Le budget de la République de Guinée malgré les bonnes prévisions et son cadrage au plan macroéconomique, n’a jamais été orienté au titre des crédits par chapitres et par Ministère vers les secteurs porteurs de croissance économique.
Depuis une trentaine d’année, ce budget n’a couvert que le fonctionnement de l’Etat dans sa partie administrative (souveraineté, paiement des salaires, fournitures et services ainsi que les équipements pour les services centraux de l’Etat, l’armée et les autres services de sécurité, etc…).
Il y a nécessité aujourd’hui pour la troisième république, de revoir la conception, l’élaboration et le contrôle de notre budget selon les règles, les procédures et les principes du droit budgétaire. Lequel droit a connu pendant plusieurs siècles, des réformes dans certains pays Africains, Européens et Anglo-saxonne ainsi que le reste du monde selon la vision politique des actions gouvernementales.
Les investissements pris au compte du budget national de développement ne représentaient rien dans cette masse de ressources disponibles.
Autrement dit, il faut revoir les étapes de la préparation de la loi de finances par rapport au cadrage des perspectives budgétaires qui est un caractère interne au Ministère de l’économie et des finances, lesquelles perspectives permettront de définir la politique budgétaire de l’année à venir en faisant une évaluation correcte des dépenses et des recettes publiques suivi de l’envoi de la lettre de cadrage aux différents ministères selon les délais indiqués.
Cette dernière phase permet d’étudier et de maintenir le budget de reconduction d’un service dans l’année (.n). Elle est suivie des mesures vraiment nouvelles qui sont soumises à l’arbitrage des autorités une fois que le budget de reconduction calculé.
Le dernier volet de cette phase, constitue le solde qui apparait lorsque le budget total est rapproché des recettes prévisibles. Ce qui permet d’éclairer les choix des responsables en vue de la préparation effective du budget.
Puis intervient la phase de la fixation des plafonds de dépenses qui débouchent sur les conférences budgétaires de première et de deuxième phase.
Dans certains pays, le Premier Ministre et le Président de la République ainsi que leur cabinet respectifs jouent un rôle primordial dans la conception, l’élaboration et le cadrage budgétaire.
Il s’agit là du rôle qu’ils doivent impérativement joué dans l’élaboration des lettres plafonds qui fixent l’enveloppe de crédits de chaque ministère.
Il y a également et en fin la deuxième phase qui constitue la mise au point définitive déterminant avec précision le détail exact des mesures acquises et des mesures nouvelles afin de préparer les documents budgétaires.
Cette phase concours à l’évaluation et à l’examen des dépenses par ministères et la détermination des recettes en fonction des mesures fiscales envisagées par les pouvoirs publics.
Dans mon analyse je ne saurais rentrer dans tous les détails des documents qui accompagnent l’élaboration du budget (les annexes d’accompagnement, le rapport économique et financier, les annexes explicatives, les autres annexes explicatives, les annexes générales, les annexes blanches « la nomenclature d’exécution et les budgets programmes ».
Je ne rentre également pas dans la dynamique de la soumission, de la discussion, de l’examen et du vote de la loi de finance qui est une procédure constitutionnelle très longue qui se joue à l’occasion entre le Parlement et l’exécutif.
L’analyse que je fais et qui est loin des critiques n’est qu’un constat éloquent qui se porte sur des interrogations que le budget d’un Etat sert réellement à quoi ? Si c’est pour financer les dépenses de souveraineté, du fonctionnement des administrations publiques centrales, des services des armées et des forces de sécurité.
Il s’agit désormais d’étendre l’acquisition des équipements par voie d’appels d’offres et des contrats, (les fournitures de bureaux, les équipements informatiques, les mobiliers de bureaux, etc…) à tous les services de l’état y compris ceux de l’intérieur du pays rattachés aux Départements Ministériels respectifs d’une manière générale.
L’histoire de certains pays Africains est très éloquente en la matière, il s’agit de l’Ethiopie, du Botswana, etc…. qui ont fait l’objet d’éloge par l’éminent économiste moderne, ancien 4ème Vice Président de la Banque Mondiale, Conseiller économique et Professeur à l’Université de Harvard « Joseph Stieglitz » je cite ces deux (02) pays ont été des bons élèves en matière de gestion économique et financière.
Auteur du livre « la grande désillusion » qui dépeint les rôles de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI) dans la mise en œuvre des politiques publiques, économiques et financières à travers le reste du monde.
Le budget d’un état doit être bâti sur des bonnes informations économiques et financières réelles et conçues dans une dynamique de programmation et de projection financière à travers une étude détaillée des agrégats et des variables macroéconomiques. Aussi, avoir de bonnes informations statistiques fiables de l’ensemble des activités au plan national.
Le budget dans une règle générale sert à financer les secteurs de production, de biens et services. Il doit en grande partie et à travers des canaux de transmission par voie de crédit décentralisés, accompagner en terme d’équipements, de formation, de recherche et d’innovation, les secteurs éducatifs, agricoles, de l’artisanats, des PME/PMI évoluant dans tous les secteurs d’activité de la vie économique.
Il s’agit de voir les modèles du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Botswana, du Maroc, pour s’en inspirer d’avantage des nouveaux concepts de gestion économique, financière, budgétaire et ce, au regard du droit en la matière.
Il constitue un facteur de création de richesse nationale si l’essentiel des crédits sont orientés vers les secteurs porteurs de croissance et des entreprises privées qui fournissent des biens et services au plan national.
Les bons résultats de la gestion budgétaire et financière ne sauraient se réaliser s’il n’y a pas une bonne coordination entre les Directions nationales du budget, du trésor public, de l’économie, des prévisions et des statistiques ainsi que la Cours des Comptes. Aussi, s’il n’y a pas une étroite et véritable coordination entre la politique budgétaire et la politique monétaire.
Car ces Directions doivent de façon trimestrielle et annuelle, procéder à des rapprochements des comptes publics, à l’examen des rapports économiques en vue d’une évaluation des dépenses et des recettes de l’Etat.
Cette dynamique d’encadrement budgétaire passe nécessairement par la mise en place d’un système informatique budgétaire et comptable entre tous ces acteurs et entités concernées par l’élaboration et l’exécution de loi de finance.
Le Trésor Public en tant que banque de l’Etat doit pouvoir mettre en place des mécanismes de gestion rationnelle de la trésorerie de l’Etat.
A ce titre, et à travers des moyens techniques, concevoir des instruments financiers permettant de faire des placements de bons sens (en over night, à court et à long terme) et levers des fonds sur les marchés afin que l’état puisse faire face au financement des gros investissements (construction des routes, aménagements des voiries publiques, adduction d’eau et l’électrification publique, etc..).
Il faut noter que la bonne exécution du budget dépend également de la passation transparente des marchés publics conformément au respect des règles et procédures du Code en la matière et du contrôle comptable du budget.
Ce qui justifie dans cette analyse de définir le rôle des comptables publics dans le maniement des fonds publics dans le cadre de l’exécution budgétaire.
Le principe des réformes et/ou de refonte du cadre structurel, fonctionnel, législatif et réglementaire de la gestion budgétaire et du rôle des Comptables Publics principaux et des Comptables Publics secondaires en République de Guinée.
La Guinée à l’instar des autres pays de la sous région Ouest Africaine et à travers le reste du monde, a opté depuis avril 1984, pour un régime libéral. Cet état fait a conduit les Autorités Politiques et Economiques a amorcé des réformes au sein du système financier pour la relance de notre économie en termes de croissance durable.
Le budget de l’Etat étant le seul instrument classique de relance d’une économie en générale obéît à des règles de gestion qui découlent d’une certaine organisation administrative et financière d’où la nécessité de ressortir le rôle des Comptables Publics dans le maniement des deniers de l’Etat.
Ces derniers, une fois organisés de manière structurelle et fonctionnelle appuyé par des garanties quant à leur gestion des recettes et des dépenses de l’Etat permettent de sécuriser le budget dans sa phase d’exécution.
- Définition, fonction et attributions des Comptables Publics
Au regard des dispositions de la loi organique ou du décret portant loi de finances, est Comptables Publics, tout fonctionnaire ou agent ayant qualité pour exercer au nom de l’Etat, d’une Collectivité Publique, ou d’un établissement public, des opérations de recettes, de dépenses ou de maniements de titres, soit au moyen de fonds et de valeurs dont il a la charge, soit par virements internes d’écritures, soit par l’intermédiaire d’autres Comptables Publics.
- Les attributions des Comptables Publics :
Les attributions des Comptables Publics sont entre autres :
- De la prise en charge et du recouvrement des recettes ;
- Du paiement des dépenses ;
- De la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics ;
- Du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités ;
- De la conservation des pièces justificatives, des opérations et des documents de comptabilité ;
- De la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent.
- Les caractéristiques de la fonction des comptables Publics
Le Comptable Public est nommé par le Ministre de l’Economie et des Finances, ou avec son agrément (ce dernier est acquis avec le contreseing de l’acte de nomination).
Dans sa prise de fonction, le Comptable Public est subordonné à l’intervention de trois (03) actes préalables à savoir :
- La prestation de serment par laquelle il jure d’exercer sa fonction avec probité et fidélité et de se conformer aux lois et règlements en vigueur. Cette prestation qui doit être instituée par un Décret intervient obligatoirement en début de sa carrière en principe devant la Cour des Comptes.
- La constitution des trois (03) garanties destinées à pallier l’insolvabilité éventuelle du Comptable dont la responsabilité aurait été mise en jeux.
Ces garanties sont entre autres :
- Le cautionnement qui résulte du versement annuel d’un montant égal à 1/100 des ressources à gérer. Il a pour objet de couvrir la seule mise en débet du Comptable à l’exclusion des condamnations pécuniaires, civiles ou disciplinaires engagées sur le fondement de la faute. Il doit également souscrire à une assurance pour couvrir sa responsabilité personnelle et pécuniaire. Ce cautionnement est destiné à garantir l’Administration ;
- L’hypothèque légale sur les immeubles acquis avant comme après sa nomination par lui ou sa femme quelque soit le régime matrimonial ;
- Le privilège du Trésor Public sur les biens meubles appartenant au Comptable ou à sa femme quelque soit le régime matrimonial.
Ces documents sont consignés auprès du Trésor Public et copies sont versées auprès de la Cour des Comptes.
La dernière caractéristique constitue l’accréditation qui est la notification de la signification de la signature du Comptable. Il doit signer le procès-verbal dressé contradictoirement portant sur le respect de toutes ses garanties et faisant état de son acceptation ou de ses réserves sur la situation des comptes accompagné de justificatifs. Ce document assure le transfert sur tout nouveau Comptable entrant en exercice de ses nouvelles fonctions.
Ces règles législatives et réglementaires s’appliquent également aux Comptables Publics secondaires qui rendent leurs comptes aux Comptables Publics principaux qui centralisent leurs opérations.
Les Comptables Publics Principaux quant à eux rendent compte directement à la Cour des Comptes. Il faut également signaler que le principe de séparation entre l’ordonnateur principal et le comptable public doit être de droit. Ce qui est de même pour les ordonnateurs secondaires.
Certes il y a des exceptions à ce principe de séparation des ordonnateurs et des comptables pour des raisons de rapidité et de simplicité des recouvrements et des paiements sans ordonnancement.
Dans ce cas de figure, les comptables publics principaux sont représentés par les Receveurs des impôts et des Douanes. Ces derniers font des rapports avec transmissions de tous les documents comptables aux comptables publics principaux.
A cette occasion, il va falloir de procéder à la refonte des postes de DAF et de SAF conformément au principe du droit budgétaire et ce, dans tous les Départements Ministériels et les autres services publics et parapublics, car ces derniers ont participés durant ces vingt quatre (2’4) dernières années et plus et sous les yeux des contrôleurs des services financiers et comptables à une mauvaise gestion des fonds publics dans notre pays. Toute chose qui a favorisée la mauvaise exécution du budget de l’Etat.
Les DAF et les SAF peuvent être désormais s’orientés vers l’analyse financière des recettes et des dépenses publiques au sein des Ministères et ils peuvent dans ce contexte procéder également à une évaluation financière des dépenses et des recettes tout en dressant des rapports périodiques sur l’évolution de celles-ci et transmettre au Ministre du Budget et à la Cours des Comptes.
En rapport avec tous les acteurs de la gestion budgétaire et du contrôle, participer au sein des Ministères dépensiers à la préparation des programmes de budget d’investissement et d’équipement pour chaque année budgétaire.
A titre indicatif, il faut noter que la réalisation de cet objectif dépend en grande partie d’une formation continue des Cadres et Agents en charge des questions de gestion économique, financière et budgétaire de l’Etat par le biais (des ateliers, des séminaires sur place en rapport avec le FMI sur des modules pratiques et théoriques de la programmation et la projection budgétaire, financière, l’élaboration, l’exécution et le contrôle budgétaire, la gestion de la trésorerie de l’Etat, l’évaluation des comptes publics, etc…).
Aussi, organiser des voyages d’études auprès des autres entités financières à travers sous la région, l’Afrique en générale et le reste du monde, pour s’enquérir des meilleures pratiques en gestion, en technique de contrôle budgétaire et comptable.
A ce jour, et pour obtenir de bons résultats, il faut s’orienter vers les meilleures pratiques modernes de gestion budgétaire comme c’est le cas au Ghana, au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Botswana, en Ethiopie, au Rwanda.
Pour rendre plus efficace la gestion budgétaire, il faudra dissocier l’implication administrative des décisionnels politiques aux travaux des opérationnels c’est à dire (les comptables publics, les contrôleurs financiers, les Directeurs administratifs et financiers), pour un meilleur rendement de la politique budgétaire.
Aussi, au-delà de la présentation des crédits par chapitre et par Ministère, il faudra désormais les présenter sous forme de budget programme en fonction des objectifs de politique publique auxquels ils contribuent.
La gestion budgétaire étant très complexe, il appartient aux politiques de la 3ème république c’est-à-dire l’exécutif de porter le choix sur des ressources humaines de grande capacité de management, de vision, d’éthique et de rigueur dans la gestion des fonds publics.
L’émergence d’un pays dépend en grande partie de la qualité et de la capacité de ses ressources humaines qui sont pourvues du savoir et du savoir faire. Autrement dit, choisir des hommes capables de s’orienter vers les grands concepts du jour de gestion budgétaire.
Sékou Oumar PENDESSA, Juriste/ BCRG