La politique est un domaine qui sied, à bien des égards, à des personnes à la finesse avérée et dotées, certainement, de plus de six sens, leur permettant d’anticiper plus vite que les autres sur les événements et aussi de faire un diagnostic précis et correct d’une situation, notamment celle qui est en gestation.
Difficile alors d’être un animal politique si on ne remplit pas ces conditions avant de descendre dans l’arène. On peut y entrer et y rester, aussi longtemps qu’on le veut, mais le statut d’amateur ou de profane demeurera.
Faute de pouvoir anticiper, l’amateur ressemble ainsi à un cancre qui passe son temps à regarder le plafond de sa classe pour éviter de croiser le regard de son maître qui peut lui demander de passer au tableau noir pour expliquer une leçon à ses condisciples.
Incroyable. La stupéfaction était à son paroxysme quand on a entendu, sans arrêt, sept des huit candidats à la présidentielle demander le report du scrutin à quelques jours de l’élection. Une exigence non obtenue auprès du Conseil Constitutionnel qui a rendu son arrêt à 72 heures du vote.
En lançant ce cri du cœur, les sept candidats n’ont point pensé aux effets pervers de leurs bourdes sur leurs électeurs. A priori, il ne pouvait y avoir qu’un effet boomerang, celui qui, sans aucun doute, a pu déstabiliser certains de leurs inconditionnels qui ont peut-être perdu confiance en eux mêmes et probablement en leurs candidats.
Ceux-ci sont dans leur droit de demander le report, mais au même moment ils devaient, minute après minute, continuer à galvaniser leurs militants et sympathisants en leur demandant d’aller récupérer leurs cartes d’électeurs et de se tenir prêts pour aller voter.
Il y a lieu d’être navré de lire dans l’arrêt rendu par la Cour Constitutionnelle que les requérants n’ont pas apposé leur signature, comme le stipule la loi, mais ce sont leurs avocats, qui ne sont pas requérants en l’espèce, qui ont signé le document à leur place.
En suivant à la lettre l’arrêt rendu public par la Cour Constitutionnelle, il y a lieu de s’interroger si aucun des sept autres candidats n’a pas dans ses rangs un éminent juriste qui peut lui interpréter les textes juridiques.
Le plus cocasse vient encore du même, unique en son genre. Curieusement, au même moment, hâbleur par excellence, Fodé Oussou Fofana, ci-devant directeur de campagne du candidat Mamadou Cellou Dalein Diallo, leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), appelait celui-ci à interrompre sa campagne et à rallier Conakry.
L’émetteur de ce message ne saurait comprendre à quoi son chant du cygne a ressemblé. Au lieu d’être un pyromane à souhait, Fodé Oussou, qui devait soigner, au moins, autant la forme que le fond de la prestation de son candidat, c’est-à-dire la personnalisation de l’intervention de celui-ci, comme le conseillent les sociologues de la communication, a fait de la digression. Il a lamentablement échoué.
Dans le kaléidoscope d’une campagne électorale, la panique, fondée ou non, affaiblit à coup sûr. La politique, un jeu, oui, mais beaucoup plus une science qui n’est pas-attention- exacte. Le domaine est vaste, à telle enseigne que tout leader de parti doit songer à solliciter les services d’un bon sociologue ou d’un psychologue tout court.
Une telle relation peut éviter des sautes d’humeur, des traquenards et des errements, servis par un néophyte qui se fait hara-kiri inconsciemment. Jeter l’éponge aurait été une solution, mais pas la bonne.
La politique est aussi un art. Sa pratique obéît en la possession de certaines qualités humaines innées. Il faut avoir, comme on le dit souvent, des reins solides. En Afrique, nous avons connu des hommes d’état, qui ont appartenu à la galaxie des véritables « bêtes politiques ». Ils avaient la pétulance, le panache, le savoir-faire inépuisable. Ils pratiquaient une politique d’intelligence, mais aussi d’admiration.
Parmi ces grandes figures post indépendances, on peut citer, entre autres, Hassan II, Félix Houphët Boigny, Omar Bongo Odimba, Julius Nyéréré. Ces géants politiques étaient, comme le disait Hegel de Napoléon après la Révolution française de 1789, «des âmes du monde».
Alexis Fall