleure participation de notre pays aux éditions futures.
Mediaguinee : Que peut-on attendre de la participation de notre pays à ces événements et des bénéfices qu’il peut en tirer ?
C’est la première fois que je participe à la FITUR et à l’INVESTOUR. De ce point de vue, il me sera difficile de donner un avis comparatif sur la participation de notre pays aux précédentes éditions. Toutefois, je peux dire, sans risque de me tromper, que la participation d’un pays à un événement et les bénéfices à tirer de cette participation procèdent des objectifs qu’on se fixe et, en conséquence, de la méthode de travail mise en place pour atteindre l’objectif. Par la suite, il convient de procéder à une évaluation périodique pour s’assurer qu’on est toujours dans la bonne direction.
Je fonde l’espoir que les leçons tirées de la participation de la FEPATOUR aux éditions précédentes, de la participation de la délégation gouvernementale aux éditions présentes (39ème FITUR et 10ème édition INVESTOUR), des contacts pris et des expériences acquises permettront, sans nul doute, de mieux préparer la participation de notre pays aux éditions futures.
Mediaguinee : Vous êtes Ambassadeur de la République de Guinée au Royaume d’Espagne et à Malte et, à ce titre, vous avez pris fonction il y a un an. Quels sont les axes et les priorités que vous vous fixez dans le cadre de l’exercice de vos fonctions ?
Je suis officiellement en fonction en Espagne, depuis la présentation de mes Lettres de Créance à Sa Majesté le Roi Philippe VI, le 05 avril 2018. A Malte, je n’ai pas encore présenté mes Lettres de créance. Ce sera pour bientôt.
Outre les fonctions classiques d’un Ambassadeur telles que mentionnées dans la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, les objectifs que je me suis fixés sont de trois ordres. D’abord, évaluer la structure et le fonctionnement de l’Ambassade afin, si nécessaire, de prendre les mesures correctives pour un meilleur fonctionnement de la mission. Deuxièmement, évaluer le niveau de la coopération avec les partenaires officiels et privés dans les deux pays qui relèvent de la juridiction de l’Ambassade pour apporter la contribution indispensable au raffermissement des relations de coopération avec ces partenaires. Troisièmement, renforcer la coopération avec les ressortissants guinéens dans les deux pays.
En ce qui concerne l’évaluation de la structure et du fonctionnement de l’ambassade, un travail est déjà fait et la coordination se poursuit avec le département central pour des dispositions à prendre face aux propositions faites. Sur un autre plan, nous avons deux Consulats honoraires dont un à Barcelone et l’autre à Las Palmas. L’Espagne comprenant 17 communautés autonomes, je me propose de visiter ces communes afin de prendre contact avec nos compatriotes et échanger avec les autorités de ces circonscriptions. Je me propose également d’avoir une réunion de travail avec les consuls honoraires. Ce qui nous permettra d’avoir une compréhension d’ensemble du développement de la situation dans les deux pays et de prendre les dispositions qui s’imposent pour une meilleure coopération avec nos compatriotes.
A Malte, je m’y rendrai prochainement pour présenter mes Lettres de créance et, à l’occasion, je prendrai contact avec les partenaires de ce pays pour échanger sur les questions d’intérêt pour nos deux pays. Il en sera de même pour nos compatriotes y résidant.
En outre, plusieurs organisations intergouvernementales ont leurs sièges respectifs en Espagne dont, entre autres, l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), la Commission Internationale pour la Conservation du thon Atlantique (CICTA). D’autres comme l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) sont également représentées en Espagne. J’ai déjà eu un entretien avec le Secrétaire général de l’OMT et une séance de travail avec la direction Afrique de l’Organisation. Les conclusions sont encourageantes. Il n’y a qu’à résoudre quelques procédures et la coopération ira crescendo. J’ai également eu un échange avec le Secrétaire exécutif de la CICTA. Je vais continuer les contacts avec les représentants des autres institutions.
Mediaguinee : L’Espagne est un pays de destination dans le cadre de la migration. Quels sont vos constats, notamment en ce qui concerne la migration des Guinéens et quelles actions concrètes l’Ambassade prend-elle, à cet égard ?
En ce moment, il est difficile de faire une évaluation claire de la situation des migrants guinéens en Espagne. L’Espagne peut être considérée comme un pays de transit mais également comme un pays de destination, en ce sens que certains migrants, une fois sur place, cherchent à s’y établir et d’autres préfèrent continuer leur route pour un autre pays.
La majorité des migrants qui se réclament Guinéens ne se présentent pas à l’Ambassade par crainte d’être identifiés et, éventuellement, rapatriés au cas où cela est requis par les autorités espagnoles, conformément aux clauses du Mémorandum signé entre l’Espagne et la Guinée en 2006. Ce n’est que quand certains ont fait les premiers pas dans la régularisation de leur situation qu’ils peuvent arriver à l’Ambassade pour demander des documents consulaires.
Dans tous les cas, nous œuvrons à faciliter les services à nos compatriotes, y compris les migrants et nous assistons également ceux qui, volontairement, veulent retourner au pays.
Mediaguinee : Beaucoup de Guinéens résideraient en Espagne, quelles sont les relations entre l’Ambassade et la communauté guinéenne en Espagne ?
Aujourd’hui, il est difficile de vous dire avec exactitude le nombre de Guinéens vivant en Espagne. Pour corriger cela, nous travaillons actuellement à la mise en place d’une banque de données et constituer une mémoire institutionnelle. Nous avons des indications que plusieurs Guinéens résident en Espagne et certains parmi eux bénéficient de la nationalité espagnole. Ceux-ci perdent immédiatement leur nationalité guinéenne, étant donné que les autorités espagnoles ne leur donnent pas la possibilité de garder leur nationalité d’origine, comparativement aux ressortissants d’autres pays qui peuvent garder leur nationalité d’origine et celle de l’Espagne.
A ma prise de fonctions, nous avons eu une réunion avec les représentants des ressortissants guinéens en Espagne, le 03 mars 2018. L’occasion a été mise à profit pour échanger sur les questions d’intérêt, notamment les possibilités d’une meilleure intégration de nos compatriotes dans le pays hôte, une bonne coopération avec l’ambassade et une contribution au développement de notre pays. Pour ce faire, l’importance de l’union de tous les Guinéens vivant en Espagne avait été soulignée. La mise en place du Haut Conseil des Guinéens de l’Espagne avait été également soulignée. Toutes choses qui faciliteraient la cohésion sociale, l’unité et le bonheur de nos compatriotes.
Les doléances soumises par nos compatriotes à l’Ambassade portaient, entre autres, sur la mise à disposition des passeports biométriques, l’assistance des autorités guinéennes compétentes pour la diligence dans le traitement des dossiers des Guinéens à l’Ambassade d’Espagne à Conakry. Nous avons pris les dispositions nécessaires pour informer les autorités compétentes de ces questions.
Mediaguinee : Quelle appréciation faites-vous de la coopération entre la Guinée et les pays relevant de votre juridiction, particulièrement le Royaume d’Espagne ?
Je n’ai pas encore présenté mes Lettres de créance à l’Autorité à Malte. Une fois que cela sera fait, j’entreprendrai des actions auprès des différents partenaires de ce pays et je pourrais vous en dire mieux, en temps opportun. En ce qui concerne l’Espagne et comme je vous l’ai dit plus haut, la volonté de renforcer la coopération entre les deux pays est manifeste de la part des autorités et des privés des deux pays. Mes entretiens au plus haut niveau, notamment avec Sa Majesté le Roi Philippe VI a été une occasion d’être rassuré de cela. Il a salué les progrès réalisés dans notre pays sous le leadership de Son Excellence le Professeur Alpha Condé et apprécié ses actions au moment de sa présidence de l’Union africaine. Il a reconnu les potentialités dont regorge notre pays et souhaité que la coopération soit renforcée au bénéfice des deux pays.
Avec les autres officiels du pays, les contacts sont établis et plusieurs visites de personnalités sont envisagées en Guinée au cours de cette année dont, entre autres, celle du Ministre de l’Intérieur. Des visites de personnalités guinéennes sont également envisagées en Espagne, toutes choses qui contribueront au renforcement des relations de coopération entre nos deux pays.
Mon collègue, l’Ambassadeur d’Espagne en Guinée, et moi-même sommes en contact, échangeons sur les questions d’intérêt et travaillons en synergie pour atteindre les objectifs que nous ont assignés nos autorités respectives. Je puis vous dire que l’optimisme est permis pour atteindre de bons résultats.
Mediaguinee : Votre poste précédent était le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Vous couvriez également la République d’Irlande et l’Islande. Est-ce que vous notez une différence fondamentale dans l’exercice de vos fonctions dans ces pays et, ici, en Espagne ?
De façon classique et par principe, les fonctions d’une mission diplomatique sont définies dans l’article 3 de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques. Mais les particularités peuvent découler des réalités politiques, économiques et socioculturelles de chaque pays ainsi que des instructions particulières reçues de son Autorité ou des relations particulières de coopération entre les pays. Dans tous les cas, les autorités des pays où j’ai exercé mes fonctions, de même que ceux de notre
pays ont toujours été animées de la volonté de renforcer leurs relations de coopération. Il en de même avec les autorités des pays où j’exerce mes fonctions actuellement.
Au Royaume-Uni de Grande-Bretagne, je pense que les contacts établis aux niveaux officiel et privé ont permis d’aboutir à de bons résultats. En témoignent les missions en Guinée du Ministre des Affaires africaines, de l’envoyé spécial du Premier Ministre pour le Commerce avec le Ghana et avec la Guinée ainsi que de la présence d’investisseurs et de compagnies britanniques, notamment dans le domaine des mines.
Ici en Espagne, les autorités encouragent les hommes d’affaires et les investisseurs de leur pays à faire de l’Afrique, une destination privilégiée. Malgré les a priori, il est à noter qu’il y a un enthousiasme de la part de ces investisseurs et hommes d’affaires d’être présents en Afrique. Chaque représentant africain déploie des efforts pour favoriser les investissements dans son pays. En ce qui nous concerne, des contacts sont établis et, outre les entreprises et hommes d’affaires espagnols déjà établis en Guinée, d’autres sont intéressés à y aller. Nous œuvrons à leur fournir des informations requises, à leur faciliter les démarches nécessaires et à les encourager. La gestion de l’hôtel Camayenne par un ressortissant espagnol est déjà un motif de satisfaction et d’encouragement pour les autres hommes d’affaires désireux d’investir en Guinée.
Enfin, je dirais que je ne note pas une différence fondamentale dans l’exercice de mes fonctions, mais la nécessité, conformément aux instructions de l’Autorité, d’exercer professionnellement dans l’environnement politique, économique, social et culturel dans les pays d’accréditation.
Mediaguinee : Le Ministre espagnol de l’Intérieur va effectuer une mission en Guinée. Quels sont vos sentiments et votre appréciation de la visite ?
Comme je vous l’ai dit plus tôt, cela procède de la volonté des gouvernements de nos deux pays de renforcer leurs relations de coopération. Mes sentiments sont positifs et j’ai bon espoir que la visite se passera bien. Je ne pourrais pas être présent à Conakry compte tenu du fait que pendant mon absence il n’y aura pas de chargé d’affaires qui pourra exercer. Je souhaite que le premier secrétaire chargé des affaires consulaires et financières soit nommé et déployé rapidement pour prendre fonction. Ce qui me permettra de me déplacer pour de prochaines missions.
Mediaguinee : Votre mot de la fin ?
Je voudrais saisir l’occasion qui m’est offerte pour remercier, encore une fois, Son Excellence le Professeur Alpha Condé, Président de la République, Chef de l’Etat, pour la confiance qu’il m’a renouvelée. Je continuerai d’exercer mes fonctions dans la loyauté pour mériter davantage la confiance et continuer à être utile à notre pays.
Je vous remercie de l’intérêt que vous avez accordé au travail de l’ambassade. Je fonde l’espoir que nous allons garder le contact pour une bonne collaboration entre l’Ambassade et MEDIAGUINEE.
Ce qui vous permettra d’être informé périodiquement de nos activités et, si possible, de bénéficier de vos conseils.
Je souhaite qu’à votre retour que vous preniez contact avec mon homologue, l’Ambassadeur d’Espagne en Guinée, qui pourra, lui aussi, vous dire un mot sur la coopération entre nos deux pays. Je travaille en synergie avec lui pour le renforcement de la coopération entre nos deux pays.
Je vous souhaite un bon retour.
Merci.
Mamadou Savané, de retour d’Espagne