A la faveur de la clôture samedi de la session budgétaire du parlement guinéen, le président du groupe parlementaire des Libéraux-démocrates, a fait forte sensation, lorsqu’il a été amené à prononcer son discours à la tribune.
Pour un discours-vérité, c’en était un. Tout y passe, rien n’est laissé au hasard. Comme vous le remarquerez, dans ce discours, Dr Fodé Oussou, a dépeint un budget qu’il a qualifié d’impossible et d’hypothétique à mettre en œuvre.
Il a dénoncé les errements financiers de la gouvernance Alpha Condé, qui ont conduit à ses yeux, le pays dans le Radeau de la Méduse.
Pour illustration, il en veut pour preuve, des marchés de gré à gré surfacturés, accordés à des entreprises dans les domaines des travaux publics et de l’énergie.
C’est pourquoi, Dr Fodé Oussou Fofana, se farcit mal, très mal, que le gouvernement veuille faire payer le prix de ses propres turpitudes, aux pauvres citoyens, en relevant la TVA sur certains produits de grande consommation comme l’huile et la farine.
On ne vous en dit pas plus ! Lisez plutôt ce discours :
Assemblée Nationale République
de Guinée
3ème Législature Travail –Justice –
Solidarité
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Groupe Parlementaire
Des Libéraux/Démocrates
EXPLICATION DE VOTE SUR LE PROJET DE LOI DE
FINANCES INITIALE 2016 ;
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables Députés,
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
Excellences Mesdames et Messieurs les Représentants des
Institutions Républicaines,
Monsieur le Représentant du Chef de l’Etat,
Mesdames et Messieurs du personnel de l’administration
Parlementaire,
Distingués Invités, tout protocole confondu,
Mesdames et Messieurs
Au terme de notre session, nous voilà réunis pour le vote du projet de loi de finances 2016 qui a été transmis à l’Assemblée avec un retard considérable. Toutefois dans l’intérêt supérieur de la nation les députés toute tendance confondue et le personnel parlementaire ont consentis des sacrifices pour travailler sans relâche depuis la réouverture des travaux de la session. Que tous et chacun en soit remercier.
Monsieur le Président ;
Honorables Députés ;
Il vous souviendra que lors du vote du projet de loi de finances initiale 2015, mon groupe parlementaire dans son explication de vote avait indiqué que les objectifs macroéconomiques qui nous avaient été soumis étaient trop optimistes sinon peu réalistes surtout en ce qui concerne le taux de croissance et le taux d’inflation.
Aujourd’hui, l’histoire nous donne raison avec les résultats macroéconomiques de fin 2015.
C’est dire que le Groupe Libéral Démocrate avait vu juste.
Sans risque de nous tromper nous disons une fois encore que les hypothèses macroéconomiques du projet de budget 2016 sont irréalistes
surtout en ce qui concerne le taux de croissance. En effet, la relance économique post- Ebola ne sera pas aussi rapide comme les autorités le souhaitent surtout avec le secteur minier.
Aussi, les contraintes liées à l’exécution du budget d’investissement qui est de 54,3% sur ressources propres sont évidentes, car une bonne partie de ces ressources doit servir au règlement des décomptes de travaux impayés en 2015.
Monsieur le Président ;
Honorables Députés ;
Avant de faire nos commentaires et observations sur le projet de budget 2016, il est important de lever un coin du voile sur l’exécution du Budget 2015, qui enregistré des dépenses extrabudgétaires notamment dans le domaine des travaux publics et de l’énergie. Ces opérations ont porté sur des contrats de marchés de gré à gré assortis de garanties de la BCRG. Il s’agit : (i) des travaux de réhabilitation de la route Kankan- Kissidougou pour un montant de 305 millions d’Euros soit 2 932, 700 milliards de GNF avec la Société Burkinabé EBOMAF (ii) de la route Kankan – Mandiana pour un montant de 184,8 millions d’Euros (iii) du tronçon Dabola-Kouroussa pour un montant de 482,362 milliards de GNF et (iv) et de l’axe Sonfonia –Kagbélé à hauteur de 473,662 milliards de GNF.
Le financement de ces contrats de marchés surfacturés sur le BND et d’autres dans le secteur de l’électricité sans appel d’offre et avec des lettres de garanties a eu pour conséquence majeure l’endettement excessif de l’Etat auprès du système bancaire à hauteur de 1735 milliards de GNF contre un objectif de zéro à fin décembre 2015. Bien entendu cet endettement de l’Etat a induit une expansion de la masse monétaire et la hausse de l’inflation en fin de période.
Monsieur le Président ;
Honorables Députés ;
Pour améliorer le cadre macroéconomique de fin décembre 2015, le gouvernement compte mettre en œuvre une politique budgétaire axée sur une nouvelle politique fiscale permettent une mobilisation plus accrue des recettes par entre autres, le relèvement du taux de la TVA de 18 % à 20% pour tous les produits y compris les denrées de première nécessité, comme la farine et les huiles alimentaires, qui étaient autre fois taxés à un taux zéro.
Il est certain que cette nouvelle disposition fiscale au un effet négatif sur le panier de la ménagère dès les premiers jours de son application notamment sur le prix de la baguette de pain en premier lieu.
Comme évoquer au cours de notre explication de vote sur les recettes notre préoccupation porte également sur la gestion de cet impôt. En effet, l’absence ou la faiblesse des comptabilités au niveau de la plupart des opérateurs et agents économiques constitue un obstacle majeur à la gestion de la TVA par l’administration fiscale.
A cela s’ajoute le laxisme, le népotisme et la corruption qui gangrènent nos administrations économiques et financières, dans le contexte de morosité de l’activité économique et de précarité généralisée au niveau des populations
Monsieur le Président ;
Honorables Députés ;
Chers invités ;
A la suite de ce que nous venons de décrire, il apparaît clairement que ce sont les pauvres populations et les travailleurs qui payeront au-delà de tout, le prix de la mauvaise gestion de nos finances publiques.
A notre avis, le moment ne se prête pas pour une augmentation du taux de la TVA surtout sur les denrées de première nécessité, alors que l’Etat a d’autres sources de recettes intérieures non mobilisées.
Il s’agit entre autres des recettes des domaines dont la gestion est nébuleuse. Dans le secteur minier également, il y a lieu de signaler le cas de la Société Minière de Boké (SMB) qui exporte de la bauxite sans aucun paiement de droits et taxes à l’Etat. Rappelons le que ce fut le cas avec la société Forécariah Mining Company durant les années précédentes qui a exploité et exporté des milliers de tonne de minerais de fer sous les yeux de toutes les autorités sans aucun paiement aux caisses de l’Etat.
S’agissant du volet dépenses, il faut noter une forte compression de celles-ci pour éviter tout nouvel endettement de l’Eta au près du système bancaire, car la politique tant prônée par le gouvernement ici et ailleurs d’une exécution du budget de l’Etat sur base caisse n’a pas été observée par les autorités des finances et de la BCRG.
C’est dire que le remboursement des avances consenties par le système bancaire au trésor public constituera un volet important dans l’exécution des dépenses. Une telle situation disons-le clairement a pour conséquence la limitation des capacités de l’Etat après paiement des salaires et des pensions et au service de la dette, de faire face aux autres dépenses liées aux charges des ambassades qui étaient à 8 mois d’arriérés, aux universités privées et aux investissements.
Il est important de noter qu’une partie des ressources de 2016 servira au paiement des décomptés impayés des projets et programmes de 2015.
La leçon qu’il faut tirer de cette situation est que le gouvernement est aujourd’hui rattrapé par les conséquences la mise en œuvre d’une politique populiste et électoraliste de Monsieur Alpha CONDE par l’ouverture de chantiers tous azimut sans études préalables, sans appel d’offres avec des marchés surfacturés.
C’est l’occasion pour nous d’attirer l’attention des uns et des autres sur des cérémonies de la pose de la première pierre du Projet Souapiti par le chef de l’Etat sans que les études de faisabilités et les conventions de financement ne soient soumises à l’assemblée nationale. Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Mesdames et Messieurs.
Certains collègues de l’autre côté qualifient ce budget de très contraignant, nous nous disons qu’il est très hypothétique voire impossible à mettre en œuvre pour qui connait la réalité économique et sociale de notre pays. C’est pourquoi nous disons que pour atténuer l’impact de l’augmentation du taux de la TVA, le gouvernement devrait prendre la décision courageuse de baisser le prix du carburant à la pompe étant donné la baisse du cours mondial du baril de Pétrole. Les autres pays de la sous -région sont déjà dans cette pratique et pourquoi pas nous ?
Le gouvernement doit avoir pitié des pauvres populations de guinée et nous ne cesserons de l’interpeler dans ce sens.
Monsieur le Président ;
Honorables Députés ;
Avant de terminer, je voudrai à présent aborder un autre aspect de la gouvernance économique et financière de notre pays. Il s’agit de la certification par la cour des comptes des comptes publics, du contrôle de gestion et des sanctions prononcées par la haute cour de justice pour crimes et délits imputables aux membres du gouvernement.
En ce qui concerne la cour des comptes, il est utile de rappeler que celle-ci est chargée de contrôler la gestion des gestions passées sur les 5 dernières années (N-1 à N-5) qui correspond à la période de prescription des infractions. C’est dire qu’elle aura forcément à contrôler (auditer) les dossiers que les ordonnateurs principaux ou délégués et les comptables publics ont eu à connaître ou à gérer.
Or, par un décret lu sur les ondes de la Télévision Nationale, le Président de la République a nommé dix cadres aux fonctions de Conseillers Maîtres à la Cour des Comptes. Parmi eux figurent les noms du ministre de l’Economie et des Finances sortant et de l’ancien Agent judiciaire de l’Etat.
A cet égard, les Députés membres du Groupe Libéral-démocrate, considèrent que ces nominations surtout celle du ministre de l’Economie et des Finances sortant, Ordonnateur Principal du budget, sont contraires à l’éthique, à la morale et aux lois de la République.
En effet, comment peut-on, sans observer la période de prescription des infractions qui est de 5 ans, charger le Ministre de l’Economie et des Finances sortant de faire le contrôle de sa propre gestion, c’est-à-dire de certifier les comptes publics, la régularité et la qualité de la gestion des ordonnateurs principaux ou délégués ministres, directeurs d’administrations ou d’établissements publics ?
De même, avec cette nomination à la Cour des Comptes, comment celle-ci pourrait-elle engager, s’il y a lieu, la responsabilité de son Premier président pour faute de gestion et l’infliger une amende ?
Le conflit d’intérêt est manifeste sans compter la violation des règles et des procédures en matière de gestion économique et financière, des principes comptables (transparence, sincérité, régularité et prudence) et des textes fondamentaux relatifs au contrôle de gestion des deniers publics.
Monsieur le Président ;
Honorables Députés ;
Mesdames et Messieurs.
Au-delà des considérations politiques et partisanes, cette nomination est non seulement la preuve éloquente de la volonté du Président de la République de couvrir les fautes de gestion et la gabegie financière des cinq dernières années mais aussi et surtout elle constitue une insulte à notre intelligence nationale.
En ce qui concerne le contrôle de gestion, outre le contrôle administratif exercé par l’Inspection générale des finances nous constatons avec regret et indignation que ces nominations irrégulières et douteuses pour certains membres à la Cour des comptes compromet dangereusement l’effectivité du contrôle juridictionnel tout en entachant la crédibilité de cette haute juridiction.
S’agissant du contrôle législatif, nous constatons également que les projets de lois de règlement n’ont pas été déposés pour nous permettre de contrôler l’exécution du budget de l’Etat ces cinq dernières années.
Enfin, pour les raisons suffisamment développées plus haut, je demande aux députés du groupe libéral démocrate de voter contre le projet de Loi de finances 2016 présenté par le Gouvernement.
Je vous remercie