À l’issue d’une visite de quatre jours dans la région du Hambol (centre-nord), Alassane Ouattara a rappelé qu’il ne souhaitait pas être candidat en 2020, tout en précisant qu’il le serait si certains de sa génération l’étaient.
À onze mois de l’élection présidentielle d’octobre 2020, toutes les occasions sont bonnes pour marquer les esprits et faire passer des messages. En visite d’État dans le Hambol (centre-nord), Alassane Ouattara ne s’est pas fait prier.
Lors de cette tournée de quatre jours, il a pu montrer que l’usure du pouvoir n’avait pas entamé sa capacité de mobilisation dans le nord de la Côte d’Ivoire, son bastion. Élu il y a huit ans, le chef de l’État y draine encore les foules comme peu d’hommes politiques.
Samedi 30 novembre, une dizaine de milliers de personnes, sympathisants et curieux, se sont ainsi rassemblées au stade Thomas d’Aquin Ouattara de Katiola, à l’occasion du dernier meeting de sa tournée. ADO s’est offert un tour d’honneur, saluant une foule enthousiaste du toit de son véhicule.
Puis, lorsqu’est venu pour lui le temps de s’adresser à eux, le président de la République a longuement évoqué la prochaine échéance électorale. « Je suis pour la démocratie et tout le monde pourra être candidat. 2020 se passera bien, il n’y aura rien. Il n’y aura pas de retour en arrière », a-t-il déclaré.
JE VEUX QUE TOUS CEUX DE MA GÉNÉRATION COMPRENNENT QUE NOTRE TEMPS EST PASSÉ. MAIS S’ILS SONT CANDIDATS, JE LE SERAI.
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S’il ne les a jamais directement cités, Alassane Ouattara a ensuite tancé les anciens présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. « La Côte d’voire doit continuer d’avancer, mais pas avec n’importe qui. Nous avons vu ce que d’autres ont fait par le passé. Nous ne voulons plus retourner en arrière, nous ne voulons plus de détournements, a-t-il lancé. Nos concitoyens ont de la mémoire. Quand je vois les hésitations de certains… C’est pour ça que je n’ai pas encore annoncé ma décision. Je veux que tous ceux de ma génération comprennent que notre temps est passé. Mais s’ils sont candidats, je le serai. »
Le chef de l’État précisera sa pensée quelques minutes plus tard devant la presse : « Je ne souhaite pas être candidat. Mon intime conviction est qu’après deux mandats, il faut passer la main. L’année prochaine, j’aurai 78 ans. Ce que l’on peut faire à 68 ans, on ne peut plus le faire à 78, à fortiori à 85 ou 86 ans. À partir de cela, j’estime que c’est mieux que tous ceux de ma génération décident par eux-mêmes de ne pas être candidat. Maintenant, s’ils décident de l’être, compte-tenu de leurs bilans, de leur incapacité à gérer la Côte d’Ivoire, je trouverai une autre solution, y compris celle de continuer. La Constitution m’autorise à faire deux autres mandats et je pourrais le faire sans aucune difficulté parce que je suis en parfaite santé. Ça ne veut pas dire que j’ai décidé d’y aller. »
Alassane Ouattara estime que la Constitution votée en 2016 lui permet de se représenter, ce que conteste une bonne partie de l’opposition.
S’il s’en était ouvert à ses proches et à certains chefs de l’État de la sous-région depuis de longs mois, c’est la première fois qu’Alassane Ouattara tient publiquement ce discours. Ces déclarations interviennent alors que l’hypothèse de voir Henri Konan Bédié porter les couleurs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) en 2020 se fait de plus en plus forte. L’ancien président ne s’est toutefois pas encore prononcé. Il a en revanche décidé de reporter la convention du PDCI censée désigner le candidat du parti, initialement prévue en octobre. Sa date n’est toujours pas connue, mais elle devrait avoir lieu au deuxième semestre de l’année 2020.
Selon plusieurs sources, le chef de l’État doute des capacités du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, son premier choix pour lui succéder, à l’emporter face à la coalition de l’opposition qu’en Henri Konan Bédié constitue actuellement. Ce dernier tente d’y intégrer Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Réforme constitutionnelle et code électoral
À Katiola, Alassane Ouattara a également donné des indications sur les contours de la réforme constitutionnelle qu’il souhaite mettre en oeuvre et sur le nouveau code électoral qui doit être prochainement présenté devant l’Assemblée nationale. Le chef de l’État s’est notamment dit favorable à l’instauration d’une caution et de parrainages afin de réduire le nombre de candidats à l’élection présidentielle.
« Je suis personnellement favorable à une caution de 200 millions de francs CFA, mais le Premier ministre, le président de l’Assemblée et du Sénat estiment que ça fait beaucoup. Nous verrons ce que le gouvernement me propose. J’aimerais bien que l’on essaie de couper la poire en deux. On ne peut pas avoir douze candidats en Côte d’Ivoire, comme c’est le cas dans d’autres pays du continent. J’espère qu’avec le temps, nous n’aurons que deux grands partis », a-t-il dit.
CETTE CONSTITUTION NE SERA PAS MODIFIÉE POUR EMPÊCHER QUI QUE CE SOIT D’ÊTRE CANDIDAT
ADO a en revanche semblé repousser l’idée de réintroduire une limite d’âge de 75 ans pour pouvoir briguer la présidence, ce qui empêcherait Bédié, Gbagbo et lui-même d’être candidat. Jeudi soir, lors d’une rencontre avec les cadres de la région, à laquelle participaient deux cadres du PDCI, Gaston Ouassenan Koné et Jean-Louis Billon, il a assuré que « cette constitution ne sera pas modifiée pour empêcher qui que ce soit d’être candidat ».
« Je voudrais donc rassurer les uns et les autres. Mon général, je vous rassure qu’il n’y aura pas d’exclusion. Je m’adresse à vous parce-que vous et moi avons plus de 75 ans. C’est pour cela que je le dis. On est en famille, donc on peut tout se dire. Il faut donc qu’on s’entende », a poursuivi le président en s’adressant directement au général Ouassénan.
Ouattara a enfin affirmé que la Commission électorale actuelle organisera bien les élections de 2020. « Le gouvernement a fait des propositions, a discuté avec les partis politiques pendant six mois. Cette CEI [Commission électorale indépendante, ndlr] est plus équilibrée que la précédente, celle qui a organisé les élections de 2015. Elle organisera celles de 2020.Il n’y aura pas de retour en arrière », a déclaré le chef de l’État ivoirien.
La nouvelle CEI est contestée par une grande parti de l’opposition, dont le FPI de Gbagbo et le PDCI, qui ont refusé de l’intégrer et la juge encore déséquilibrée en faveur du pouvoir.