LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO :
‘’Un outil d’intégration au service des peuples’’
Le traité de Lagos du 28 Mai 1975 instituant la CEDEAO faisait des droits de l’homme un moyen efficace d’intégration des peuples de l’espace. Cette ambition politique et économique s’est vite butée à la recrudescence des instabilités politiques des Etats membres issus pour la plupart des régimes à Partis Uniques. C’est dans ce contexte politique particulièrement sensible qu’a été adopté à Abuja le 24 juillet 1993, le traité révisé. Ce traité révisé pose en ses articles 6 et 15 le principe de la création d’une Cour de justice pour les communautés de la zone de libre-échange CEDEAO, mais il faut rappeler que cette Cour avait été conçue sous forme de « Tribunal de la communauté » par le traité constitutif de 1975 et à la suite du protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de 1991.
Les modifications apportées à son protocole originel dans les protocoles additionnels de la Cour des 19 janvier 2005 et 14 juin 2006, font de la Cour de justice de la communauté de la CEDEAO, un véritable acteur dans la protection et la promotion des droits de l’homme dans l’espace.
La Cour s’est également dotée d’un règlement de procédure qui demeure encore en vigueur.
I- La Cour de justice de la CEDEAO, une juridiction sous régionale à compétence élargie :
La CJCC a une triple compétence.
En matière contentieuse, elle a compétence pour interpréter et appliquer tous les instruments juridiques internationaux pertinents ratifiés par l’Etat défendeur, et en outre, toutes autres règles établies en droit international des droits de l’homme y compris celles issues de la doctrine et de la jurisprudence internationale.
La cour applique aux termes de l’article 38 de son statut, le traité, les conventions, protocoles et règlements adoptés par la communauté ainsi que les principes généraux de droit. En matière institutionnelle, elle intervient pour régler les litiges entre institutions et entre les institutions et leurs personnels.
En matière consultative, la cour rend un avis consultatif sur toute question juridique qui nécessité une interprétation d’un texte communautaire.
En matière arbitrale ; la cour est compétente pour agir comme arbitre, en attendant la création d’un tribunal arbitral ainsi qu’il est prévu à l’article 16 du traité révisé.
A ces multitudes de règles de compétence, il faut ajouter que la cour est compétente en matière de contentieux de la fonction publique de la communauté, en matière de contentieux des droits de l’homme, contentieux des Etats membres de leurs obligations encore appelé recours en manquement…
En matière de protection des droits de l’homme, contrairement à toutes les autres juridictions régionales et internationales, la règle de l’épuisement préalable des voies de recours n’est point une exigence, or très tôt, la CIJ a posé le principe de l’épuisement des voies comme une règle fondamentale des juridictions internationales dans le célèbre ‘’arrêt INTERHANDEL opposant la Suisse au USA.
La Cour de justice de la CEDEAO applique de ce fait, la règle de litispendance et non ‘’la res judicata’’.
En effet, un citoyen d’un Etat membre peut saisir directement la Cour sans avoir à épuiser les voies de recours internes. C’est le contentieux le plus abondant, plus 84% des dossiers.
Cette facilité de saisine assure un forum shopping au plaideur, qui peut saisir en option initialement la Cour Africaine des droits de l’homme des peuples avant de saisir la Cour de justice de la CEDEAO.
II- La Cour de justice de la CEDEAO, une gardienne de la protection des droits de l’homme :
La cour est composée de 5 magistrats indépendants, des personnes de hautes moralités nommées par la Conférence des chefs d’Etats membres, pour un mandat de quatre (4) ans renouvelable, sur recommandation du conseil judicaire de la communauté.
Elle est saisie des plaintes individuelles et du recours des Etats à la condition pour la première que l’Etat ait ratifié le traité et qu’il ait fait une déclaration facultative de compétence individuelle de la Cour.
Elle jouit d’une garantie d’indépendance envers les Etats membres et autres institutions de la communauté. Ses décisions sont exécutoires et revêtent un caractère définitif.
En dehors du recours en révision, il n’existe aucune voie de recours ouverte contre les décisions rendues par la Cour, ce qui n’assure donc pas aux plaideurs le principe de double degré de juridiction.
De nos jours, la Cour a rendu près de 1000 arrêts mais seulement 32% de ses arrêts ont connu une exécution.
Cette difficulté d’exécution des arrêts de la Cour de justice de la CEDEAO, engendre assez de problèmes en matière de mise en œuvre des objectifs de protection des droits de l’homme de la Cour.
Aussi ne démontre-t-il pas le caractère ambivalent de la Cour de justice de la CEDEAO eu égard aux fractures socio-politiques entre les Chefs d’Etats et de gouvernement ?