Quand l’amnésie devient stratégie : Ouattara, Thiam et le spectre d’un passé non assumé !
Dans une déclaration rendue publique ce mardi 22 avril 2025, Tidjane Thiam, candidat du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) à la présidentielle d’octobre prochain, a rejeté « avec détermination » sa radiation de la liste électorale, dénonçant une atteinte à sa dignité. Il s’agit là d’un nouvel épisode d’un feuilleton politique qui vire à la tragédie nationale, où le droit de concourir à la magistrature suprême est réservé à ceux qui plaisent au prince.
Alassane DRAMANE Ouattara, qui n’a décidément rien retenu des douleurs du passé, poursuit son entreprise de confiscation du jeu démocratique. Après avoir éliminé tour à tour ses adversaires les plus sérieux par des procédés juridiques douteux, le président sortant, fort du soutien complice de la CEDEAO, s’achemine vers une candidature pour un quatrième mandat anticonstitutionnel, dans un silence international assourdissant.
La question de la nationalité, qui avait enflammé la Côte d’Ivoire dans les années 1990 et débouché sur une décennie de crises, revient tragiquement au-devant de la scène. Tidjane Thiam, après avoir renoncé à sa nationalité française pour satisfaire aux exigences de la Constitution ivoirienne, se retrouve aujourd’hui dans une situation kafkaïenne : privé de la nationalité française, contesté dans sa nationalité ivoirienne par une décision judiciaire, il devient de facto apatride. Un comble, dans un pays où Alassane Ouattara lui-même avait été l’objet de controverses similaires sans que cela ne l’empêche, au prix de plus de 3.000 morts, d’accéder au pouvoir en 2011.
Il est donc permis de s’interroger : que reste-t-il des leçons du passé ? Ouattara, qui a su mobiliser toute la communauté internationale lorsque sa propre ivoirité fut remise en question, adopte aujourd’hui une logique d’exclusion à géométrie variable. Le cynisme de cette posture n’a d’égal que son hypocrisie. La mémoire courte du chef de l’État transforme les plaies non refermées de la nation en instruments de sa réélection, au mépris du vivre-ensemble et de la paix civile.
Quant à Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo, tous deux radiés de la liste électorale, ils n’entendent pas se laisser effacer sans résistance. Et c’est toute la Côte d’Ivoire qui pourrait entrer dans une zone de turbulences, à moins que les Ivoiriens ne décident de se dresser face à cette répétition tragique de l’histoire. Car si l’on ne tire aucune leçon du passé, c’est le passé lui-même qui revient pour nous juger.
Alassane DRAMANE Ouattara fait de l’oubli un principe politique. Mais un pays qui refuse de se souvenir est condamné à revivre ses tragédies. Et la Côte d’Ivoire mérite mieux que cette mémoire sélective au service d’une ambition personnelle sans limites.
Abdoulaye SANKARA