De longues années d’opposition en exil, la prison, puis une accession quasi miraculeuse au pouvoir ont marqué la trajectoire politique d’Alpha Condé, le président sortant de Guinée, proclamé vainqueur samedi soir par la Commission électorale nationale indépendante.
Svelte, boitant légèrement, volontiers vêtu d’une chemise saharienne, Alpha Condé, 77 ans, qui se réclame de la gauche, est un orateur de talent sachant enthousiasmer son auditoire.
Mais s’ils reconnaissent son charisme et son intelligence, certains de ses proches et tous ses adversaires le décrivent comme un homme autoritaire et impulsif, qui écoute peu, agit le plus souvent seul.
Né le 4 mars 1938 à Boké, en Basse-Guinée (ouest), Alpha Condé est issu de l’ethnie malinké, majoritairement installée en Haute-Guinée (est).
Il part en France dès l’âge de 15 ans pour y poursuivre ses études et y obtient des diplômes en économie, droit et sociologie. Il enseigne ensuite enseigner à l’université parisienne de la Sorbonne.
Parallèlement, il dirige dans les années 1960 la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) et anime des mouvements d’opposition au régime dictatorial d’Ahmed Sékou Touré, « père de l’indépendance » de la Guinée, ex-colonie française indépendante depuis 1958.
Sékou Touré a fait condamner Alpha Condé à mort par contumace en 1970.
Il rentre au pays en 1991, sept ans après la mort de Sékou Touré, et une trentaine d’années d’exil au cours desquelles il se lie d’amitié avec de nombreuses personnalités.
– « Gracié » en 2001 –
Au dictateur a succédé un militaire autoritaire, Lansana Conté, qui a dû instaurer une timide démocratisation permettant à Condé de se présenter à la présidentielle en 1993, puis en 1998.
Ces scrutins ne sont ni libres ni transparents, mais Alpha Condé est officiellement crédité de 27% et de 18% des voix.
Le fondateur du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) inquiète Lansana Conté, qui le fait arrêter juste après la présidentielle de 1998, sans même attendre la proclamation des résultats. Il est condamné en 2000 à cinq ans de prison pour « atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national ».
Une peine qu’il ne purgera que partiellement: sous la pression internationale, il est « gracié » en 2001.
A sa sortie de prison, il se pose en émule de Nelson Mandela, ancien prisonnier devenu en 1994 le premier président noir d’Afrique du Sud. « Il faut faire comme lui, pardonner mais ne pas oublier », dit-il alors.
En 2003, il boycotte la présidentielle, comme les autres candidats des grands partis d’opposition.
Après la mort de Conté et la prise du pouvoir par une junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara, fin 2008, il réclame des élections et reste dans l’opposition.
En visite à New York quand l’armée réprime dans le sang un rassemblement de l’opposition à Conakry, le 28 septembre 2008, tuant 157 civils, il est l’un des premiers opposants à fustiger le « pouvoir criminel » et pointer la responsabilité du chef de la junte dans le massacre.
En 2010, il est enfin élu, au second tour, bien que très nettement distancé au premier par l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, avec 18,25% des voix contre 43,69%.
Le 11 octobre dernier, il est réélu dès le premier tour avec 57,85% contre 31,44% pour son challenger, Cellou Dalein Diallo.
Assurant avoir « hérité d’un pays, pas d’un Etat », il énumère son bilan : réalisation du barrage hydro-électrique de Kaléta, révision des contrats miniers, et surtout mise au pas de l’armée.
« Aujourd’hui l’armée est casernée et la population a confiance dans l’armée », a-t-il déclaré, ajoutant : « L’armée coûtait plus de 30% au budget, aujourd’hui c’est 9% ».
Marié trois fois, il est père d’un garçon, Mohamed Alpha Condé.
Avec AFP