Guinée : et s’il y avait un complot rampant contre le régime Condé ?
Depuis un certain temps, l’on a la triste impression qu’il y a un complot rampant contre le régime du professeur Alpha Condé, le premier président démocratiquement élu de la Guinée indépendante. L’enchaînement des événements et des prises de position à l’international de ces derniers mois l’illustre éloquemment.
Il y a eu d’abord cette fameuse rencontre qui s’est tenue à Niamey (Niger) pour déclarer ouvertement la guerre aux présidents qui tenteraient de s’accrocher au pouvoir en s’octroyant, au détour d’un changement constitutionnel, un troisième mandat. Une rencontre à laquelle auraient pris part activement des membres du Front national de défense de la Constitution (FNDC) de Guinée.
Quelques semaines plus tard, l’on a vu débarquer à Conakry deux anciens chefs d’Etat africains (Goodluck Jonathan du Nigeria et Nicéphore Soglo du Bénin) pour se faire passer pour des donneurs de leçons de démocratie et des défenseurs attitrés de l’alternance démocratique en Afrique. Une visite qui, l’on s’en souvient, avait fait couler des flots d’encre et de salive dans le pays, et au-delà, autant par sa forme, ses conditions que par les propos tenus par ces chefs d’Etat au terme de leur visite.
Et invoquant les risques de violences liées à la situation sociopolitique qui prévaut dans le pays depuis l’annonce d’un projet de nouvelle constitution, les deux institutions de Bretton Woods (Fonds monétaire international, Banque mondiale) ont tour à tour suspendu leurs missions en Guinée.
Sur la même lancée, à Strasbourg, les Eurodéputés ont adopté une résolution sur la Guinée. Une résolution dans laquelle ils ont curieusement repris à leur compte tous les griefs formulés à ce jour par le FNDC et les opposants politiques au président Alpha Condé (bavures des forces de maintien d’ordre, atteinte aux droits de l’homme, le cas des inculpés dans l’affaire du 28 septembre 2009, etc.). Paris et Washington, par le biais de leurs ministres des Affaires étrangères, ont eux aussi publié des communiqués pour émettre des doutes et des réserves sur le processus électoral et le projet de nouvelle constitution en Guinée.
A quelques jours de la tenue des élections législatives couplées avec le référendum constitutionnel, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), à la surprise générale, s’est retirée du processus électoral en cours, mettant en avant le cas des 2.400.000 électeurs qui poseraient problème dans le fichier électoral.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et l’Union africaine ont cru devoir renoncer à envoyer des missions d’observation électorale pour le 1er mars dernier.
La suite, on la connaît. Le président Alpha Condé, dans le souci de préserver la paix et prenant en compte les légitimes préoccupations des deux organisations, a annoncé le vendredi 28 février un léger report du double scrutin.
Malgré ce report pour permettre aux experts de la CEDEAO d’aider la CENI à extirper du fichier électoral tous les cas problématiques (doublons, personnes décédées, mineurs, etc.), le FNDC maintient toujours son appel à manifester pour demander ni plus ni moins le départ du président Alpha Condé du pouvoir.
De là à penser donc à un complot international contre le régime Condé, avec la bénédiction des opposants politiques, il y a un pas que beaucoup d’observateurs avertis ont déjà franchi.
IBRAHIMA SORY CISSÉ