Alors que la Ceni a affirmé qu’elle serait en mesure d’organiser l’élection présidentielle ce dimanche, le président dresse son bilan, répond aux attaques et se déclare prêt à reprendre, s’il est élu, une irrésistible marche en avant.
Jeune Afrique : Le scrutin sera-t-il réellement démocratique et transparent ?
Alpha Condé : Oui. Nous avons satisfait à toutes les demandes de l’opposition en ce sens et même au-delà, malgré les réticences de ma propre majorité. Délégations spéciales, fichier électoral, composition de la commission électorale indépendante : tout le processus a été assaini. J’ai suffisamment été victime de fraudes quand j’étais opposant pour ne pas les tolérer aujourd’hui. La communauté internationale, par la voix de ses représentants en Guinée, l’a reconnu dans une déclaration commune : il n’y a plus de problèmes ni d’obstacles pour la présidentielle.
Ce qui n’empêche pas vos adversaires de redouter ce qu’ils appellent « un hold-up électoral »…
Soyons sérieux. Si hold-up il y aura, ce sera donc avec la complicité de Gemalto, l’opérateur choisi par consensus, mais aussi de l’Organisation internationale de la francophonie, qui est présente depuis le début du processus, et des observateurs de l’Union européenne, en Guinée depuis un mois ! Ce sont là des outrances de campagne. Ce qui est sûr par contre, c’est que je n’accepterai pas le désordre, la pagaille, la prise d’otage du pays, ni que l’on jette des enfants dans la rue. Il n’y aura aucun hold-up, d’où qu’il vienne.
Ne peut-on pas dire que vous contrôlez toujours la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), via son président, Bakary Fofana, qui est l’un de vos proches ?
Bakary Fofana n’a jamais été l’un de mes proches. Quant à la Ceni, vous connaissez ma position. Si elle est ce qu’elle est – c’est-à-dire politique – ce n’est pas de mon fait. Je la voulais technique, composée de spécialistes et d’experts électoraux. Mes adversaires s’y sont opposés. J’ai cédé. Qu’ils assument leur choix !
Comment justifiez-vous la disproportion de moyens financiers entre vous et vos concurrents ?
Quelle disproportion ? Je suis président et, parmi mes obligations, il y a celle de visiter toutes les préfectures du pays, ce que personne n’a fait avant moi. J’en ai visité 120 en cinq ans. Je le fais en tant que chef de l’État, et je ne vais pas m’arrêter de gérer le pays parce qu’une élection est en vue ! Lorsque je rencontre les gens, ce n’est pas pour leur dire : « Votez pour moi », c’est pour les écouter et tenter de résoudre leurs problèmes. Ne confondez pas tout.
Tout de même : au cours de ces tournées, vous distribuez de l’argent. 50 millions de francs guinéens [environ 6 000 euros] pour les femmes, 50 pour les jeunes, 50 autres pour les paysans, etc. Ce n’est pas de l’achat de voix, ça ?
Donc, si je vous suis bien, je devrais, ainsi que mon gouvernement, cesser toute aide aux populations démunies en période préélectorale ? Cela n’a pas de sens. Cet argent, c’est pour l’autonomisation des jeunes, des femmes, etc. Ce n’est pas pour acheter leurs voix, qu’ils donneront à qui bon leur semble. Exemple : je suis allé visiter la sous-préfecture de Dalein, d’où est originaire Cellou Dalein Diallo. Bien que ce dernier ait passé une décennie au gouvernement, en tant que ministre et Premier ministre, il n’y a rien à Dalein, ni marché, ni maison de jeunes, ni villa, rien. Il faudrait donc que je laisse Dalein croupir sous prétexte qu’il y a une élection ? Non. Je suis responsable de ce pays, qui m’a élu.
Vos partisans ont un slogan : « Un coup KO. » Gagner au premier tour, c’est votre objectif ?
Évidemment, comme tout candidat. D’autant que mon bilan est là, qui parle pour moi. Malgré Ebola, qui nous a bloqués et isolés pendant deux ans, la Guinée a atteint le point d’achèvement de l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE).Le grand barrage de Kaléta a été construit, l’administration modernisée, l’armée réformée. Nous avons imposé l’unicité de caisse de l’État, mis en place le salaire minimum interprofessionnel garanti (smig) et le statut des magistrats. Et, désormais, la Guinée existe de nouveau sur la scène régionale et internationale, après un demi-siècle d’absence.
Les campagnes électorales sont souvent de grands moments de communautarisme. Jurez-vous que vos militants ne font pas passer des messages ethniques, du genre « pas de Peul à Sékhoutouréya » ?
Absolument. Je n’ai jamais goûté de ce pain-là, même si certains s’évertuent depuis des décennies à me coller une image qui n’est pas la mienne. Je suis allé récemment, pour une longue tournée, dans le Fouta, où vit une importante communauté peule. Là-bas, les gens m’ont dit : « Nous étions aveugles, maintenant nous voyons ton vrai visage. » L’accueil a été triomphal. Lire la suite de l’interview sur Jeune Afrique