A la veille de son départ pour Abidjan où il est convié à la réunion régionale des experts du contre-terrorisme sur les questions liées au renforcement de la coopération nationale et régionale dans les secteurs de la sécurité et de la justice dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest, le Procureur de la République près le tribunal de Labé, en compagnie de ses collègues, a rendu une visite de courtoisie au grand Calife de la ville de Labé en la personne de l’Imam EL Hadj Thierno Mamadou Badrou BAH, Inspecteur régional des affaires religieuses de Labé.
L’objet de cette visite était de d’expliquer au religieux les tenants et les aboutissants de cette affaire relativement au décès d’Abdourahmane DIALLO à la Maison centrale de Labé.
Après les salutations d’usage, le Procureur a expliqué à l’Érudit qu’il n’a jamais pris connaissance de la décision accordant la liberté au défunt, dans la mesure où la date de la communication de cette décision à son parquet a coïncidé à son déplacement hors de Labé, dans le cadre du programme d’inspection des justices de paix, des prisons et des services de police judiciaires qu’il avait entamés.
Étant ainsi en déplacement en dehors de Labé pour les raisons susmentionnées, son substitut a reçu le dossier, visé l’ordonnance de soit-communiqué de la décision et chargé le greffier du parquet de de transmettre ledit dossier dès le retour de mission du Procureur.
Mais fort malheureusement, plutôt que de de transmettre le dossier au bureau du Procureur comme cela se doit, le greffier l’a directement transmis à Monsieur le chef de greffe pour être classé tandis que l’ordre de mise en liberté n’était pas encore signé.
C’est dans ces circonstances que feu Abdourahmane DIALLO est resté en détention à la Maison centrale sans que le Procureur ne sois informé de tout ce qui précède, jusqu’à ce qu’il tombe malade.
Dans la soirée du mardi 21 mars, aussitôt informé de l’état de santé du détenu par le Régisseur de la Maison centrale, le Procureur a comme d’habitude, réagi promptement en demandant au Directeur de l’hôpital régional de Labé d’instruire ses services afin que le malade soit admis aux urgences et soigné, ce qui fut fait.
Mais malheureusement, aux environs de 4 heures du matin, ce dernier a rendu l’âme.
Avisé par la Maison centrale, le Procureur a immédiatement rencontré les parents du défunt auxquels il a, au nom de son parquet, du département de la justice et des droits de l’Homme, présenté les condoléances les plus émues.
En dépit du fait que le Procureur n’a jamais été informé de l’existence de cette décision, étant donné que le dossier n’est jamais arrivé à son bureau, le Procureur a expliqué qu’il est régulièrement à la Maison centrale de Labé afin de s’enquérir de la situation carcérale des détenus.
Pendant ces visites, il a l’habitude de parcourir toutes les cellules pour constater de visu les difficultés que rencontrent ces détenus en prison afin d’apporter des solutions.
Même à la veille du décès de feu Abdourahmane DIALLO, le Procureur y était et à l’occasion, il a échangé à bâtons rompus, dans la cour de la prison, avec tous les détenus qui avaient des demandes à lui soumettre, ce en présence de Monsieur le Régisseur et ses collaborateurs. Toutefois, le défunt qui, selon le juge d’instruction, avait reçu notification de l’ordonnance de non-lieu depuis belle lurette, n’a curieusement rien dit à ce sujet, ni même au Régisseur par le biais duquel le procureur reçoit régulièrement des courriers qui lui sont adressés par les détenus (information vérifiable).
Après avoir reçu l’appel de l’inspecteur général des services judiciaires lui demandant un rapport sur cette affaire, le Procureur a aussitôt réuni tout le personnel essentiel (magistrats et greffiers) et ensemble ils ont procédé aux investigations qui ont mené à la triste réalité, à savoir que le greffier du parquet, au lieu de transmettre le dossier de la procédure contenant la décision au Procureur, à son retour de la mission d’inspection, l’a plutôt transmis au chef de greffe qui l’a classé. Ce constat a été fait en présence de tous.
Le Procureur a déclaré avoir été arbitrairement suspendu par le Garde des sceaux alors que ce dernier lui avait demandé de produire un rapport relativement à ce cas de décès.
L’inspecteur général des services judiciaires lui avait imparti un délai qui courrait jusqu’au mardi.
Il a soutenu que pendant qu’il rédigeait le rapport en question il l’a suspendu de ses fonctions, sans même lui donner la moindre chance de donner sa version des faits alors qu’il n’est pour rien dans cette affaire.
C’est à travers les réseaux sociaux qu’il a appris la nouvelle de sa suspension alors que la décision quoi qu’arbitraire devrait lui être notifiée dans les formes requises par la loi.
Le Procureur a indiqué n’avoir commis aucune faute professionnelle dans cette affaire dans la mesure où il est lui-même foncièrement attaché au respect des droits de l’Homme, en particulier des détenus.
Il a révélé qu’en 12 ans de carrière il est l’un des rares Magistrats à n’avoir jamais fait l’objet de la moindre plainte à plus forte raison une quelconque sanction.
Il a conclu en remerciant le Calife pour l’entente et la bonne collaboration qui ont marqué leurs relations durant son séjour professionnel à Labé.
Le Calife Badrou BAH, à son tour a pris la parole pour remercier le Procureur pour le grand respect qu’il a toujours fait montre à son égard et pour son dévouement relativement au rayonnement de la justice à Labé et lui a dit en ces termes :
« Monsieur le Procureur vous jouissez d’un immense respect dans la ville de Labé, dans la mesure où la population vous fait confiance. Nous voyons à longueur de journée les actes que vous posez à Labé dans le cadre de vos fonctions. Soyez rassurez que nous sommes touchés par ce qui vous arrive puisque vous ne le méritez pas.
Ne dites pas que vous quittez Labé, sachez que la décision ne parle que de suspension, elle est donc provisoire. Et nous vous informons que nous ne resterons pas les bras croisés dans cette affaire, vous avez nos bénédictions et notre soutien total ».
C’est sur ses mots que le Procureur et sa délégation se sont retirés après les bénédictions du Calife.
Selon plusieurs témoignages concordants et consolidés, le Calife a soutenu que durant ces dix dernières années, Labé n’a pas connu un Procureur aussi proche de la population et dévoué dans la cadre de la lutte contre la criminalité dans cette région comme Abdoulaye Israël Kpogomou.Le grand imam accorde son soutien total au procureur de labe et le félicite pour ses actions salvatrices pour le rayonnement de la justice à labe .
Par Mariam DOUMBOUYA depuis Labé