Il est temps pour les membres de la défunte Cour constitutionnelle de se repentir devant le peuple de Guinée.
De tous les péchés commis contre le peuple de Guinée pendant ces trois dernières années, les magistrats, notamment les Juges de la défunte cour constitutionnelle, ont commis les plus graves.
S’il n’est un secret pour personne que certains magistrats ont souillé leur serment en emprisonnant injustement des opposants au projet de présidence à vie de Monsieur Alpha Condé, il est aussi obvie que nos ex-sages n’ont pas fait la fierté de la Guinée dans la formation de la jurisprudence constitutionnelle africaine.
La politique du ventre ayant pris le dessus, nos sages ont renoncé au Droit et à leur conscience pour dépouiller cette institution des valeurs qui la fondaient.
Notre défunte cour constitutionnelle était tout sauf un organe juridictionnel indépendant. La motivation de ses arrêts, aux allures de conclusions en réplique, était, dans la plus part des cas, la traduction d’un militantisme manifeste et l’expression d’une alliance contre nature avec le pouvoir politique pour regarder dans la même direction. Elle voyait en noir là où tous les juristes avertis voyant en blanc. Les arrêts étaient d’abord soumis à l’approbation de Sékhoutouréyah avant d’être rendus publics. Nos sages avaient l’incroyable talent de renverser la pyramide pour pérenniser la souffrance du peuple à travers des arrêts taillés sur mesure.
Comment peut-on être aussi éborgné au point de nier l’évidence d’une falsification qu’un simple collégien pouvait relever ?[1]
« Quand la politique entre par la porte, le Droit s’en fuit par la fenêtre.»[2]
Rappelons que dans la marche vers le 3ème mandat de Monsieur Alpha CONDE, la défunte cour constitutionnelle a, le 19 décembre 2019, donné un avis favorable à l’adoption d’une nouvelle constitution dont l’avant-projet a été publié le même jour[3].
Cet avant-projet qui a été publié sur le site internet du Gouvernement était composé d’un préambule et de 161 articles[4].
Courant janvier 2020, le projet de texte constitutionnel de 157 articles a été publié au journal officiel (dans un numéro spécial)[5].
C’est finalement ce projet qui aura servi de supports pour tous les promoteurs de la nouvelle constitution qui sera voté, dans le sang, le 22 Mars 2020.
Après la proclamation de la victoire du « OUI » par la CENI suivie de l’arrêt N° AE 007 du 03 Avril 2020 de la Cour constitutionnelle, le Président de la République a, par décret D/2020/073/PRG/SGG du 06 Avril 2020, promulgué, dit-on, la Constitution soumise au référendum constitutionnel du 22 Mars 2020.
Contre toute attente, le 14 Avril 2020, date de sa publication au Journal officiel de la République, il a été constaté la publication d’une « constitution » différente du projet soumis à la consultation populaire du 22 Mars 2020[6].
En effet, de 157 articles, le projet de constitution s’est retrouvé amputé d’un article après la publication au journal officiel de la République. Les articles 13, 17, 31 alinéa 2, 37 alinéa 3, 39, 42, 43 alinéas 2 et 3, 47 alinéa 1, 52 alinéa 3, 68 alinéa 1, 71, 76 ; 77, 83, 84, 90, 106, 107 alinéa 3, 119 alinéas 4 et 5, 120 et 132 ont été substantiellement modifiés ou substitués.
Saisi par un groupe de députés pour avis, notre incroyable défunte cour constitutionnelle a, par arrêt rendu le 11 juin 2020, refusé de constater la falsification du texte constitutionnel et blanchi ce banditisme juridique[7].
Les critiques du Barreau, des universitaires de renom, de la mission de la CEDEAO, de l’Union africaine et des nations unies, des politiques et des acteurs de la société civile sur cette affaire gênante n’ont pas empêché notre défunte cour constitutionnelle de nous assommer avec un communiqué[8] soutenant que :
« Le projet de constitution publié au journal officiel de la République de janvier 2020, aux fins de vulgarisation dans les organes de presse, n’est pas du tout celui qui a été soumis au peuple et adopté le 22 Mars 2020 ».
La cour a ajouté : « de toute évidence, ce projet après son adoption par le peuple le 22 Mars 2020 est devenu la nouvelle constitution de la République de Guinée. L’arrêt N° AE 007 du 03 Avril 2020 de la Cour constitutionnelle a validé la procédure de son adoption ».
Ainsi, la défunte cour aura entretenu le flou et la confusion autour de cette procédure référendaire tendant à imposer aux guinéens un projet de texte fantôme.
Le temps étant le second nom de Dieu, ce faux constitutionnel a survécu à la chute du régime de Monsieur Alpha CONDE le 05 Septembre 2021. Ce lundi 31 octobre 2021, sur les ondes de la radio Espace FM, le Colonel Amara CAMARA, Ministre Secrétaire Général à la présidence, n’a pas hésité de dénoncer cette situation qui n’était qu’un recule démocratique.
Dans ces conditions, peut-on dire, qu’à force de tuer le Droit pour servir un homme et son système, nos sages de la défunte cour constitutionnelle ont inconsciemment favorisé le coup de force du 05 Septembre 2021 ? Où sont passés ces mercenaires du Droit ?
Dans tous les cas, notre défunte Cour Constitutionnelle, gardienne de la Constitution, a failli à ses responsabilités pour le rétablissement de l’Ordre constitutionnel, le respect de l’Etat de Droit et l’observation des principes essentiels de la démocratie.
Confessez-vous pendant qu’il est temps !
Maître Pépé Antoine LAMA
Avocat au Barreau de Guinée
Membre du Conseil de l’Ordre des Avocats
pepeantoine83@gmail.com