Feu Bah Mamadou l’avait rêvé à haute voix : devisant dans un grand journal de la place à l’orée de l’élection présidentielle de 1999 il déclarait en substance que ce n’est pas des élections qu’il nous faut c’est un général de guerre qu’il nous faudrait recruter. Cette sortie médiatique n’avait pas suscité à l’époque une réaction politique organisée. Pourtant le personnage n’était pas à ses premières gaffes. N’avait-il pas soutenu que la Guinée n’était pas une famille et que la seule chose que nous avons en partage c’est le pouvoir. Et que si les malinkés avaient gouvernés, les soussous aussi, n’étaient-ils pas temps d’essayer un peulh. Ces paroles étaient bien marginales à l’époque. Mais en politique, si on prépare les conditions de possibilités d’une action c’est-à-dire si on mène une bataille, elle advient inexorablement. C’est le grand legs d’Antonio Gramsci à la science politique.
De toute évidence, les mots, les intentions qui étaient dans ces déclarations font office de nos jours de testament politique. Son application et sa mise en œuvre sont sérieusement pris en charge par l’équipe dirigeante actuelle à la tête duquelle trône Celou Dalein Diallo. Cela se concrétise avec l’alliance Dalein- Dadis.
En apparence tout devrait éloigner ce commis de l’Etat de ces contorsions. L’homme est décrit pour sa pondération et son sérieux, deux qualités qui lui ont permis de gravir les échelons du pouvoir. De plus, son intronisation comme leader de l’UFDG avec la bénédiction de Bah Mamadou pouvait se comprendre comme une volonté du doyen d’inscrire le parti dans une culture gouvernementale. En gros c’est une opération de captation de crédibilités. C’est d’ailleurs pour cette raison que Bah Oury, Saliou Bella entre autres deux préposés pour la fonction, perdirent l’onction du vieux devant Celou. Le premier aujourd’hui se signalant par sa contestation de la ligne du parti l’autre rejoignit la mouvance présidentielle ne supportant pas le leadership de Dalein.
Aujourd’hui l’officialisation de l’alliance Celou- Dalein et Dadis sonne comme une remise en cause de la stratégie de respectabilité du parti et un retour en arrière avec les démons de la radicalisation. La vérité de cette démesure se trouve dans l’alliance avec Dadis. Comment en rendre compte ?
Alliance Celou Dadis : de quoi est-elle le nom ?
Orpheline du soutien de l’Union des forces républicaines, l’UFDG devait se trouver une force pouvant lui apporter le complément de voix nécessaires à sa victoire au second tour. D’où le choix controversé de Dadis. Curieusement, ce choix ne procède pas d’une réponse conjoncturelle à la question de l’alliance, elle s’inscrit plutôt dans l’ADN de ce parti, qui depuis le début a fait de la conquête du pouvoir par la force de contestation de la rue l’alpha et l’OME GA de sa stratégie politique.
Cette ambition a pris au début la forme de grèves estudiantines : la génération Atigou Bah, Sadio et autres manipulés par Bah Oury y ont fait leurs classes. Le régime à l’époque de Conté tint bon. Les lois anti casseurs adoptées à l’époque constituent la réponse du régime à la radicalisation. Puis les choses s’intensifièrent avec le précédent Kaporo rails la contestation se socialisa et prit élection dans la zone de Bambéto Cosa. 2007 à l’occasion de la grève sociale, elle paya un tribut humain dans la purge du pouvoir. Ella gagna du point de vue de ces partisans l’appellation de l’axe de la liberté, puis en 2010 elle perdit beaucoup dans le massacre du 28 septembre au stade du même nom. Enfin après les élections présidentielles non content de la défaite de leurs champions l’axe devint le siège de l’ingouvernabilité et l’UFDG son aile politique inaugura une « opposition sepulturale » comptant ses morts, ses victimes à chaque fin de manifestation et se refusa à tout compromis intelligent avec le pouvoir pouvant faire avancer les choses contrairement aux pratiques de tout parti de gouvernement.
C’est ce cycle de violence qui imprègne la stratégie politique de l’UFDG qui culmine dans ce mariage de raison avec les forces favorables à Dadis. Cette option a fini par avoir raison de l’alliance de l’UFDG avec l’UFR contrairement à une idée répandue qui attribue ce resultat à la candidature unique.
Cette alliance politique fait donc converger deux radicalités : ce n’est pas le contingent électoral qui est espéré de la part de Dadis, ce sont les troupes en déshérences pouvant apporter le moment venu un appoint à la virulence de la rue. Il s’agit principalement des jeunes de kaleya, qui au bas mot sont plus d’un millier rompue à la manipulation des armes. Aujourd’hui, pour la plupart victimes de la réforme des forces de défense et de sécurité qui sont espérés.
Il s’agit également de l’appui d’une partie des forces militaires qui, tapissent dans l’ombre continuant à faire allégeance à celui qu’ils appelaient le père affectueusement qui est attendu. C’est cela le pari de l’UFDG dans cette alliance et non l’hypothétique poids politique de Dadis.
Combien pèse-t-il électoralement ? Nous n’en savons rien, mais ce qui est sure la mitraille, les troupes en rupture de ban et la soldatesque lui sont favorables. C’est cela son crédit politique.
Sous cet éclairage, cette alliance est le nom de la guerre civile, du chao social de la mise sous tutelle des choix nationaux. Le débat sur le chronogramme électoral laissait entrevoir cette posture avec les militants chauffés en blanc, s’attaquant aux forces de l’ordre, recherchant autres choses que l’aboutissement de leurs revendications. Derrière, cela se profile le schéma ivoirien avec des casques bleus et la fin de la souveraineté nationale. Telle est la stratégie politique de l’UFDG.
Il est temps que les forces progressistes au sein du parti se réveillent et dénoncent une alliance qui condamne l’UFDG à l’opposition éternelle. Wa Salam
Moussa Diabaté, sociologue