Chaka naît en 1786. Il est le fils de Senza Ngakona, chef de clan Abatetwa (une fraction du peuple Ngouni). Sa mère se nomme Nandi. L’union entre Senza ngakona et Nandi n’est tolérée que parce que Senza Ngakona est un des chefs du clan des Abatetwa. Chaka est d’abord à la charge de son père, puis sous la pression des co-épouses de ce dernier est renvoyé chez sa mère. C’est alors le début d’une vie de brimades, d’humiliations et d’oppression : berger, Chaka est maltraité par ses camarades, traité de bâtard, battu et laissé pour mort sur un terrain. Expériences qui le forgeront et l’endurciront.
En compagnie de sa mère Nandi, Chaka va ensuite d’abord vivre chez son grand-père. Puis, sur requête de Senza Ngakona, Ngomane, un chefs de la tribu des Mtetwas leur donne un toit et se montre bon à leur égard. Chaka n’oubliera pas cela : devenu un puissant conquérant, il fera de Ngomane son second.
Sept années après être arrivé chez Ngomane, Chaka devient membre de l’armée de Dinguiswayo, un célèbre chef Mtetwa. Chaka s’est métamorphosé : le frêle et maladroit garçon s’est transformé en jeune homme robuste. Il est le guerrier le plus fort de l’armée de Dinguinswayo, est doué d’une force physique prodigieuse, est charismatique et excelle dans le combat à main nu. Sa réputation s’étend et il devient bientôt le porte parole et le bras droit de Dinguiswayo.
Chaka prend le pouvoir
Le père de Chaka qui l’avait autrefois envoyé vivre hors de son domaine, devint un de ses plus fervents admirateurs, au point de faire de lui son héritier (malgré le fait que Chaka soit issu d’une union illégitime). Cependant, à sa mort, c’est Sijuana, un des demi-frères de Chaka qui prend sa succession. Chaka organise un complot et l’assassine alors qu’il prend un bain devenant ainsi le chef de son clan. Dinguiswayo, qui a aidé Chaka a devenir chef de clan Ngouni à la mort de son père est tué lors d’une attaque surprise par un de ses ennemis, Zwidé. A la suite de cet événement, les régiments élisent Chaka à titre de chef souverain. Chaka défait les troupes de Zwidé qui s’enfuit et meurt peu après. Il devient le chef de la majeure partie des tribus du peuple Ngouni et s’est transformé en homme de guerre à l’énergie implacable et inaccessible à la pitié.
Lorsque Chaka prend la tête des Ngounis, qu’il renommera Amazoulou (Amazoulou, “ceux du ciel”, nom qui deviendra par la suite “Zoulou”), ces derniers ne possèdent pas plus de 100 000 km² de terre. Chaka, ambitieux et conquérant remodèle son peuple en une armée de métier constituant le pivot de la société, ce qui en bouleverse les structures traditionnelles. La circoncision et les cérémonies afférentes sont supprimées comme une perte de temps. La période d’initiation est consacrée à la préparation militaire. Les classes d’âge sont désormais intégrées comme des régiments successifs. On sert de 16 à 60 ans. Le mariage n’a lieu qu’entre 30 et 40 ans et est accordé en bloc aux régiments les plus braves comme une sorte de récompense. Ces guerriers mariés formaient dans l’armée une partie séparée des célibataires. (La notion de famille, importante dans la société africaine, est supprimée au profit de l’efficacité militaire).
Un stratège militaire implacable
Les régiments sont constitués d’un millier de soldats, hommes ou femmes, les femmes servant surtout à l’intendance. Les chefs de régiment sont les “Indounas”. Entre deux guerres, les membres des régiments sont cantonnés en camp d’entraînement et se livrent à des exercices d’entraînement quotidiens et intensifs. Chaka supprime les sandales pour ses soldats car il est d’avis qu’elles ralentissent les mouvements. Leur nourriture est constituée presque uniquement de viande, ils ont interdiction de boire du lait. Au combat, Chaka met en place une discipline de fer : reculer, revenir sans son arme entraîne l’exécution capitale. Un Indouna qui revient sans butin peut-être condamné à “être avalé”, c’est à dire à être éliminé physiquement, parfois avec tous ses hommes.
Chaka révolutionne ensuite la stratégie militaire de son armée. A cette époque, il est de coutume dans les guerres intra africaines de projeter sa lance, puis d’avancer ou de reculer selon la réaction de l’ennemi. Chaka considère cette stratégie comme inefficace, voire lâche. Il fait fabriquer des sagaies raccourcies à lame très large. La sagaie devient ainsi utilisable seulement en combat corps à corps et incite le guerrier à l’offensive permanente s’il ne veut pas être défavorisé par des adversaires portant des armes longues.
Chaka change également la stratégie d’attaque en ordre dispersé : il opte pour la stratégie d’attaque “en tête de buffle” : les troupes sont divisées en quatre corps, deux ailes forment les cornes de buffle et deux corps centraux placés l’un derrière l’autre forment le “crâne”. Opérant en mouvement tournant, l’une des ailes attaque, tandis que l’autre se cache et n’intervient que lorsque le combat est engagé. Ces ailes sont composées de jeunes guerriers. Leur tâche est d’empêcher l’ennemi de décrocher, de le harceler pour le rabattre vers le centre. Là, à l’avant-centre, des guerriers expérimentés, qui attendent embusqués, s’élancent pour prendre l’ennemi dans un étau. Moment crucial du combat, où l’arrivée de forces fraîches doit précipiter la victoire. Mais si la décision n’est pas arrachée, alors l’arrière garde, formée de vétérans, qui, jusque là, était restés en réserve, assis, le dos tourné à la bataille intervient à son tour.
Une tyrannie de plus en plus affirmée : ”le massacre des couards”
L’armée de Chaka à son apogée comptera plus de 100 000 hommes. Chaka oriente l’expansion des zoulous dans deux grandes directions : vers l’ouest où les Sotho et les Bechouana sont “dispersés” et bousculés. Vers le sud contre les Tembou, Pondo et Xhosa. Chaka pratique le “Mfecane” : les vieillards des peuples vaincus sont supprimés, les femmes et les jeunes incorporés. Les jeunes ont la vie sauve à condition de s’enrôler dans les “Impis”, d’abandonner leur nom et leur langue, et de devenir de véritables Zoulous.
En 1820, quatre ans après le début de sa première campagne, Chaka avait conquis un territoire plus vaste que la France. Selon certains historiens, ses conquêtes seraient responsables directement ou indirectement de la mort de plus de 2 millions de personnes. Le déclin de Chaka commencera avec sa tendance de plus en plus affirmée à la tyrannie qui lui valu l’opposition de son propre peuple : au retour d’une expédition, Chaka fit massacrer tous les guerriers qui avaient reculé ou abandonnés leurs armes : ce fut le jour dit du “massacre des couards”. Ses plus fidèles soutiens commencèrent à l’abandonner. Un des clans prit la direction du Nord et fonda le peuple des Angoni. Un autre ayant à sa tête Mzilikazi s’installa au Sud du Zimbabwé actuel et fut à l’origine des Matabélé. A la mort de sa mère Nandi en 1827, Chaka fit exécuter plus de 7 000 personnes. Pendant un an, il fut interdit aux gens mariés de vivre ensemble et à tous de boire du lait.
Chaka devient un personnage de légende immortalisé par Thomas Mofolo
Les circonstances de sa mort survenue en 1828 ne sont pas très claires : Chaka serait mort poignardé par son demi-frère Dingane. Il aurait été victime d’un complot organisé par Dingane et Mzilikazi, aidés d’un domestique.
La vie de Chaka donna lieu au célèbre roman de l’écrivain africain Thomas Mofolo (1877-1948) intitulé “Chaka” qui figure parmi les douze meilleurs romans africains du 20è siècle. Ce roman, écrit en 1911 en langue Sotho et publié une dizaine d’année plus tard est un des premiers romans écrit dans une langue africaine.
Chaka fut un chef charismatique, un stratège et un organisateur de génie, fondateur d’une nation. Et comme Napoléon, à qui il fut parfois comparé (Chaka commença à gouverner un an après la bataille de Waterloo) Chaka fut également un conquérant et un despote. Son action influença la vie et le destin de régions entières de l’Afrique australe.
Par Paul Yange