En neuf ans, plusieurs autocrates d’Afrique ont cédé leur fauteuil présidentiel. Sur dix dirigeants, sept ont été renversés sous la pression populaire, deux ne se sont pas représentés, et un a été défait dans les urnes. Chronologie de la fin des régimes autoritaires depuis 2011.
La chute de Ben Ali (Tunisie) en janvier 2011 :
La révolution tunisienne est le fer de lance des printemps arabes qui a abouti à la chute de Zine El-Abidine Ben Ali au pouvoir depuis 1987, mais aussi à celle de plusieurs dictateurs dans le monde arabe.
Les manifestations contre le chômage et la répression policière démarrent le 17 décembre 2010 dans la ville de Sidi Bouzid, après l’immolation d’un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes de 26 ans, Mohamed Bouazizi dont le matériel de travail avait été confisqué par les autorités.
Très vite, un mouvement de contestation embrase le pays. Les manifestations sont sévèrement réprimées par la police, mais l’armée s’interpose et lâche finalement Ben Ali malgré des concessions au bout de quatre semaines de révolte. Ben Ali s’exile en Arabie Saoudite, le 14 janvier 2011.
Le renversement d’Hosni Moubarak (Egypte) en février 2011 :
Dans le sillage de la révolution tunisienne, des mobilisations débutent le 25 janvier 2011 en Egypte dirigée d’une main de fer par le président Hosni Moubarak au pouvoir depuis 1981. Au Caire, manifestations, grèves et occupations de l’espace publique s’enchaînent.
En quelques jours, la contestation contre les inégalités et la corruption au sommet de l’Etat grandit. Les populations manifestent aussi contre les dérives d’un Etat policier de plus en plus liberticides. Tout comme en Tunisie, des personnes s’immolent pour dénoncer le chômage subi par la jeunesse.
Les protestations s’intensifient dans la deuxième semaine du mois de février. Acculé devant plusieurs milliers de personnes qui manifestent place Tahrir, le président Moubarak jette l’éponge après une répression sanglante. Le 11 février, le vice-président Omar Souleiman annonce la démission du président.
La fin de règne de Mouammar Kadhafi (Libye) en octobre 2011 :
Au pouvoir depuis 1969, Kadhafi comptabilisait le plus grand nombre d’années de règne dans le monde arabe, mais aussi en Afrique. La révolution libyenne démarre le 15 février 2011 par des mouvements de protestations.
Les populations réclament plus de libertés et de démocratie, et aussi une meilleure répartition des richesses du pays dont la principale est le pétrole. Les protestations commencent à l’est à Benghazi et s’étendent aux grandes villes comme Tripoli. La répression est terrible.
Mais contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, ce vent de contestation se transforme au fil des semaines en conflit armé. Un Conseil national de transition – très vite reconnu par la France et par la communauté internationale – qui regroupe les rebelles se forme à Benghazi. Tandis qu’à Tripoli [à l’ouest du pays], l’armée régulière libyenne reste loyale à Kadhafi.
Avec l’appui d’une coalition militaire internationale à laquelle prennent part la France, le Royaume-Uni, le Canada et l’Italie, le Conseil national de transition avance vers Tripoli. La capitale libyenne est prise le 23 août. Capturé et lynché par la foule, Kadhafi meurt en octobre 2011 à Syrte, dernier bastion tenu par ses partisans.
La chute de Blaise Compaoré (Burkina-Faso) en octobre 2014 :
Le capitaine Blaise Compaoré accède au pouvoir en 1987 à la suite d’un coup d’Etat militaire contre son ami Thomas Sankara. Il est élu une première fois en 1991 et réélu en 1998 pour un deuxième mandat.
Après une révision constitutionnelle en 2000 qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux et qui réduit la longueur du mandat de sept à cinq ans, il parvient à se représenter une troisième et une quatrième fois en 2005 et 2010.
En 2014, dans la perspective d’un cinquième mandat lors de la présidentielle de 2015, Blaise Compaoré tente une seconde fois de réviser la Constitution pour faire sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats.
Des manifestations éclatent dans les grandes villes du pays ainsi que dans la capitale Ouagadougou. Et le 29 octobre, jour où le projet de révision doit-être débattu à l’Assemblée nationale, les syndicats appellent à une grève générale.
Les jours qui suivent, les bâtiments officiels, parmi lesquels l’Assemblée nationale, sont pris d’assaut par la population. La police disperse les manifestants. Sans succès. Le 31 octobre, Blaise Compaoré démissionne et est exfiltré par la France vers la Côte d’Ivoire où il est accueilli par Alassane Ouattara.
La défaite dans les urnes de Yahya Jammeh (Gambie) en janvier 2017 :
Après vingt-deux ans au pouvoir, Yahya Jammeh est battu le 1er décembre dans les urnes par l’opposant Adama Barrow, alors qu’il se représente pour un cinquième mandat. Situation ubuesque : s’il reconnaît sa défaite dès le lendemain des résultats de l’élection, il la conteste une semaine après et demande un recomptage des voix. Trop tard.
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) exige que le choix des urnes soit respecté. Le 18 janvier, alors que son mandat a officiellement expiré, Jammeh annonce son intention de garder le pouvoir.
Mais soutenu par l’institution régionale, Adama Barrow prête officiellement serment le 19 janvier à l’ambassade de Gambie au Sénégal. Lâché par son armée, Yahya Jammeh accepte finalement de quitter le pouvoir le lendemain.
La retraite de José Eduardo Dos Santos (Angola) en août 2017 :
Après 38 ans au pouvoir : gravit les échelons du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) avant de devenir président de l’Angola quatre ans après l’indépendance en 1975 du pays, alors colonie portugaise. Il succède en 1979 à Agostinho Neto, premier président du pays mort la même année à Moscou.
José Eduardo Dos Santos dirige le pays avec poigne, dans un contexte de guerre civile entre l’armée et les rebelles de l’Unita qui ne reconnaissent pas la légitimité du président angolais. Un accord de paix sera finalement signé en 2002, après vingt-six ans de conflit. Réélu à la tête du pays en 2008 et en 2012, Dos Santos est de plus en plus critiqué pour son autoritarisme.
En 2016, renonçant à se représenter à la présidence, il choisit comme dauphin son ministre de la Défense, Joao Lourenço, pour les élections générales d’août 2017. Ce dernier lui succède en septembre 2017 et mène une lutte implacable contre la corruption. Dos Santos quitte le pouvoir après trente-huit ans de règne à l’âge de 75 ans.
Le renversement de Robert Mugabe (Zimbabwe) par une “révolution du palais” en novembre 2017 :
À 93 ans, Robert Mugabe était, en 2017, le plus vieux chef d’Etat en exercice. Voulant assurer sa succession, il annonce le 4 novembre 2017 son intention de voir sa femme Grace Mugabe , de quarante ans sa cadette, briguer la magistrature suprême.
Il prend soin d’écarter du parti au pouvoir, le Zanu-PF, ainsi que du gouvernement les rivaux de cette dernière, en l’occurrence Emmerson Mnangagwa limogé de la vice-présidence pour «manque de loyauté». C’est compter sans l’influence de ce dernier auprès de l’armée. Le 15 novembre, l’armée annonce prendre le contrôle des rues. Robert Mugabe et sa femme sont placés en résidence surveillée.
Il est aussi destitué de la présidence du parti Zanu-PF. Le 21 novembre 2017, le vieux président démissionne après trente ans passés au pouvoir, alors qu’une procédure de destitution est entamée à son encontre. Mnangagwa devient président par intérim en novembre 2017, puis est élu président en août 2018.
Joseph Kabila ( RD CONGO) cèdele pouvoir après 17 ans en décembre 2108 :
Joseph Kabila succède très jeune (29 ans) en 2001 à son père, Laurent-Désiré Kabila, brutalement assassiné par son garde du corps. En 2003, à la fin de la deuxième guerre en République Démocratique du Congo qui oppose plusieurs groupes armés à l’est du pays, il met en place un gouvernement de transition après la signature d’un accord de paix.
Joseph Kabila se fait élire démocratiquement une première fois en 2006. Il promet de pacifier le pays, de le rendre démocratique et stable économiquement.
En 2011, il entame un deuxième et dernier mandat, comme le prévoit la Constitution. Mais en 2016, prétextant l’enregistrement long et coûteux des 40 millions d’électeurs, l’élection présidentielle sera repoussée d’abord à 2017, mais se tiendra finalement en décembre 2018 sous les pressions diplomatiques. S’il ne se représente pas, Joseph Kabila choisit Emmanuel Shadary Ramazani comme dauphin.
Impopulaire auprès de la population, il termine troisième du scrutin derrière les opposants Martin Fayulu et Félix Tshisekedi. Ce dernier sort vainqueur de l’élection, selon la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Après dix-sept ans de pouvoir, Joseph Kabila cède le fauteuil présidentiel permettant la première alternance démocratique du pays.
La démission d’Abdelaziz Bouteflika (Algérie) sous la pression de la rue :
Malgré un accident vasculaire survenu en 2013 et qui a affecté sa mobilité et son élocution, Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, indique vouloir se représenter à l’élection présidentielle prévue en avril 2019, pour un cinquième mandat.
L’annonce de sa candidature pousse pendant plusieurs semaines des milliers d’Algériens dans les rues d’Alger et de plusieurs grandes villes du pays.
Après avoir essuyé plusieurs défections dans le rang de l’armée et du FLN, le parti au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika démissionne le 2 avril, après vingt ans au pouvoir. Dans la rue, la contestation continue, les manifestants réclamant la fin d’un système politique et économique verrouillé.
La contestation par la rue d’Omar El-Béchir (Soudan) après 20 ans au pouvoir :
Privée d’importantes réserves pétrolières après l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, le Soudan est frappé par une grave crise économique. Les prix des denrées alimentaires augmentent fortement ainsi que le prix du carburant.
Fin décembre 2018, l’augmentation de près du triple du prix du pain entraînent des manifestations monstres contre la vie chère, puis contre le régime d’Omar El-Béchir, en place depuis trente ans.
Comme en 2013 où des émeutes contre la hausse du prix du carburant avaient éclaté, Omar el-Béchir tente de réprimer le mouvement de contestation.
En février 2019, il décrète l’état d’urgence et limoge le gouvernement. En avril, les contestations reprennent de plus belle. Mais Omar el-Béchir, qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt international de la CPI pour des crimes commis au Darfour, est lâché par l’armée. Cette dernière protègent les manifestants contre la répression des forces de sécurité et les éléments du puissant service de renseignement soudanais.
Le chef de l’Etat est contraint à la démission le 11 avril. Un Conseil militaire, dirigé par le général Abdel Fattah Al-Burhan Abdelrahmane, dit vouloir assurer la transition pour deux ans. Au grand dam des manifestants qui réclament l’instauration d’un pouvoir civil.