Sous le règne de la dictature sanglante du PDG, certains avait soutenu que l’unique obstacle au progrès de la Guinée, c’était le chef du clan familial au pouvoir, Sékou Touré. Lorsque son pouvoir a été renversé en 1984 et surtout au début des années 2000, beaucoup soutenaient que le « problème », c’est Lansana Conté.
Le CMRN (Comité Militaire de Redressement National) a été très vite rebaptisé par le peuple, « Comité Militaire de Remplacement National », pour bien marquer la continuité du système. Après le coup d’Etat militaire du 22 décembre 2008 par le CNDD, le slogan a été « il faut empêcher à tout prix les militaires de confisquer le pouvoir ». Aujourd’hui le slogan est : « Pas de troisième mandat ».
La constante de tous ces pouvoirs cités est d’être tous basés sur la violence, la tromperie, la démagogie, la corruption, le pillage du bien public et l’impossibilité d’avoir une alternance démocratique au pouvoir. Après avril 1984, ce sont les mêmes hommes du système précédent qui ont dirigé le pays, même s’ils ont aboli le système de capitalisme d’Etat totalitaire pour le remplacer par le libéralisme sauvage.
Mais pour le petit peuple, le résultat était à peine différent. En janvier 2007, à la suite des grandes manifestations populaires contre le pouvoir du Général Lansana Conté, avec des centaines de morts, malgré le changement de gouvernement, le système corrompu, fait de combinaisons ethnicistes a continué. Le CNDD, après quelques velléités de réformes bienvenues et d’actions positives contre le pillage du bien public et le narco-trafic, est rapidement retombé dans les tares du système qu’il avait renversé.
Au Stade du 28 septembre lors de la grande manifestation populaire du 28 septembre 2009 qui s’est soldé par plus de 151 morts et des dizaines de femmes violées, le CNDD avait signé son arrêt de mort. En 2010 après l’arrivée au pouvoir du RPG et de son chef, tous les maux des systèmes précédents se sont aggravés au lieu d’être guéris, autrement que par les proclamations de bonnes intentions, jamais suivies d’effet.
Pire, on est tombé dans un système ethniciste ultra corrompu rendant la Guinée impossible à développer pour le bien de son peuple. Nulle part ailleurs nous n’avons des écarts aussi énormes entre d’un côté, l’écrasante majorité de la population qui croupit dans la misère, la faim, le manque d’eau potable les maladies sans soins, le chômage et de l’autre, l’infime minorité de l’oligarchie au pouvoir dont les fortunes constituées à la vitesse supersonique depuis 2011, explosent sous nos yeux.
On assiste même à une tentative ouverte de réhabilitation des crimes du PDG, dont il faut le rappeler qu’ils n’ont eu aucun autre équivalent en Afrique si ce ne sont ceux du sanguinaire Idi Amin Dada d’Ouganda de sinistre mémoire.
En 2009-2010, nous avons eu les Forces Vives qui ont réalisé un très vaste rassemblement pour empêcher les militaires de rester au pouvoir.
Mais le système actuel de Condominium politico-ethnique est justement le pur produit des Forces Vives. Tous les acteurs en vue de ces Forces Vives n’avaient jamais montré de véritable volonté de changer en profondeur le système décadent antérieur. Est-ce un hasard si on n’a jamais entendu un seul de ces partis dénoncer la violation de l’article 36 de la Constitution sur la déclaration des biens depuis 2011? En fait, pour la plupart des partis, l’unique objectif était de s’emparer de l’appareil pour en profiter, en utilisant les Forces Vives non pas pour l’intérêt supérieur du pays, mais pour son propre agenda secret. En matière de duplicité au sein des Forces Vives, on se souviendra longtemps encore de l’absence très remarquée de certains chefs de partis, planqués à l’étranger – en mission dit-on – lors de la grande manifestation du 28 septembre 2009, pendant que les autres allaient avec la population au massacre et aux viols programmés au Stade.
Aujourd’hui, vouloir mobiliser le peuple de Guinée exclusivement contre un troisième mandat ne peut être qu’une tentative similaire et maladroite de changer de gouvernement en sauvant un système pourri qui a fait le malheur de la Guinée. Pour permettre l’avènement du changement véritable auquel aspire tant le peuple de Guinée meurtri, toute mobilisation contre un troisième mandat doit englober la lutte contre les tares de ce système qui a fait le malheur de la Guinée.
En premier lieu, une ligne rouge doit être tracée : tout militant politique, tout parti politique ou association, engagé véritablement pour le salut du pays doit accepter le principe de déclaration de son patrimoine et même ceux de sa famille proche (conjoints et enfants).
En second lieu, nous devons en finir avec les pratiques du Parti-Etat. L’Administration doit être neutre. Les recrutements doivent être basés sur la compétence et la probité et non sur l’appartenance au parti dominant, presque toujours confondu à une région.
L’exclusion de fait de la gestion de la chose publique ne doit pas être admise. De plus, la dérive consistant à prendre les mandats électifs comme des gagne-pains doit être bannie. Un député ou un conseiller municipal n’a pas d’emploi mais assume simplement une tâche de la collectivité.
Il doit avoir d’autres activités lui permettant de vivre en dehors du poste électif. On voit aujourd’hui toutes les conséquences de ces dérives, avec la présence des députés de l’opposition à l’Assemblée, sans mandat, donc illégale.
Et enfin, il faut que dans un cadre consensuel, le peuple de Guinée mette en place des nouvelles institutions qui garantissent l’unité et la solidarité entre toutes les communautés et empêchent la confiscation du pouvoir par les unes ou les autres. Nous devons avoir un nouveau système adapté à notre situation concrète, garantissant qu’à l’issue d’élections qui doivent être libres, honnêtes et transparentes, les résultats ne pourront en aucun cas être considérés comme la victoire d’une ethnie ou d’une coalition d’ethnies contre d’autres. Le dispositif constitutionnel doit mettre en avant des options politiques ou philosophiques et non l’appartenance régionale ou communautaire.
Dans les conditions actuelles et sur ces bases, il conviendra de rassembler toutes les forces politiques et sociales d’accord pour lutter efficacement contre toute tentative du pouvoir de confisquer les libertés publiques et de se maintenir illégalement. Ce rassemblement devra soutenir activement et efficacement les victimes de la violence et des harcèlements judiciaires contre les militants politiques.
En l’état, tout référendum ouvrant la voie à un troisième mandat pour l’actuel Président Alpha Condé est illégal et doit être traité comme tel. Nous avons déjà eu l’exemple du dictateur sanguinaire Pierre NKURUNZIZA du Burundi. Au Togo, se déroule actuellement le même scénario macabre. La dynastie Gnassingbe tente de perpétuer sa domination, avec l’aide et les conseils très avisés de notre président Alpha Condé qui pouponne Faure Gnassingbe.
La technique de confiscation du pouvoir par du troisième mandat et de la non-rétroactivité des nouvelles lois sont hélas parmi nos rares produits d’exportation, avec la terre rouge (bauxite) et l’or. Si on n’y prend garde, les scénarios burundais et togolais sont entrain d’arriver à grands pas en Guinée.
Tous les démocrates et les Guinéennes et Guinéens épris de paix, de liberté et soucieux de la sauvegarde de l’Etat Unitaire et de la renaissance de la Guinée, du respect des droits humains, doivent joindre leurs forces pour s’y opposer.
Face à des dictateurs africains, manœuvriers et machiavéliques, les vaillants peuples du Soudan et d’Algérie ont montré aux autres peuples africains la voie royale du salut.
Ces peuples ont réussi à transcender les divisions de toutes sortes entretenues par l’ennemi, à s’unir comme un seul homme pour lutter efficacement pour le changement véritable et non pour une simple permutation entre des individus appartenant au même système honni.
En Guinée, le troisième mandat illégal ne passera pas. Il est temps que le peuple de Guinée se réveille, se lève pour réaliser enfin une véritable Révolution nationale et démocratique, seule voie pour son salut.
Fait à Conakry, le 30 avril 2019
Pour le Bureau Exécutif National
Le Président
Mamadou Baadiko BAH