SIMONE EHIVET GBAGBO: une icône, l’holocauste feminin de la souveraineté dans le pré-carré francais.
Je me passerais de faire la biographie de Simone Ehivet Gbagbo qui a dejà été abondamment visitée depuis le 17 juin 2021: jour du retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, après presque 10 ans passés en captivité. Plusieurs Ivoiriens et Africains s’apprêtaient à célébrer l’aboutisssement d’une lutte de plus de 4 decennies contre les intérêts des puissances prédatrices qui sévissent en Côte d’Ivoire, et notamment la France. Ce qui devait être une victoire dans la lutte d’émancipation contre La France s’est transformé en un drame politico-familial avec pour holocauste Simone Ehivet Gbagbo.
l’holocauste épouse:
Simone Gbagbo divorce de Joseph Ehouman à une époque où il est inconcevable pour une jeune femme africaine de divorcer, avec en sus trois enfants. L’acte en lui-même démontre que la vision de Simone Gbagbo n’est pas tributaire du mariage. Lorsqu’elle rencontre Laurent Gbagbo au début des années 1970, elle n’est pas non plus poussée par l’envie de se recaser à tout prix, afin de se conformer aux stéréotypes de la société. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que le couple légalise leur union. Seule la passion de la politique qu’elle partage en commun avec Laurent Gbagbo compte.
l’holocauste muse;
Laurent et Simone Gbagbo amorcent des activités politiques dans un contexte international dominé par la Guerre Froide, ainsi qu’un contexte national contrôlé par Paris. Cette combattante déterminée pressent dejà probablement que la lutte sera inerte s’ils ne s’ouvrent pas à d’autres expériences extraterritoriales. Pragmatique et résiliente, aidée par des camarades de lutte, elle balise le terrain politique pour le tandem politique qu’elle forme avec son mari durant l’exil de ce dernier en France entre 1982 et 1988. Elle propose la création du FPI la même année pour sortir de la clandestinité. À cet instant, le poids numérique du couple au sein des fondateurs du FPI, associé à la veille exercée sur le terrain par Simone va octroyer de facto le leadership du parti à son mari. Simone s’efface et met en scène son homme. En Afrique ne dit-on pas que »derrière un grand homme, se cache une femme capable? »
l’holocauste militante:
L’aventure politique de Simone et Laurent Gbagbo avec le FPI débute au moment où le monde bipolaire prend fin avec la chute du Mur de Berlin. L’opportunité historique est trop belle pour ne pas faire émerger leurs nombreuses idées mûries durant le parti unique. Le parcours du couple Gbagbo est émaillé d’emprisonnements, intimidations, attentats etc. Intrépide et focalisée sur la vision qu’ils ont pensé pour la Côte d’Ivoire, elle forme la base militante du FPI en sa qualité de secretaire générale du FPI. Après une succession de perturbations à l’ordre constitutionnel, Laurent Gbagbo accède au pouvoir en 2000. Qui d’autre que Simone Gbagbo pouvait prendre la tête du groupe parlementaire du parti dont elle a contribué à rediger les statuts à l’assemblée nationale? Cette historienne sait que les démocraties libérales ont transformé leurs sociétés à travers la législation.
l’holocauste partenaire:
Avant même d’avoir eu le temps de mettre en place le programme politique du FPI, Simone Gbagbo doit faire face à deux événements majeurs qui contribueront à la l’effritement du patrimoine politique qu’elle aura contribué à bâtir minitieusement: un coup d’état et la liaison de son époux avec Nady Bamba entre 2001 et 2002. Elle pressent dejà que les deux événements vont perturber sa complicité, sa proximité avec son époux. La raison d’état l’emporte sur les sentiments de Simone Gbagbo: La Côte d’Ivoire passe avant tout. Elle renverse le taux de séroprévalescence du VIH Sida qui chute de 12 à 4% durant la gouvernance de Laurent Gbagbo. Elle contribue à l’ivoirisation des manuels scolaires en Côte d’Ivoire. Cette socialiste croit que le développement économique est tributaire du développement humain et social. Malheureusement, l’instabilité politique freine la scolarisation des populations en zone de crise. Alors, elle s’implique dans la gestion de la crise politique dans son pays. Parallèllement et contre toute attente, Laurent Gbagbo introduit graduellement sa jeune maîtresse dans la gestion de la chose publique et de facon informelle. La raison de cette intrusion est toute trouvée: cette dernière est issue du Nord de la Côte d’Ivoire(porteuse de la rebeliion). En outre, elle aurait cohabité avec Hamed Bakayoko au Burkina Faso, et serait l’ex-fiancée de Soro Guillaume(selon Charles Onana): deux personnalités de l’ex-rebellion. Simone s’accomode de cette situation de ménage à 3, pour la sauvegarde de la paix en Côte d’Ivoire. Dorénavant, Laurent Gbagbo utilise à la fois les canaux officiels de négociation avec l’ex-rebellion et les canaux informels chapeautés par sa jeune maîtresse. Les moyens de l’État sont mis à la disposition de cette dernière pour les besoins de la cause. Son influence grimpe tranquillement mais insidieusement. L’élection de 2010 arrive. Tous les acteurs en place ont chacun un agenda caché, sauf Simone Gbagbo qui espère que son époux gagne démocratiquement l’élection, ce qui mettrait fin à 8 ans de crise. Pour Simone Gbagbo, beaucoup trop de chantiers sociaux étaient en souffrance. Le 11 avril 2011, la crise post-électorale s’achève avec l’arrestation de Simone, Laurent Gbagbo et d’autres proches. Après 7 ans de prison pour Simone et 10 ans pour Laurent Gbagbo, le couple est libre. La maîtresse de Gbagbo elle, n’a jamais été inquiétée en Côte d’Ivoire, tant pour ses acquis financiers qu’ immobiliers jusqu’au 17 juin 2021.
l’holocauste mère:
Pendant plusieurs années, les enfants Gbagbo subissent l’influence néfaste de la maîtresse de leur père. Préparés par leurs parents quant aux sacrifices qu’implique leur engagement politique, ils sont demeurés dignes malgré les périls qui ont touché intimement leur famille. Toutefois, Nady Bamba réussit à s’incruster auprès des enfants du couple Gbagbo et divise la famille biologique de son amant. L’une des filles de Simone se sépare de son mari au profit de la nièce de Nady Bamba. Avec l’annonce de son divorce faite le 21 juin de façon abracadabrantesque, nul ne sait si les enfants de Simone Gbagbo seront déshérités comme le furent ceux de Johnny Halliday. Quel spectacle déchirant pour une mère que d’assister au malheur de ses enfants, lesquels paient une erreur de libido de leur père, un homme qu’elle a érigé en mythe!
En bref…
Au delà du divorce du couple Gbagbo et des nombreuses victimes de la crise ivoirienne, les mandants de Nady Bamba auront réussi à briser le leadership d’un couple qui incarnait le combat pour l’émancipation de l’Afrique francophone dans le pré-carré français. Simone Gbagbo est d’ores et dejà brandie par les médias mainstream comme étant l’unique responsable des choix politiques de Laurent Gbagbo. L’implication de la maîtresse de Laurent Gbagbo est expressément occultée. Cette dernière serait présentée comme étant celle sans laquelle Laurent Gbagbo n’aurait pas tenu le coup à la CPI. La croyance religieuse de Simone Gbagbo n’est pas en reste dans la propagande de diabolisation de cette icône. Ce serait à cause d’elle que Laurent Gbagbo avait quitté l’église catholique; comme si du temps qu’il fréquentait ladite église catholique, on lui avait enseigné les valeurs cardinales du mariage et la responsabilité dans la gestion du bien commun. Ailleurs, l’appartenance aux loges ésotériques des personnalités politiques n’interesse absolument personne. Mais dans le cas des Gbagbo, la croyance de Simone dérangeait visiblement ceux qui en font des titres de breaking news en Occident. Rien ne se fait au hasard. Madame Gbagbo( qui restera du moins la plus emblématique des femmes de Laurent Gbagbo) tire son assurance et sa force mentale dans sa croyance religieuse. Une autre source de force mentale de cette combattante qui dérange.
En terminant, la communauté dite internationale avait le choix de déporter Simone ou Laurent Gbagbo. Le choix de déporter celui des Gbagbo qu’on pouvait contrôler et briser a été vite fait.
Lorsque le monde découvre avec consternation la déconfiture et l’humiliation de Simone Gbagbo, des hommes et des femmes d’Afrique relèguent son drame à un divorce banal et égrènent des exemples de politiciens divorcés. Le patriarcat africain reste stoïque face à la »chute » d’une grande héroine du combat contre l’impérialisme occidental. L’histoire de Simone Gbagbo est un sérieux coup porté à l’engagement des femmes dans le combat de libération en Afrique francophone. Sans le leadership politique feminin, notre lutte de libération est vouée à balbutier. L’Afrique s’est mobilisée pour la libération de Laurent Gbagbo, mais elle se tait devant la destruction par l’impérialisme occidental de celle qui a construit le mythe Gbagbo Laurent.
Nous aimons citer Winnie Mandela comme étant une icône dans la lutte anti-Apartheid en Afrique du Sud. Cependant, Winnie Mandela est une icône de l’Afrique anglophone avant tout. Simone Gbagbo était en passe de devenir la nôtre en Afrique francophone, mais ses bourreaux savaient qu’ils pouvaient compter sur nous pour valider sa destruction.
Quant à Nady Bamba qui contrôle désormais le FPI, fruit des sacrifices de Simone Gbagbo, elle se prépare dejà à l’après Gbagbo. L’héritage du patrimoine immatériel de Laurent Gbagbo est immense. Mais hélas, celle qui l’aura co-fondé, ses enfants en seront probablement juridiquement dépossédés. Ainsi va la Côte d’Ivoire! Ainsi va l’Afrique! Ainsi l’homme africain travaille à la chosification de la femme africaine!
En Afrique, il y a une catégorie de femmes qui n’ont aucune conscience des enjeux que portent les couples dans lesquelles elles s’immiscent. Anne Pingeot avait été solidaire de Danielle Mitterand pendant que leur homme faisait assassiner Sankara, orchestrait le génocide au Rwanda, pillait l’Afrique pour l’intérêt de la France. Elles ont été patriotes au delà de leur rivalité amoureuse.
Ce sont les femmes PATRIOTES de Côte d’Ivoire qui devront entonner la clameur pour la restauration des droits MORAUX et matériels de Simone Ehivet Gbagbo. L’indignation et la réparation des préjudices causés à elle ne viendront jamais des hommes.
Yolande Mindjongo analyste politique