Samia Suluhu Hassan, première femme à la tête de la Tanzanie
Après la mort de John Magufuli, c’est sa vice-présidente, âgée de 61 ans, qui dirigera le pays jusqu’en 2025.
Après la mort de John Magufuli, la vice-présidente de la Tanzanie, Samia Suluhu Hassan, musulmane âgée de 61 ans, va devenir la première cheffe d’Etat de ce pays d’Afrique de l’Est et l’une des rares femmes au pouvoir sur le continent. Mettant un terme à trois semaines d’absence inexpliquée et à de multiples rumeurs, le visage voilé de noir, elle a annoncé d’une voix lente et mesurée, mercredi 17 mars au soir, le décès du président Magufuli, réélu pour un deuxième mandat en octobre 2020.
Originaire de l’archipel semi-autonome de Zanzibar, dont les relations avec la Tanzanie continentale sont historiquement houleuses, Mme Hassan occupera la présidence « pour la période restant du mandat de cinq ans », soit jusqu’en 2025, selon la Constitution tanzanienne. Connue pour encourager les femmes à poursuivre leurs rêves, cette mère de quatre enfants était déjà la première vice-présidente de l’histoire de son pays depuis l’arrivée au pouvoir en 2015 de M. Magufuli, dont elle était la colistière.
Le visage du pays à l’étranger
Née le 27 janvier 1960 à Zanzibar au sein d’une famille modeste – père instituteur et mère au foyer –, Mme Hassan est diplômée d’un master en développement économique communautaire de l’Université libre de Tanzanie, à Dar es-Salaam, et de l’Université du Sud du New Hampshire, aux Etats-Unis. Elle a débuté sa carrière au sein du gouvernement de Zanzibar, où elle a travaillé entre 1977 et 1987, occupant dans un premier temps des fonctions administratives puis un poste de responsable du développement. Toujours à Zanzibar, elle a rejoint de 1988 à 1997 le Programme alimentaire mondial en tant que cheffe de projet, puis a dirigé pendant deux ans l’association des ONG de l’archipel, Angoza.
Sa carrière politique démarre en 2000, lorsqu’elle est nommée membre du Parlement de Zanzibar par le parti présidentiel tanzanien, Chama Cha Mapinduzi, toujours au pouvoir aujourd’hui. Elle sera plus tard élue à l’Assemblée nationale tanzanienne. Mme Hassan a été plusieurs fois ministre : à Zanzibar entre 2000 et 2010 (femmes et jeunesse, puis tourisme et commerce) et au niveau national à partir de 2014, comme ministre des affaires de l’union auprès de l’ancien président Jakaya Kikwete. En tant que vice-présidente, un rôle de l’ombre, elle fut pourtant le visage de la Tanzanie à l’étranger, où elle représentait régulièrement M. Magufuli. En 2019, sous sa tutelle, le ministère de l’environnement a interdit l’usage des sacs plastiques.
En 2016, des rumeurs voulaient qu’elle ait démissionné en raison de divergences avec le chef de l’Etat. L’information avait été démentie par un communiqué officiel. Mais l’année dernière, dans un discours tenu en présence de M. Magufuli, elle avait évoqué une certaine incompréhension de son action à l’époque. « Lorsque vous avez commencé à travailler en tant que président, beaucoup d’entre nous ne comprenaient pas ce que vous vouliez réellement. Nous ne savions pas où vous vouliez aller. Mais aujourd’hui, nous connaissons tous vos ambitions pour le développement de la Tanzanie », avait-elle déclaré.
« Retenez votre souffle »
Mme Hassan va diriger un pays marqué par un virage autoritaire depuis l’arrivée de M. Magufuli au pouvoir. Attaché à combattre la corruption, le « bulldozer » a lancé de grands projets d’infrastructures mais a aussi muselé l’opposition et mené une répression contre les défenseurs des droits et les médias. En octobre 2020, sa réélection avait été rejetée par l’opposition, qui criait à la fraude.
« A ceux qui s’attendent à une rupture avec le style Magufuli, je dirais : “Retenez votre souffle pour le moment” », a déclaré jeudi l’analyste tanzanien Thabit Jacob, chercheur à l’Université de Roskilde, au Danemark. Pour lui, la première femme présidente de la Tanzanie gouvernera « avec une base beaucoup plus faible, qui sera contrôlée par le clan Magufuli et les renseignements ». « Elle aura du mal à construire sa propre base et des rivalités entre factions vont émerger », prédit-il.