Dans un précédent papier, Le Ministre du Budget, un discret réformateur, j’ai écrit : « Il a, à la différence d’assez de pontes, marché sur les sillons de son prédécesseur mieux, il a tiré des leçons du passé et innové ».
De ce qui se dit et que contrairement à ce que j’ai affirmé dans le papier susmentionné, il aurait emprunté un sentier rocailleux et périlleux de la démolition des réformes posées par son antécesseur. Il n’en est rien de cela.
Pour sortir des certitudes pleines de ceux qui appellent le peuple à juger ; dans cet autre papier j’appelle à plus de curiosité et convie ceux qui veulent faire leur propre opinion à confronter mes dires à ceux des cadres du Ministère du Budget.
Peut-on réussir des réformes ambitieuses en démolissant les substrats posés par d’autres ? Peut-on améliorer ce qu’on a renié ? Pour trouver des réponses irréfutables à ces questions, à travers des arguments irréfragables nous prouverons que l’actuel Ministre du Budget n’a rien démoli comme réforme entreprise par ses antécesseurs et n’a rien nié de leurs efforts qu’il a salués à leur juste valeur. Rappelons, ce qui est un hommage à qui de droit, quelques réformes entreprises avant son avènement au Ministère du Budget :
- Le paiement des impôts, taxes et redevances dus à l’Etat par virement bancaire.
- L’amélioration du mécanisme de remboursement des crédits de la TVA.
- L’encadrement du secteur informel par le développement des centres de gestion agréés (CGA).
Un département aurait-il disparu ? L’effort de sécurisation des recettes se serait-il estompé ?
De la sécurisation des recettes fiscales et la digitalisation des procédures
Le paiement des impôts, taxes et redevances dus à l’Etat se fait par virement bancaire. Les vignettes se paient encore par paiements bancaires et moyens dématérialisés (Orange Money, MoMo, etc.,) et cela a été généralisé et amélioré grâce à la coopération entre le Ministère du Budget, la Direction Nationale du Budget et l’Association des Professionnels de Banque. Dans son allocution à l’Assemblée Nationale, en décembre passé, le Ministre du Budget avait affirmé sa ferme volonté de poursuivre progressivement ces mesures fiscales et de les étendre en 2019 aux contribuables relevant des grandes, moyennes et petites entreprises. S’il avait renié ces réformes, les aurait-il améliorées ? Et, aurait-il affirmé qu’il les poursuivra ?
En cette année, les droits de douane, la contribution foncière unique (CFU) seront payés par le truchement de ces moyens dématérialisés. Dans le même dessein de décloisonner les départements travaillant quasiment sur la même assiette fiscale, de promouvoir la transparence et de sécuriser les recettes fiscales ; une plateforme d’échange automatisée d’informations et de données entre la DNI, la DGD, le Trésor, l’APIP et la BCRG a été mise en place. Par ailleurs, un numéro d’identification fiscale a été instauré. Par l’assainissement du répertoire fiscal en vigueur, un nouveau sera conçu pour faire la part des contribuables actifs et des autres. Ce travail conduira à la désactivation des contribuables inactifs sur fond d’incitation au civisme fiscal. A cette fin, un système de géolocalisation des contribuables immatriculés sera élaboré ; le dessein est de fidéliser les entreprises fiscalement citoyennes.
Si l’effort de sécurisation des recettes s’était estompé, pourquoi a-t-il mis en place une gestion automatisée de l’immatriculation des marchés publics ? Pourquoi, la mise en place et l’opérationnalisation du Conseil de Discipline du Ministère du Budget ? Pourquoi, s’il avait tout renié, l’amélioration de l’encadrement du secteur informel par le développement des centres de gestion agréés (CGA) dont celui de Matam en mars 2018 ? Pourquoi, la mise en place de la liaison informatique entre la DNI et l’APIP afin de faciliter l’immatriculation des nouveaux contribuables ? Pourquoi, l’activation d’une application d’alerte et de notification pour informer les prestataires de l’Etat sur l’évolution de leurs dossiers dans la chaîne de dépense ?
Comme vous voyez, il n’a renoncé à aucun pugilat sérieux. Il n’a démoli aucune réforme sérieuse, il a amélioré, a réformé et a innové.
De la réorganisation et modernisation de la DNI
Il a procédé à un diagnostic stratégique pour refonder l’administration fiscale et la moderniser. Suite à ce diagnostic, interne et externe, impliquant les divers partenaires nationaux et internationaux dont le FMI et l’UE, un nouveau cadre organique a été défini après un benchmarking pour la DNI. La Direction Nationale des Impôts répondra sera réorganisé à l’image des administrations fiscales modernes et les plus performantes à travers le monde.
Dorénavant, les objectifs et missions des différents niveaux décisionnels sont clairs et se voudront négociés. Le pilotage stratégique sera désormais défini par le niveau Corporate, le plus haut de la pyramide décisionnelle. Les divisions définiront les stratégiques dites génériques. Les déploiements tactiques seront définis dans les niveaux opérationnels.
Par ce nouveau cadre organique, un contrat d’objectifs et de moyens sera défini entre le Ministère du Budget et les régies en charge du recouvrement des impôts et taxes. Les régies deviendront plus performantes, les risques seront mieux repartis et puis gérés.
De l’amélioration continue
On ne peut pas aller à l’avenir sans la lumière du passé à comprendre. C’est fort de cette sagesse qu’il a introduit l’évaluation des dépenses fiscales relatives à la période 2016-2018 afin d’apprécier les efforts de réduction des coûts budgétaires (chiffrés à 18 % des recettes en 2017, soit 2, 16 % du PIB, contre 14,52 % des recettes en 2016, soit 2,05 % du PIB) et de moraliser les dépenses publiques. Cela est une autre innovation à son actif.
S’inscrivant dans l’amélioration continue, le taciturne réformateur a promis pour cette année les réformes suivantes :
- Le réajustement du taux de l’impôt minimum forfaitaire des services et entreprises relevant d’un régime réel normal,
- La modification de la clé de la répartition de la contribution foncière unique,
- L’intégration des produits de ventes de marchandises cotées dans le calcul du résultat imposable des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés,
- La clarification des conditions de déductibilité des charges dans la détermination des bénéfices imposables,
- La limitation des charges d’intérêt des entreprises liées,
- L’amélioration des traitements des prix de transferts,
- Le développement d’une application pour promouvoir la transparence et la célérité dans le traitement des dossiers de remboursement des crédits de la TVA,
- La poursuite de l’amélioration de l’encadrement du secteur informel par la mise en place à Conakry et dans d’autres localités des centres de gestion agréés(CGA),
- L’opérationnalisation du guichet unique du commerce à travers l’instauration des ponts de bascule à Kourémalé et à Pamalap grâce au dispositif des services de la douane afin de procéder aux mesurages du tonnage de tout camion entrant dans le territoire guinéen.
C’est cela la gouvernance vertueuse : communiquer sur ce que l’on a fait, annoncé ce qui sera fait et puis s’employer à le réussir. C’est ce que fait le grand réformateur taciturne. Il fait la part des choses et sait mettre en valeur les réformes de ses antécesseurs sans se limiter à cela : il dans l’amélioration continue. Aux politiques discrétionnaires, il oppose les règles : il fait savoir que les objectifs de la politique budgétaire de l’année 2019 visent un déficit budgétaire de -2,4% du PIB, avec un solde budgétaire de base de 0,9% et un niveau d’endettement ne dépassant pas 45,5% du PIB. Ainsi, il place les contribuables dans des anticipations adaptives et œuvre à développer avec eux un partenariat fiscal.
Ibrahima SANOH,
Essayiste, il est l’auteur de plusieurs contributions (sur la corruption, l’éducation, la réconciliation, la gestion des déchets) et livres dont Mettre la Guinée sur la voie de l’émergence économique, Pour une réconciliation nationale en République de Guinée. Il est chargé des cours de Finance et de Stratégie d’entreprises à l’ISCAE-G et à Kofi Annan.