Vous en connaissez certains. Vous en avez certainement oublié d’autres. Alors que le sort de Gilbert Diendéré pose question au Burkina, Jeune Afrique se penche sur le destin des leaders des coups d’État de ces dix dernières années.
« Je n’ai pas peur d’affronter la justice. Je prends toutes mes responsabilités, j’assume pleinement ma responsabilité, je répondrai aux questions qu’on me posera, je ne vais pas nier qu’il y a eu des morts », a déclaré Gilbert Diendéré, éphémère leader putschiste du Burkina Faso, mercredi 23 septembre dans une conférence de presse.
S’il est encore difficile de savoir quel sera le sort réservé à l’ancien bras-droit de Blaise Compaoré, il est loin d’être le premier à avoir lié son destin à celui d’un coup d’État, « justifié » ou non. Voici dix de ses prédécesseurs et ce qu’ils sont devenus. Une liste non exhaustive mais presque…
Ely Ould Mohamed Vall >> EN ACTIVITÉ
Formé à l’académie royale de Meknès, au Maroc, Ely Ould Mohamed Vall a occupé ses premiers postes de commandement lors de la guerre du Sahara occidental, au nord de la Mauritanie. Un temps directeur de la Sûreté nationale, il est à la tête de l’armée lorsque celle-ci renverse le régime du président Maaouiya Ould Taya. Chef de l’État de 2005 à 2007, Ely Ould Mohamed Vall gère la transition et l’organisation des élections, auxquelles lui-même refuse de prendre part, qui mèneront, le 25 mars 2007, à l’élection de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi à la présidence.
Ely Ould Mohamed Vall participe par la suite à des missions de médiation dans des pays africains en proie à des conflits latents. Surtout, il est aujourd’hui de plus en plus impliqué sur la scène intérieure. Cousin et néanmoins rival du chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz, il était notamment en pointe de la contestation lors de la présidentielle 2014, qu’il a dénoncée comme une mascarade. Il avait d’ailleurs soutenu le boycott du scrutin par l’opposition et reste l’un des opposants à un maintien au pouvoir de Mohamed Ould Abdelaziz.
Mohamed Ould Abdel Aziz >> AU POUVOIR
Il est l’un des putschistes à s’en être le mieux sorti. Présents au premier plan lors du coup d’État de Ely Ould Mohamed Vall en 2005, il a récidivé trois ans plus tard, en renversant le président élu en 2007, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui l’avait élevé au grade de général puis nommé chef d’état-major particulier. Autoproclamé président du Haut conseil d’État, il démissionne pour se présenter à la présidentielle en 2009 et est élu président au premier tour.
Réélu en 2014 dans un scrutin controversé et boycotté par l’opposition, ses opposants, dont Ely Ould Mohamed Vall, le soupçonne de préparer son maintien au pouvoir au-delà des deux mandats que lui permet la Constitution. « Mohamed Ould Abdelaziz renforce son parti pour remporter une confortable majorité, puis il négociera une élection à la Vladimir Poutine – en en portant un autre au pouvoir -, avant de revenir pour la présidentielle suivante », expliquait Ely Ould Mohamed Vall à Jeune Afrique.
Moussa Dadis Camara >> EN EXIL
Le 23 décembre 2008, Moussa Dadis Camara est porté à la tête du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), qui a suspendu la Constitution guinéenne quelques heures après l’annonce de la mort du président Lansana Conté. Le lendemain, il est porté à la présidence. Celle-ci bascule toutefois avec le massacre du stade de Conakry, le 28 septembre 2009. Des dissensions apparaissent au sein du CNDD et, le 3 décembre 2009, « Dadis » est victime d’une tentative d’assassinat.
Touché à la tête, il est hospitalisé au Maroc. Il vient en réalité de perdre le pouvoir. Forcé à l’exil, il signe son renoncement à Ouagadougou le 15 janvier 2010. Depuis, l’ancien capitaine a plusieurs fois tenté de briser son exil. Le 26 août dernier, alors qu’il était encore candidat à la présidentielle du 11 octobre, il a embarqué pour un vol à destination d’Abidjan, d’où il devait rejoindre Conakry. Mais, si l’appareil a effectivement décollé, il a été détourné vers le Ghana, sur demande du président guinéen Alpha Condé à son homologue ivoirien. Retour à Ouagadougou. Bloqué au Burkina, Moussa Dadis Camara a annoncé le 23 septembre qu’il renonçait à participer au processus électoral de la présidentielle.
Andry Rajoelina >> EN ACTIVITÉ
Après la prise du palais présidentiel le 16 mars 2009 par des militaires favorables à Andry Rajoelina, le maire d’Antananarivo, le président Marc Ravalomanana remet ses pouvoirs à l’armée qui les transmet à son tour à « Andry ». Président de la Haute autorité, il occupe le poste jusqu’à la présidentielle de 2013, à laquelle, sous la pression internationale, il renonce à se porter candidat à la condition que Marc Ravalomanana, fasse de même.
Andry Rajoelina apporte toutefois son soutien à la candidature de son ministre des Finances, Hery Rajaonarimampianina, élu président, qui a rapidement souhaité prendre ses distances. Son ombre, politique et financière, plane toutefois toujours sur les plus hautes autorités malgaches. Les députés de son camp ont notamment voté en faveur de la destitution du président, en mai dernier.
Salou Djibo >> À LA RETRAITE
À la tête du coup d’État du 18 février 2010, qui interrompt le processus du tu tazartché (« continuité ») en renversant le président Mamadou Tandja, Salou Djibo dirige le Niger en qualité de président du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, du 22 février 2010 au 7 avril 2011, date à laquelle il transmet ses pouvoirs au nouveau président de la République élu, Mahamadou Issoufou.
Depuis, le général a progressivement disparu des radars. Disposant du statut d’ancien chef d’État, et notamment de la résidence qui l’accompagne à Niamey, celui-ci a d’abord beaucoup voyagé puis a mis à profit son expérience dans une Fondation africaine pour la démocratie et le développement (FADD) ou dans une mission d’observation électorale en Guinée-Bissau. Sur la scène intérieure, le retraité reste toutefois le plus discret possible, entre la capitale et son village natal de Namaro.
Amadou Haya Sanogo >> EN DÉTENTION
À la suite du coup d’État du 22 mars, Amadou Haya Sanogo devient président du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE). Il est nommé chef de l’État le 26 mars 2012. Sous la pression internationale, il est toutefois contraint de rendre le pouvoir le 12 avril, alors que le MNLA a conquis la moitié nord du Mali et déclaré l’indépendance de l’Azawad. Dirigeant, de fait, les affaires du pays, jusqu’à l’élection présidentielle de 2013, il est promu général de corps d’armée le 14 août 2013.
Il est toutefois arrêté le 27 novembre de cette même année et écroué à Bamako, dans le cadre de la disparition des Bérets rouges ayant suivi la tentative de contre-coup d’État des commandos parachutistes le 30 avril 2012. Amadou Haya Sanogo est aujourd’hui toujours en détention à Manantali, à 200 kilomètres à l’ouest de Bamako, en attendant que le dossier aboutisse devant une Cour d’assises. Son mandat de dépôt a été renouvelé fin 2014 mais aucune date de procès n’a été annoncée.
António Indjai >> EN ACTIVITÉ
Putschiste récidiviste recherché par la justice américaine pour complicité de narcotrafic présumée, l’ancien chef d’état-major de l’armée bissau-guinéenne, débarqué en septembre 2014, continue de couler des jours heureux dans un endroit connu de tous à Bissau. Passant entre les mailles du filet des Américains, il a même affirmé, fin 2014, vouloir se consacrer à l’agriculture. Sans rire.
Dans les lieux publics de Bissau, on continue toutefois de prononcer son nom à voix basse, ce qui en dit long sur sa capacité de nuisance. Même écarté, officiellement, de la tête de l’armée, il garderait sans inquiétude la haute main sur la coupe sauvage de bois ou le business de la cocaïne, sur lequel il prélèverait son pourcentage. António Indjai passe toujours pour le « parrain tropical » de tous les trafics.
Michel Djotodia >> EN EXIL
Michel Djotodia, membre de l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement) et de la Séléka devient président de la République en mars 2013 après le renversement de François Bozizé. Il démissionne le 10 janvier 2014, sous la pression des chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, réunis à N’Djamena. Il se réfugie alors au Bénin, à Cotonou, où il possède une résidence et d’où il continue aujourd’hui d’avoir le regard tourné vers la Centrafrique dirigée par Catherine Samba-Panza.
Voyageant à Lagos ou plus fréquemment Nairobi, où des leaders de l’ancienne Séléka se succèdent, il a tenté de trouver des soutiens dans l’optique de son retour au pays. Il a notamment démarché l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), dirigée par le général Ali Darassa et l’Organisation de la conférence islamique. Michel Djotodia est pourtant soumis, en théorie, à une interdiction de voyager. Les autorités centrafricaines s’opposent aujourd’hui à son retour et à sa participation aux élections à venir.
Abdel Fattah al-Sissi >> AU POUVOIR
Après des manifestations populaires gigantesques demandant la démission du président Morsi accusé de déstabiliser le pays, Sissi renverse celui-ci lors du coup d’État militaire du 3 juillet 2013. Le 26 mars 2014, il remet sa démission de ministre de la Défense pour se présenter à la présidentielle, qu’il remporte le 28 mai.
Depuis, il n’a cessé de renforcer sa mainmise sur le pays et a réprimé la contestation des Frères musulmans dans de gigantesques procès ayant abouti à des condamnations de masse, notamment à la peine capitale. Entretenant de bonnes relations avec la Russie ou la France, à qui son armée a acheté notamment deux Mistral, Abdel Fattah al-Sissi est en revanche dans le collimateur des ONG de défense des droits de l’homme.
Godefroid Niyombare >> PORTÉ DISPARU
Dans la galaxie des anciens putschistes, le sort du général burundais est sans doute le plus incertain. Auteur du coup d’État de mai 2015 visant à renverser Pierre Nkurunziza et à l’empêcher d’accéder à un troisième mandat, l’ancien chef d’état-major de l’armée burundaise a pris la fuite lors de l’échec du putsch.
Depuis, peu d’informations ont filtré. Annoncé mort, assassiné, à plusieurs reprises, ou réfugié à Kigali, au Rwanda, Godefroid Niyombare a pour le moment disparu sans laisser de traces. Impossible de savoir actuellement si cette disparition s’avérera durable.