Le dimanche 7 février dernier, j’ai été très marqué par un bout de phrase prononcé par le doyen Ben Traoré, animateur principal de l’émission «Club de la presse», sur les ondes de la radio Djigui FM.
J’y étais invité à débattre de la corrélation entre les violences politiques et la liberté de travail des journalistes souvent déployés sur le terrain. Un thème d’ailleurs imposé par la mort, deux jours plus tôt, de notre confrère du site internet guinee7.com, El Hadj Mohamed Koula Diallo, aux abords du siège de l’UFDG, le principal parti d’opposition guinéenne.
Mes co-invités étaient Laye Mamady Condé allias LMC, Mohamed Mara d’Espace FM et Hamza Bah de la radio Nostagie FM. Au cours de l’émission, le sujet a été également soumis, par téléphone, à deux personnalités politiques. D’abord El Hadj Lansana Kouyaté, président du PEDN, puis une ressortissante guinéenne, qui réside au Etats-Unis d’Amérique, Doussou Condé.
A l’entame de l’émission, le présentateur, Ben Traoré, dans le traditionnel éditorial qui ouvre son émission, posait la question suivante: Les sièges des partis sont-ils devenus des garnisons militaires?
Cette question avait pour objectif d’aider à réfléchir sur la violence devenue, progressivement, un dénominateur commun aux partis politiques.
Alors, au regard du flou qui entoure encore les circonstances de cette mort, je me suis abstenu d’aller beaucoup trop en profondeur de certains aspects de ce que les médias appellent l’affaire Mohamed Koula Diallo. J’ai notamment fait preuve de retenue, lorsque je narrais ce que j’avais vu et entendu au siège de l’UFDG, lors des échauffourées au cours desquelles notre confrère avait été tué.
Aujourd’hui, certes, nous parlons de l’UFDG, et nous sommes obligés de rappeler, (cela ayant à plusieurs fois été rapporté par des témoins), que ce parti a une catégorie de militants ou plutôt une catégorie de personnes présentes à ses manifestations politiques, qui s’arment souvent d’objets tranchants qu’on peut appeler des armes. Nous, reporters qui couvrons les manifestations politiques, nous savons ce que signifie Gnariwada ou Gnakidhins à l’UFDG. Et nous savons qu’on évoque souvent l’existence d’une ‘’Section cailloux’’ au sein de ce parti.
Vu ainsi, on est donc tenté de conclure, que bien qu’étant un parti politique apparemment bien structuré, l’UFDG entretiendrait des comportements violents. Et le fait qu’un coup de feu ait été tiré en marge d’une réunion du Bureau Exécutif du parti, contribue à conforter l’accusation portée contre l’UFDG. Même si aucune preuve tangible n’avait encore été fournie pour étayer cette accusation sur le caractère violent de cette formation politique. Faut-il souligner qu’il est loin de nous toute idée qui voudrait faire porter à l’UFDG la responsabilité criminelle de la mort de notre confrère. Seul un travail serein, professionnel et impartial de la justice guinéenne pourrait désigner l’auteur et le ou les commanditaires de ce crime ignoble.
Mais, si nous portons un regard au-delà de ce qui se passe lors des manifestations organisées par l’UFDG, nous nous rendrons compte que d’autres entités politiques semblent recéler aussi un potentiel de violence. C’est le cas du parti au pouvoir, le RPG arc-en-ciel.
Travaillant à l’époque pour le quotidien en ligne guineematin.com, je m’étais rendu à Siguiri, en octobre 2015. Des responsables du parti au pouvoir avaient boudé les activités de campagne qu’ils menaient en faveur de leur candidat, le président Alpha Condé.
Au cours de ce séjour, il m’a été donné de constater qu’il y avait une sorte de milice au service de ce parti au niveau local.
Organisés en groupe, des jeunes du terroir, se substituaient à la gendarmerie, à la police et à l’armée pour faire régner leur loi. Et ce, toutes les fois qu’ils étaient en colère. La photo qui illustre cet article, nous l’avons prise à Siguiri, dans la cour de la concession d’un membre influent du parti au pouvoir, en poste à la Présidence de la République, au moment des faits.
Ces jeunes répétaient à qui voulaient l’entendre qu’ils avaient été chargés par des responsables locaux du parti, d’aller déloger le maire de la Commune urbaine. Vrai faux, toujours est-il que les expéditionnaires avaient réussi à mettre dehors le premier responsable de Mairie de Siguiri.
Au regard des tensions sociopolitiques qui règnent encore dans la ville de Siguiri, il faut continuer à redouter la présence de cette espèce de commando. Et craindre sa capacité de nuisance au service de responsables politiques et administratifs véreux.
Au regard de ces scènes constatées à l’UFDG, plus grand parti de l’opposition et au RPG arc-en-ciel, parti au pouvoir, on est tenté de reprendre à notre compte la question du doyen Ben Traoré, à savoir ‘’nos partis politiques seraient-ils devenus garnisons militaires’’? En tout cas, tous ces deux partis entretiendraient des branches violentes et parfois armées.
Je ne voudrais pas aller trop loin dans ce qui pourrait être la conséquence de cet état de fait. Mais je voudrais simplement attirer l’attention du ministère en charge de la gestion des partis politiques, mais aussi des organisations non étatiques, nationales et internationales, sur l’extrême gravité du maintien de ces éventuels groupuscules armés au sein de nos partis politiques.
Thierno Amadou CAMARA
Journaliste et Analyste Politique
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