D’après des informations très sérieuses, l’armée indonésienne inflige des tests de virginité aux femmes qui postulent pour rentrer dans l’armée, ainsi qu’aux femmes qui se fiancent à un soldat de cette même armée. Tout d’abord, Catherine, en quoi consistent ces tests contre lesquels proteste l’association internationale Human Rights Watch ?
Les tests de virginité, il faut d’abord dire et redire qu’ils n’ont absolument aucune valeur scientifique. Personne ne peut en examinant une femme dire si elle est vierge ou non, c’est-à-dire si elle a déjà eu des relations sexuelles ou non. Pas même un gynécologue. On peut simplement observer l’état de l’hymen qui n’a rien à voir avec la virginité. En effet, chez certaines femmes, assez nombreuses, l’hymen est inexistant. Chez d’autres, il est très large et même s’il y a eu des rapports sexuels, il peut être intact.
En sens inverse, une jeune fille peut avoir un hymen ouvert, déchiré parce qu’il l’a été dans l’enfance. Certaines petites filles de 2 ou 3 ans peuvent introduire un doigt et déchirer leur hymen, même si elles n’en ont absolument aucun souvenir. Donc les tests de virginité, en réalité, ça n’existe pas. Ce que l’on croit a 50 % de chances d’être faux.
Claire : Pourtant, quand une femme a été agressée sexuellement, il est bon qu’elle voit un médecin. Pourquoi alors ?
Catherine : C’est différent : il fait un prélèvement pour voir s’il y a du sperme et permettre l’identification du violeur. Et puis, si l’hymen vient juste d’être déchiré, il peut y avoir des lésions, des saignements, ainsi que des déchirures vaginales. C’est ça que le médecin observe et note sur son certificat.
Claire : Comment se passent ces soi-disant tests de virginité ?
Catherine : C’est vraiment affreux : ils demandent aux jeunes femmes de se déshabiller entièrement, de s’allonger, d’écarter les jambes. Ensuite, ils observentla zone sexuelle externe, puis introduisent 2 doigts dans le vagin. Les personnes qui le pratiquent appellent cela le test des deux doigts. C’est une pratique abominable. Simplement parce que c’est une agression terrible. Pour plusieurs raisons :
– D’abord, notre corps est à nous, et personne n’a le doit d’y accéder si on ne lui en donne pas la permission. Et c’est vrai pour le corps tout entier, pas seulement pour la zone sexuelle. Donc on force des jeunes femmes à se plier à ce soi-disant examen médical.
– Et puis, quand une jeune femme est vierge, introduire 2 doigts dans son vagin déchire son hymen. Elle peut avoir mal et saigner. Donc sous prétexte de vérifier la virginité d’une jeune femme, on la déflore.
– Ensuite, introduire un ou plusieurs doigts dans le vagin, c’est une pénétration sexuelle et ça peut être qualifié de viol. En France, le viol est un crime.
– Cela peut entraîner un traumatisme très grave. Ainsi, une jeune femme qui a subi cela raconte :« Quatre ans après avoir passé ce test, je me suis mariée. Nous sommes partis en lune de miel à Bali et nous voulions faire l’amour. Mais mon corps était trop raide. Je ne pouvais pas ouvrir mes jambes. Je pleurais toute la nuit. Et c’était cause du traumatisme de ce «test de virginité». Une autre jeune femme dit : « Pour moi, ce test n’était pas seulement un acte humiliant, c’était une torture ».
Claire : C’est quoi la différence avec un examen gynécologique où il y a un toucher vaginal.
Catherine : Elle est énorme cette différence. D’abord, on ne pratique pas de toucher vaginal sur une jeune femme vierge. Cela ne sert à rien la plupart du temps. Par exemple pour une première contraception, par exemple une prescription de pilule, il n’y a pas d’examen gynécologique. Ensuite, si un doit examiner une jeune femme vierge, par exemple parce qu’elle a une mycose ou une douleur, il regarde. Et si vraiment il doit regarder l’intérieur du vagin, ce qui est très rare, il utilise un spéculum pour vierge, c’est-à-dire bien plus petit que deux doigts, et cela afin de ne pas commettre un acte agressif. Et cela préserver son hymen.
Claire : Comment se fait-il que l’on continue à pratiquer ce type de soi-disant tests de virginité ?
Catherine : Le porte-parole de l’armée indonésienne (Fouad Basya) a déclaré que ce test a pour but de s’assurer que l’hymen [des nouvelles recrues] est intact” afin d‘être certain de recruter les « meilleures personnes à la fois physiquement et mentalement » pour parfaire les rangs de l’armée.
En réalité, on peut se demander s’il n’existe pas de voyeurs ou des personnes ayant des tendances sadiques qui font perdurer cette pratique.
Claire : C’est d’autant plus choquant que l’Indonésie a ratifié l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 16 de la Convention contre la torture. Et cette pratique du test de virginité est reconnue internationalement comme une violation des droits de l’homme, en particulier l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Claire : Mais l’Indonésie est-elle seule en cause ?
Catherine : Pas du tout. Même en France, les médecins se trouvent parfois confrontés à des demandes de certificats de virginité. Ce qui est anormal, et même illégal. Pourquoi vouloir fourrer son nez dans l’intimité des jeunes filles ? Elles ont pourtant bien le droit à un respect de leur intimité. Je vais citer un médecin, le
président du collège national des gynécologues et obstétriciens français, le Pr Jacques Lansac : “le Conseil national de l’Ordre des médecins considère que le certificat de virginité n’a aucune justification médicale et constituant une violation du respect de la personnalité et de l’intimité de la jeune femme. Un médecin doit donc refuser la rédaction d’un tel certificat qui est contraire à la dignité de la femme.
Claire : Alors, on nous pose souvent une question : comment savoir si une femme est vierge ?
Catherine : Il y a une seule solution pour savoir si une femme ou un homme est vierge. C’est de le lui demander et de lui faire confiance. Seule la personne concernée sait ce qu’elle a fait ou non dans sa vie intime !
RFI